4.3.1- Les causes externes de la violence des
élèves
4.3.1.1-Le contexte socio-économique et familial
Les élèves, tout comme les enseignants pensent
que beaucoup d'élèves sont issus de familles pauvres. En
analysant les entretiens avec les élèves de 2nde, il
en ressort que la condition de pauvreté des parents, la faim,
mêlée à l'envie d'imiter les élèves qui
ont plus d'argent (Elève N°3) peut amener un enfant
à des actes de délinquance comme le fait d'arracher ce qui
appartient aux autres camarades. Cette pauvreté a aussi pour
conséquence la démission des parents comme le souligne
M. Guy :
La plupart, ... si on peut dire 80% des enfants de cet
établissement sont issus des familles pauvres...ce qui fait que les
parents ont abandonné leurs responsabilités... Une fois que le
parent a payé l'inscription, le reste là il ne s'en occupe pas
... Les parents sont plus préoccupés à gagner un peu
d'argent pour que l'enfant rentre manger à la maison... il peut
aller s'accoquiner avec les motos taximen, les fumeurs de
chanvres... (NEP, 20/10/2015)
Les mauvaises compagnies évoquées dans ce
discours donnent aux élèves plus de courage pour affronter les
enseignants et les camarades, puisqu'ils savent qu'ils ont des alliés
à l'extérieur qui leur viendront en renfort en cas de
problème (Cf. Séquence 2). Ces compagnies sont aussi à
l'origine de la consommation et de la distribution de la
drogue au sein du Lycée. A cet effet, des élèves
ont été surpris plusieurs fois en flagrant délit de
consommation de drogue (tramol, cannabis, cocaïne, etc) ou de cigarette et
la fouille inopinée de leurs sacs par les Surveillants a permit d'en
saisir des quantités importantes. ((NOE, 07/11/2016 et 14/11/2016 cf.
enregistrement du Rassemblement).
Ceci s'explique encore plus par le fait que la ville de
Bertoua est une ville à forte insécurité avec des
agressions, des assassinats et des règlements de compte fréquent
(Cf. Description du site de l'étude)
Mme Rita, tout comme M. Balia et même les
élèves de 2nde que les frustrations ou les
problèmes rencontrés au plan familial peuvent affecter
le comportement d'un élève. Selon elle, certains quittent le
domicile familial pour aller louer une chambre et se comportent mal sachant
que personne ne viendra répondre de leurs actes, contrairement à
ceux qui vivent avec leurs parents et qui ont peur des représailles.
Dans les propos des élèves concernant les causes de
leur propre violence, il ressort que la perte d'un parent
peut être à l'origine de l'agressivité d'un
élève vis-àvis des autres. C'est ce qu'exprime
l'Elève N° 3 en ces termes : « un enfant qui
perd l'un de ses parents, c'est le monde qui s'écroule...Il s'attaque au
monde » (NEE 2nde). En effet, l'élève
en question qui signale à la phase d'identification qu'il a perdu sa
mère s'exprime plus que les autres tout au long de l'interview et parle
régulièrement du rejet ou de sentiment d'être
rejeté et du besoin d'être reconnu comme cause de la
violence des élèves.
En outre, certains parents, généralement
aisés, ont une éducation assez laxiste, et ne
savent pas faire des reproches à leurs enfants. Ils ont une conception
que Débardieux (1998) présente comme post-moderne de
l'enfant dont on doit rechercher « l'amour », sans aucune
contrainte par peur de briser le lien affectif. Vivant dans ce laisser-aller ou
encore ce laisser-faire, ils ne supportent pas les reproches des enseignants
(NEE N°2), narguent leurs camarades moins nantis. Les élèves
N° 10 et 11 l'expriment lors de l'entretien :
Elève N°11 : Je suis pauvre, je n'ai pas
assez d'argent pour m'acheter des documents. Je demande à mon camarade
de me prêter son document. Il me lance des mots choquants ou il va
raconter des choses contre moi. ... Quand on te donne un beignet et que toi
aussi tu n'as pas les moyens...Si elle voit que tu ne lui donnes pas aussi,
ça va l'énerver et ça va créer de problèmes
entre vous. ...
Elève N°10 : Je viens demander l'aide
à mon ami pour photocopier un document. Il va se vanter qu'il m'a
aidé. Je vais me sentir humilié.
Dans ces propos ressortent encore des formes de violence
psychiques (Mots choquants, humiliation, commérages) qui peuvent
conduire à des réactions encore plus violentes de la part de ceux
qui les subissent.
Le sentiment de rejet au niveau de
la famille ou de la société peut se répercuter à
l'école et pousser l'élève à vouloir se faire
connaître, pour être célèbre et pouvoir
intégrer un groupe. Il « se fait une
réputation de rebelle » (Elève N°3) en
exerçant de la violence sur ses camarades et ses enseignants afin de se
faire respecter.
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