Chapitre VIII - Conclusion
L'administration fiscale est l'une
des administrations les plus exposées aux risques. Il est donc
primordial pour elle de mettre en place un processus de management des risques
(PMR) et de s'assurer de son bon fonctionnement. Au Burkina Faso, la Direction
Générale des Impôts (DGI), a mis en place un processus de
management des risques sans n'avoir toutefois jamais procédé
à son évaluation. Par conséquent, l'état de
fonctionnement du processus reste peu connu.
L'objectif de cette étude était
d'apprécier l'état de fonctionnement du processus de management
des risquesde la DGIenrépondant aux interrogations suivantes: la
culture du risque, reflète-t-elle une intégration suffisante des
risques au processus de prise de décision et de fixation des
objectifs?La gouvernance des risques,reflète-t-elle une participation
suffisante des acteurs de la DGI au processus de management des risques ?Le
processus méthodologique de gestion des risques, notamment
d'évaluation, de traitement, de suivi et de reporting des risques,
est-il pertinent et mis en oeuvre de façon adéquate ?
Pour parvenir à cet objectif, nous avons construit un
modèle d'analyseissu de l'adaptationde travaux similaires de l'IIA et de
l'ACUA concernant le PMR. Ce modèle d'analyse inclut un modèle de
maturitéet un questionnaired'évaluationélaborés sur
la base des caractéristiquespropres à tout PMR efficace
indépendamment du référentiel utilisé :il
s'agit de la culture du risque, de la gouvernance des risques et du processus
de gestion des risques.Le questionnaire aborde entre autres la
compréhension du management desrisques au sein de l'entité, le
soutien de la direction générale à cette démarche,
la définition des rôles et responsabilités en la
matière, la pertinence de la méthodologie d'évaluationdes
risques ou encorele partage d'informations sur les risques. Sont
également pris en compte, les spécificités de
l'évaluation des risques dans l'administration fiscale comme le recours
aux outils de profilage des contribuables ou des opérations en
fonctiondu niveau de risque.
Les réponses apportées au questionnaire à
travers lesentretienset les analyses documentaires,révèlent que
le PMR de la DGI, comporte des insuffisances susceptibles de nuire à son
efficacité. En effet, les trois composantes analyséesque sontla
culture du risque, la gouvernance des risques et le processus de gestion des
risquessont encore en deçà du niveau de maturité
souhaitable au regard de la forte expositionau risquedel'administration des
impôtset durôle stratégique de la DGI dans mobilisation des
recettes de l'État.
De façon détaillée, au niveau de la
composante « Culture du risque », on note qu'une
proportion significative des acteurs de la DGI, ne disposepas d'une
compréhension de base sur le risque. Aussi, le risque est pris en compte
dans l'élaboration de la stratégie et dans la planification
annuelle des activités et du budget,mais de façon informelle.
Également, le mécanisme d'échanges et de diffusion des
informations relatifs aux risques demeure informel etl'appétence pour le
risque reste non définie. Le risque sembleêtre
considéré en fonction des besoins, ce qui peut être
jugé insuffisant pour une administration fiscale où la gestion
des risques constitue un élément clé. En d'autres termes,
l'on peut affirmer quela culture du risque reflète une insuffisante
intégration du risque dans le processus de prise de décision et
defixation des objectifs.
Au niveau de la composante « Gouvernancedes
risques », le soutien de la direction générale
dès l'entame du processus à travers l'allocation des ressources
et son implication, constitue un point positif. Il en est de même pour la
participation des managers aux travaux d'analyses des risques sous l'impulsion
de l'audit interne. Toutefois, il subsiste des insuffisances qui ont un impact
significatif sur l'efficacité du PMR. En l'occurrence, il s'agit entre
autres du défaut de formation de la direction générale
à la surveillance du PMR,de la non-définition des rôles et
responsabilités en matière de gestion des risques ou encore de
l'absence d'un comité de maîtrise des risques. Cette
dernière insuffisanceconstitue un frein à l'implication
régulière de la direction générale dans le
PMR.Pourtant, l'implication régulière de la direction
générale est nécessaire en raison de la place centrale du
risque dans la mission de la DGI. Finalement, on peut juger que la gouvernance
des risques, présente un niveau de maturité en
deçà, de ce qui serait attendu d'une administration fiscale comme
la DGI.
Au niveau de la composante « Processus de
gestion des risques », on peut noter que le
processusméthodologique tend à se conformer aux principes
établis par les standards tels que le COSO ERM 2017, l'ISO 31000,ainsi
qu'auxprincipes d'évaluation des risques fiscaux (OCDE).
Cependant,l'absence desuivi permanent des risques (gestion des incidents et
indicateurs de suivi de l'évolution des risques) et d'outils de
profilage des contribuables et des opérations en fonctiondes risques,
constituentdes points faibles du PMR.Aussi, la méthodologie de gestion
des risques malgré son caractère commun à l'ensemble de la
DGI, reste vulnérable à des incohérences futures à
cause de son caractère non-officiel.En plus, l'univers des risquesne
prend pas suffisamment en compte les risques d'origine externe(politique,
économique, social, technologique, etc.). Également, la
périodicité de réalisation des évaluations des
risques est assez longue et aléatoire. Finalement, on peut juger que le
niveau de maturité duprocessus de gestion des risquesne couvre pas
suffisammentles besoins de la DGI en matière de gestion des risques.
Les insuffisancesdu PMR qui ont été
relevées par cette étude, n'ont pas un caractère
alarmant.Elles sont souvent propres à toutprocessus de management des
risques naissant, surtout dans le secteur publique qui essaie tant bien que mal
de se mettre à l'heure de la nouvelle gestion publique (NGP). En effet,
le management des risques tout comme les autres outils de la NGP,demeure un
exercice difficile. Un effort continu dans le temps est nécessairepour
une large compréhension des concepts et une mise en oeuvre
adéquate : la démarche doit donc être progressive pour
l'accession à des paliers supérieurs de maturité.
Afin de remédier aux insuffisances,plusieurs actions
ont été proposées parmi lesquelles : la formation de
la direction générale à la surveillance du PMR,ainsique
celle des collaborateurs au risque ;la mise en place d'outils de profilage
des contribuables et des opérations selon le niveau de
risque ;l'élaboration d'une politique de gestion des
risques ;la mise en place d'un comité de maîtrise des
risques, de forums confidentiels de remontée d'informations sur les
risquesetd'un mécanisme de suivi permanent des risques.
Pour terminer, nous pensons qu'une fois les insuffisances
corrigées, une étude ultérieure pourrait à moyen
terme se pencher sur l'efficacité du PMR, c'est-à-dire son impact
effectif sur les performances de la DGI.
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