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Les représentations sociales des enseignants à  l’égard de l’orientation de leurs élèves. Cas des enseignants exerà§ant au collège dans la région de Marrakech au Maroc.


par Said MAGOURI
Université de Rouen - Master 2 de recherche à  distance Francophone 2013
  

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1.2. Entrée épistémologique : l'orientation en tant qu'objet social

La problématique de l'orientation se situe, en général, à l'intersection de trois dynamiques : la dynamique du monde socio-économique, la dynamique du développement personnel de l'individu et la dynamique des parcours de formation (Pelletier et Dumora, 1984). Il est donc impératif, pour qu'un individu, en situation d'orientation/transition, fasse un choix pertinent, d'avoir la capacité de se positionner par rapport à ces trois dynamiques. Cette capacité nécessite, d'une part, que l'individu développe des stratégies de collecte d'informations, de prise de décision et d'élaboration d'un plan d'action, et d'autre part, qu'il lui soit possible d'accéder à des services/prestations de conseil, d'aide à l'orientation et d'accompagnement tout au long de sa vie. La complexité dans cette démarche réside dans l'articulation entre ses aspirations/aptitudes et les possibilités existantes de l'insertion sociale et professionnelle (Guichard, 2008). L'orientation relève donc d'enjeux divers, d'autant plus que les attentes vis-à-vis de l'orientation sont nombreuses et variées en fonction des centres d'intérêt des acteurs en question (politiques, économiques, enseignants, élèves, parents d'élèves...). Le marché du travail, avec son évolution qui fait la règle et sa stabilité qui fait l'exception, constitue aussi

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un énorme défi devant l'orientation des élèves. Aujourd'hui, il n'est pas aussi simple pour un jeune de se projeter dans l'avenir pour en démêler la carrière professionnelle qui lui soit destinée.

Au niveau plus proche de l'élève à savoir celui du contexte scolaire, les choix d'orientation relèvent de quatre acteurs principaux : l'institution scolaire, les professeurs, les parents et l'élève. Ces acteurs interagissent entre eux dans une sorte de négociation qui se termine par une décision d'orientation. Celle-ci peut satisfaire ou non la demande de l'élève. Ces interactions font surgir des représentations sociales que chaque acteur élabore sur soi, sur l'autre et sur la situation (Abric, 1987 cité par Anadon et Minier, 1996). Ainsi les parents ont des représentations du devenir scolaire de leur enfant qui peuvent différer de celles de l'enfant lui-même et de celles de ses enseignants. Ces derniers ont tendance à élaborer des représentations sociales qui légitiment leurs pratiques professionnelles (Gilly, 1988), voire anticipent leurs conduites (Abric, 1987, Ibidem). La part des représentations sociales est donc grande dans les choix d'orientation.

Etant donné que « l'orientation est déclarée partie intégrante du processus d'éducation et de formation... » (Levier 6, article 99, Charte nationale de l'éducation et de formation, 1999), y a-t-il donc des recherches qui se sont intéressées aux représentations sociales dans les systèmes éducatifs ? Car comme l'ont souligné Roussiau et Bonardi (2001) c'est en « regardant la forêt que l'on pourra se faire une meilleure idée de l'arbre, en conservant visibles toutes les alternatives, que l'on pourra former le projet d'en apprendre davantage sur la pensée sociale telle qu'elle se formalise à travers les représentations sociales. » (P. 226). En réponse à cette question, Gilly (1989) nous rapporte qu'avant les années quatre vingt-dix peu de travaux comme ceux de Mollo (1970, 1986) ou Siano (1985) qui se sont intéressés à l'étude des représentations sociales au sein de l'école. Pour lui, les auteurs abordaient les représentations sociales généralement sous certaines manifestations (attitudes, stéréotypes...) ou bien elles sont évoquées en tant que facteurs expliquant des résultats portant sur des faits qui n'ont pas en eux-mêmes, statut de représentation sociale. Mais depuis, il est devenu courant de s'intéresser aux représentations sociales dans l'éducation (Baillauques, 1996). L'école, en tant qu'espace d'interactions sociales entre différents acteurs (élèves, enseignants, parents, agents éducatifs...), « est un objet de prédilection pour les représentations sociales» (Garnier et Rouquette, 2000, p.VII cités par Fontaine, 2007). Des auteurs ont étudié par exemple les représentations sociales dans le champ de la didactique des disciplines (Triby, 1992; Beitone et Legardez, 1997; Legardez, 2001, 2002 ; Simonneaux, 2004 cités dans

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Legardez, 2004), des décisions de planification de cours (Charleir, 1989; Roy, 1991 cités dans Bousquet, 2003), de la formation (Baillauques, 1996), de l'échec scolaire (Emprin et Jourdain, 2010; Gosling, 1990 cités par Bousquet, 2003)... D'autres se sont intéressés à l'étude d'une classe particulière des représentations sociales en l'occurrence les représentations professionnelles des enseignants (Blin, 1997).

Par ailleurs, Gilly (1989) insiste sur l'intérêt de la notion des représentations sociales pour comprendre les faits de l'éducation et ce, parce qu'elle « oriente l'attention sur le rôle d'ensembles organisés de significations sociales dans le processus éducatif. » (p. 382). De leur part Deschamps et al., (1982) cités par Gilly (1989), soulignent que les représentations sociales permettent, d'une part, l'explication de mécanismes par lesquels des facteurs proprement sociaux agissent sur le processus éducatif et en influencent les résultats, et d'autre part, elles favorisent les articulations entre psychosociologie et sociologie de l'éducation. Le contexte scolaire est investi par différents acteurs de différents niveaux (les politiciens, les gestionnaires, les agents, les usagers) que chacun apporte un discours, une vision sur le quotidien de l'école. De ce fait, il est un champ d'interaction sociale par excellence favorisant la construction des représentations sociales. Il est aussi « un champ privilégié pour voir comment se construisent ; évoluent et se transforment des représentations sociales au sein des groupes sociaux, et nous éclairera sur le rôle de ces constructions dans les rapports de ces groupes à l'objet de leur représentation ». (Ibid. p.348). Dans un entretien mené par Bataille (2000), Moscovici caractérise la question des représentations sociales dans l'éducation de « tautologique ». Pour lui, l'éducation est diffusion de connaissances qui sont en général des représentations sociales ou du moins des connaissances saisies à travers des représentations sociales.

Etant donné que l'orientation est une composante du système éducatif, elle est donc sujette à des représentations sociales. D'autant plus que son caractère problématique (décrit ci-dessus) où se mêle ce qui est psychologique, sociologique, culturel, économique et politique, lui confère le statut d'un objet social complexe. Un objet qui se prête bien au cadre des représentations sociales car celles-ci constituent des formes «de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1989, p. 36). Selon Jodelet (1984) cité par Nehme (2009), la théorie des représentations sociales «devrait permettre d'unifier l'approche de toute une série de problèmes situés à la croisée de la psychologie et des autres sciences sociales » (p. 378). Cette théorie, que nous allons présenter dans le cadre théorique de ce mémoire, nous

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permettra donc de mieux appréhender les enjeux de l'orientation, de mieux cerner les différents discours, les différents points de vue entourant cette notion et les pratiques professionnelles qu'elle suscite. De plus, les pratiques professionnelles sont liées aux représentations sociales de par la capacité de celles-ci d'engendrer (Rocher, 2000), de guider (Rouquette, 2000) et de prédire des conduites individuelles et collectives. Bref, les représentations sociales «offrent des repères pour l'action » (Rouquette, 2000, p. 18). En revanche, cette relation doit être nuancée, car il peut y exister des différences entre les représentations et les pratiques sociales (Moliner, Rateau, Cohen-Scali, 2002). Généralement, les résultats des recherches menées sur cette thématique sont inférés à partir des pratiques rapportées et non pas des pratiques effectives (Abric, 1994).

Nous avons passé en revue un certain nombre de recherches réalisées en contexte éducatif y compris notre recherche exploratoire de Master 1 en sciences de l'éducation et ce, dans l'entreprise de poser un ensemble de bases nous permettant d'apprécier la pertinence de notre objet de recherche. Un objet qui se prête, nous semble-t-il, parfaitement à la théorie des représentations sociales. Cela étant, notre problématique de recherche, que nous allons exposer par la suite, s'inscrit dans un cadre plus global à savoir celui des inégalités sociales face aux systèmes scolaires.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille