Il semble exister un lien particulier entre son agent causal,
le sévère acute respiratory syndrom coronavirus 2 (SARS-CoV-2),
et l'hypertension artérielle (HTA) et ses complications
cardiovasculaires. En effet, Sur le plan physiopathologique, l'entrée du
SARS-CoV-2 dans les cellules hôtes se fait via son association avec
l'enzyme de conversion de l'angiotensine de type 2 (ACE2) membranaire
impliquée dans le système
rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA). L'hypothèse d'une
augmentation de l'expression de l'ACE2 membranaire par les inhibiteurs de
l'enzyme de conversion (IEC) et antagonistes des récepteurs de
l'angiotensine 2 (ARA2), utilisés entre autres dans le traitement de
l'HTA, dans le post-infarctus du myocarde et dans l'insuffisance cardiaque, a
provoqué une défiance vis-à-vis de ces classes
d'antihypertenseur, accusées de favoriser les infections au SARS-CoV-2
[34)
II.5.3. HTA ET SEVERITÉ À
COVID19
La surreprésentation de l'HTA chez les patients
hospitalisés pour COVID-19 reste très marquée chez les
patients hospitalisés en unité de soins intensifs (58 %) et parmi
les non-survivants (25-38 %) [35), [36).
D'une façon plus générale, l'HTA est la
comorbidité la plus fréquemment retrouvée dans les
infections respiratoires basses, virales ou bactériennes, concernant
jusqu'à 36 % de cette population de patient [37).
Au total, c'est plutôt l'importante prévalence
de l'HTA chez les sujets âgés, chez les patients coronariens et
insuffisants cardiaques qui explique la surreprésentation de l'HTA chez
les patients présentant des formes sévères ou
létales de COVID-19 plutôt qu'un lien causal direct entre HTA et
COVID-19. Mais l'HTA, en tant que premier facteur de risque réversible
de morbi-mortalité cardiovasculaire (associée à environ 40
% des cardiopathies ischémiques et des accidents vasculaires
cérébraux ischémiques) [38), contribue au
développement d'un terrain cardiovasculaire et de lésions
myocardiques aiguës favorisant les formes sévères et
mortelles de COVID-
~19~
19.
II.5.4. ANTIHYPERTENSEUR ET COVID-19
II.5.4.1. ENZYME DE CONVERSION DE L'ANGIOTENSINE DE TYPE
2 ET SARS-COV-2
À l'état physiologique, les effets antagonistes
de l'enzyme de conversion de l'angiotensine de type 1 (ACE) et de type 2 (ACE2)
maintiennent l'homéostasie. L'angiotensine 1, transformé en
angiotensine 2 sous l'effet de l'ACE, lorsqu'il se lie à son
récepteur AT1, est responsable d'inflammation, de stress oxydatif, de
fibrose, de vasoconstriction et d'augmentation de la perméabilité
vasculaire à l'origine des SDRA. L'ACE2, présente sous forme
circulante ou membranaire à la surface de nombreux tissus dont le
poumon, le rein et le myocarde, contrebalance les effets de l'ACE en catalysant
l'angiotensine 1 en angiotensine 1-9 puis angiotensine 1-7, et en catalysant
l'angiotensine 2 en angiotensine 1-7. L'angiotensine 1-7 active les
récepteurs MAS, aux effets opposés au récepteur AT1 (effet
anti-inflammatoire, anti-fibrosante, anti-oxydante et vasodilatateur) [37),
[38)
La particularité du SARS-COV-2 est de
pénétrer dans la cellule hôte via l'association entre sa
protéine S et l'ACE2 transmembranaire des cellules
épithéliales respiratoires de type 2. Cette invasion
intracellulaire permet secondairement sa réplication virale. En
réaction à cette invasion, les cellules respiratoires diminuent
leur expression d'ACE2 transmembranaire, ce qui a pour conséquence une
augmentation d'angiotensine 2 circulante disponible pour activer le
récepteur AT1 et sa voie de signalisation pro-inflammatoire, se
traduisant cliniquement par des lésions pulmonaires aiguës et un
SDRA [38)
II.5.4.2. INHIBITEURS DE L'ENZYME DE CONVERSION,
ANTAGONISTES DES RÉCEPTEURS DE L'ANGIOTENSINE 2 ET ACE2 DANS LA
COVID-19
Les IEC, inhibant l'ACE mais pas l'ACE2, et les ARA2,
bloquant spécifiquement l'AT1, pourraient stimuler l'expression et/ou
l'activité de l'ACE2 transmembranaire, d'où l'hypothèse
selon laquelle ces bloqueurs du SRAA rendraient les patients hypertendus
traité par IEC ou ARA2 plus à risque d'infection et de formes
graves de COVID-19 [34)
"20"
II.5.4.3. AUTRES ANTIHYPERTENSEURS COVID-19
Les IEC et les ARA2 ne sont pas les seuls antihypertenseurs
à avoir une interaction avec le SRAA. Si les inhibiteurs calciques ont
un effet neutre sur ce système, les diurétiques thiazidiques, les
diurétiques de l'anse et les anti-aldostérones, en favorisant les
pertes urinaires de sodium, favorisent la production d'angiotensine 2, qui en
association avec la down-régulation de l'ACE2 membranaire liée au
SARS-CoV -2, peut laisser supposer une sur-activation des effets
pro-inflammatoires délétères de la voie de l'ATR1.(40)
Ce n'est cependant pas ce qui est observé actuellement
: les bêtabloquants, inhibiteurs calciques et diurétiques ne sont
pas associés à un sur-risque d'hospitalisation en unité de
soins intensifs, de ventilation mécanique ou de décès
[40), [41).
II.5.5. RECOMMANDATION DE PRISE EN CHARGE DE LA HTA EN
CAS DE COVID19
En l'état actuel des connaissances, une
hypothétique prophylaxie d'une infection à SARS-COV-2 ne peut
justifier l'arrêt ou la non introduction d'IEC ou ARA2
lorsqu'indiqués, d'autant plus que ces classes sont fréquemment
prescrites chez les patients à risque de formes graves de COVID-19
(insuffisance cardiaque à FEVG altérée, infarctus du
myocarde, insuffisance rénale, diabète, HTA), en raison de leur
efficacité démontrée sur la réduction de
morbi-mortalité [42].
L'effet délétère de l'arrêt des
IEC ou ARA2 dans cette population est aussi prouvé et bien connu
[43].
Les patients sous IEC et ARA2 doivent donc les poursuivre, et
les IEC et ARA2 doivent être introduits lorsqu'ils sont indiqués.
Cette position est soutenue par la majorité des sociétés
de cardiologie et d'hypertension artérielle, dont l'European Society of
Hypertension, la SFHTA et la HAS [44).
"21"
II.6. OBÉSITÉ
II.6.1. DÉFINITION
L'obésité est définie par l'OMS comme
étant une accumulation très importante de graisse dans
l'organisme, pouvant nuire à la santé générale.
Elle représente une forme évoluée du « surpoids
», aussi appelé « surcharge pondérale », stade
pour lequel les retentissements néfastes du tissu adipeux sur
l'organisme sont moins importants. Un élément est central pour le
diagnostic de l'obésité. Il s'agit de l'Indice de masse corporel
(ou IMC), calculé en divisant le poids (en kg) par la taille (en m) au
carré. L'OMS considère que les personnes dont l'IMC est 25 et
< 30 sont en surpoids, et que celles avec un IMC 30 sont
obèses(45)
II.6.2. LIEN ENTRE COVID 19 ET OBESITE
Les premières données après
l'émergence du Covid-19, issues de Chine et d'Italie, ont permis de
déterminer certains facteurs de risque qui influençaient le
danger de développer une forme sévère de la maladie
nécessitant une hospitalisation (environ 15 % des patients), voire une
admission aux soins intensifs (5 % des patients). Les facteurs initialement mis
en évidence étaient l'hypertension artérielle, le
diabète, l'âge avancé ou une maladie
cardiovasculaire.(45)
pour une plus grande prévalence
d'obésité, de nombreuses publications ont à leur tour
attiré l'attention sur un excès apparent de patients
obèses nécessitant une ventilation invasive. Des études
épidémiologiques rigoureuses ont alors identifié
l'obésité comme étant un facteur de risque
indépendant pour l'hospitalisation,(46) la nécessité d'une
admission aux soins intensifs,(47) le recours à la ventilation
mécanique invasive,(48) les intubations prolongées et la
mortalité dans des cohortes en Europe, aux États-Unis, mais
également en Chine.(49)
"22"
II.6.3. FACTEURS BIOLOGIQUES ET MÉCANIQUES
IMPLIQUÉS DANS LA GRAVITÉ DU COVID-19 CHEZ LES
OBÈSES
Le tissu adipeux, longtemps considéré comme un
simple organe de stockage, est en fait un organe dynamique et un organe
endocrine essentiel, responsable de la sécrétion de nombreuses
hormones (leptine, adiponectine, etc.) et de cytokines telles que
l'interleukine-6 (IL-6) et le TNF-alpha. L'obésité provoque une
modification de l'équilibre de la sécrétion de ces
substances, ce qui entraîne une inflammation chronique, une fonction
immunitaire altérée, une dysfonction vasculaire et une
coagulopathie(49)
II.6.3.1. INFLAMMATION DU TISSU ADIPEUX
L'inflammation du tissu adipeux est reconnue comme un
événement précoce et majeur dans le développement
des complications de l'obésité, notamment le diabète de
type 2.(50)
L'expansion du tissu adipeux peut se faire par une
hypertrophie ou par la formation de nouveaux adipocytes à partir de la
différenciation de cellules précurseurs dans le processus de
l'adipogenèse (hyperplasie). L'équilibre entre l'expansion
hypertrophique et l'adipogenèse a un impact profond sur la santé
métabolique. L'hyperplasie, observée essentiellement dans le
tissu adipeux sous-cutané, est considérée comme une
adaptation saine, le tissu étant capable de maintenir une
vascularisation adéquate. L'hypertrophie des adipocytes, qui concerne
surtout le tissu adipeux viscéral et ectopique, est en revanche
associée à une hypoxie en raison de la taille massivement
augmentée des cellules.(51)
Contrairement à ce qui est observé dans de
nombreux autres tissus, la réponse hypoxique du tissu adipeux est
insuffisante pour induire une vascularisation. Les adipocytes hypoxiques se
nécrosent alors, ce qui entraîne une infiltration par des
macrophages et une augmentation de cytokines telles que le TNF-alpha, l'IL-6 et
l'IL-1 bêta.(52)
Les patients souffrant d'obésité ont donc une
concentration plus élevée de cytokines pro-inflammatoires et un
taux abaissé d'adipokines anti-inflammatoires, qui représente une
inflammation chronique de bas grade.(53)
"23"
Les patients souffrant de formes sévères de
Covid-19 présentent notamment une tempête de cytokines avec une
libération non contrôlée de cytokines pro-inflammatoires,
notamment de TNF-alpha et d'IL-6. Il est postulé que l'impact de
l'obésité sur la sévérité du Covid-19 soit
favorisé par cette inflammation chronique de bas grade qui
entraîne une élévation des mêmes marqueurs
inflammatoires que ceux impliqués dans la tempête de cytokines.
(53)
II.6.3.2. RÔLE DE RÉCEPTEURS DE L'ENZYME
DE CONVERSION DE L'ANGIOTENSINE 2
Le virus SARS-CoV-2 exprime une protéine membranaire
appelée glycoprotéine S qui permet l'attachement à la
cellule hôte par une liaison avec l'enzyme de conversion de
l'angiotensine 2 (ECA2), puis son internalisation et sa réplication. Des
analyses tissulaires ont montré que l'expression du récepteur
ECA2 est très importante au niveau du tissu adipeux,
particulièrement dans le tissu adipeux viscéral, où elle
est plus élevée qu'au niveau notamment des cellules
ciliées pulmonaires ou gastro-intestinales.(54)
L'expression de l'ECA2 semble de plus augmentée chez
les individus en surcharge pondérale ou obèses.(55)
L'adiposité viscérale a été
justement identifiée comme un facteur de risque pour un Covid-19
sévère.(56)
Il est donc possible que le tissu adipeux représente
un réservoir viral, comme cela a été observé pour
d'autres pathologies, telle VIH.(57)
Durant la pandémie de grippe A H1N1 en 2009, une
susceptibilité accrue des patients obèses a également
été décrite. Il a également été
observé que les patients hospitalisés présentant une
obésité avaient un pic de charge virale plus élevé
et une clairance retardée par rapport aux patients avec un IMC
normal.(58,59)
"24"
II.6.3.3. OBÉSITÉ, DYSFONCTION VASCULAIRE
PULMONAIRE
Une incidence élevée d'événements
thromboemboliques a été rapportée, jusqu'à 29,4 %
aux soins intensifs, et ce même lorsqu'une prophylaxie était
administrée.(60)
On constate généralement avant tout une
élévation importante du fibrinogène, de l'activité
du facteur VIII et du facteur de von Willebrand. Certaines études
histologiques de patients décédés du Covid-19 ont
montré la présence de microthrombi étendus dans les
capillaires alvéolaires, avec une angiogenèse vasculaire
importante. Ces observations sont particulières à l'infection
à SARS-CoV-2 et largement plus importantes que celles observées
dans les infections grippales,(61)
que l'atteinte des capillaires pulmonaires soit un
élément contribuant à la mortalité.
II.6.3.4. OBÉSITÉ ET FONCTION RESPIRATOIRE
Bien avant l'épidémie de Covid-19,
l'obésité avait déjà été
associée à une augmentation du risque de syndrome de
détresse respiratoire aiguë (SDRA) (62))
Les caractéristiques pulmonaires du patient
obèse « sain » sont en résumé les suivantes
(63):
? Une diminution de la compliance du système
respiratoire, qui correspond à la somme de la compliance pulmonaire et
de la paroi thoracique.
? Une diminution de la capacité résiduelle
fonctionnelle (5-15 % par kg/m2)
du fait de l'augmentation de la pression intra-abdominale,
avec ascension des coupoles diaphragmatiques, ceci prédisposant à
la formation d'atélectasies.
? Une augmentation des résistances des voies
aériennes par la diminution des volumes pulmonaires et la
présence fréquente de troubles obstructifs associés, ceci
pouvant entraîner un piégeage gazeux plus ou moins localisé
et des anomalies du rapport ventilation/perfusion.
"25"
? Une association fréquente avec d'autres pathologies
de type asthme, BPCO, syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAOS),
syndrome obésité-hypoventilation. Finalement, il résulte
de toutes ces caractéristiques un travail respiratoire basal
augmenté et un terrain fertile pour une aggravation lors d'infection par
le SARSSARS-CoV-2.
"26"
CHAPITRE III. METHODLOGIE/Partie pratique
III.1. PRESENTATION DU LIEU DE TRAVAIL (64)
Nos recherches ont eu comme champ d'étude l'
hôpital général provincial de référence Jason
Sendwe, situées dans la ville de Lubumbashi chef lieu de la province du
Haut Katanga en République Démocratique du Congo.