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Les représentations sociales des enseignants à  l’égard de l’orientation de leurs élèves. Cas des enseignants exerà§ant au collège dans la région de Marrakech au Maroc.


par Said MAGOURI
Université de Rouen - Master 2 de recherche à  distance Francophone 2013
  

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Chapitre III. Synthèse globale des résultats de la recherche

Nous avons voulu explorer les représentations sociales que se font les enseignants à l'égard de l'orientation de leurs élèves. Pour se faire, nous nous sommes posé quatre questions de recherche qui nous ont guidées dans notre démarche d'enquête par entretien semi-directif:

> Comment les enseignants se représentent-ils la notion de l'orientation scolaire ?

> Pensent-ils qu'ils ont un rôle à jouer dans l'orientation scolaire de leurs élèves ? Et comment ce rôle se décline au niveau de leur pratique professionnelle?

> Comment se représentent-ils les différentes filières scolaires après la troisième collégiale ?

> Quelles sont les critères/indices que les enseignants ont-ils tendance à utiliser pour se prononcer sur l'orientation de tel ou tel élève ?

« Lorsqu'on étudie des représentations, les catégories peuvent être des composantes voire des sous-composantes de ces représentations. Ainsi elle exprime des attitudes à l'égard d'un objet, des descriptions de l'objet des relations avec d'autres objets ». (Moliner et al., 2002, p. 91). Les réponses donc aux questions de recherches seront synthétisées suivant les thèmes et les catégories de notre grille d'analyse thématique ainsi que les résultats de l'activité proposée aux enquêtés. Rappelons que les pratiques enseignantes en matière d'orientation décrites dans cette recherche sont exclusivement rapportées par les enquêtés.

Thème n°1 : la notion de l'orientation

Globalement, la majorité des enseignants enquêtés s'accordent, en premier lieu, à définir l'orientation en se rapportant à l'action propre à l'élève ; c'est un choix à faire et/ou une direction à suivre dans le cheminement de sa scolarité. En second lieu, c'est au niveau de l'action partagée pour orienter l'élève que se situent les acceptions de l'orientation pour les enseignants enquêtés. Signalons, ici, qu'à l'exception de l'enseignant de l'histoire-géo, les enquêtés n'ont parlé, à aucun moment des entretiens, de l'aide à l'orientation des élèves. Pour eux l'orientation consiste soit à faire un choix, soit à orienter l'élève (et non pas l'aider à s'orienter), soit les deux. Ceci peut être expliqué par le fait que l'enseignant en question, en plus de la formation qu'il a suivi dans le domaine de l'orientation, est le seul parmi tous les enquêtés qui a déclaré avoir participé à des activités d'aide à l'orientation des élèves. Ceci nous fait penser à la relation dialectique entre les représentations sociales et les pratiques sociales (Abric, 2011).

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Thème n°2 : les facteurs influençant l'orientation

Par rapport aux facteurs influençant le choix d'orientation de l'élève, nous avons constaté que la catégorie contenant les facteurs relatifs au contexte scolaire et professionnel est la plus représentative des catégories (influence des camardes de classes, possibilités d'insertion professionnelle, l' « effet de mode » de s'orienter en scientifique, effet maître, manque d'encadrement en orientation). Vient ensuite la catégorie relative au contexte familial les (parents, l'expérience de la fratrie) et en dernière position la catégorie regroupant des facteurs liés aux caractéristiques personnelles de l'élève (peur des mathématiques, le modèle, délaissement de certaines disciplines). Partant de notre cadrage théorique des facteurs influençant le choix d'orientation des élèves, il paraît qu'un certain nombre de ces facteurs ne sont pas pris en considération par les enquêtés. En effet, l'influence de l'origine sociale, l'âge, le redoublement et le genre sur le choix d'orientation n'ont été cités par aucun enquêté. Ceci peut être expliqué par le contexte différent de la production des recherches scientifiques sur l'orientation des élèves. D'ailleurs, Heyneman et Loxley (1983 cité dans Duru-Bellat, 2003) ont montré que certaines variables, telle que l'origine sociale, expliquant l'inégalité sociale face à l'école dans les pays industrialisés, n'ont pas le même pouvoir explicatif dans les pays en voie de développement. Ils avancent que d'autres variables doivent être mises en avant pour expliquer ces inégalités, notamment les ressources matérielles destinées à l'enseignement. Celles-ci n'apparaissent pas, non plus, dans le discours des enseignants sur les facteurs influençant le choix d'orientation des élèves. Il semble que les enseignants enquêtés n'ont pas assez de recul pour pouvoir développer une vision plus globale de tous ces facteurs.

Thème n°3 : les représentations des différentes filières scolaires après la troisième

Concernant les connaissances qui ont les enquêtés du système d'orientation, nous avons constaté que la majorité n'a pas le recul nécessaire pour répondre à la question portant sur les filières après la troisième. Leur connaissance des filières scolaires après la troisième paraît rudimentaire et non actualisée. Ses filières scolaires sont généralement réduites aux deux filières dichotomiques ; les lettres et les sciences. Globalement, ce sont les enseignants des disciplines dites de découvertes et ceux qui n'ont pas la classe de troisième qui ont affiché clairement leur méconnaissance du domaine d'orientation. Ceci peut être expliqué par leur implication plus au moins forte dans les décisions d'orientation de fin d'année. Cette implication est elle-même conditionnée par la position qu'occupent leurs disciplines

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consécutives dans la hiérarchie des disciplines qualifiantes à l'une ou l'autre filière scolaire. Cela étant, nous pouvons avancer, sans trop de risque, que les enseignants enquêtés, ne seront pas en mesure d'apporter une aide efficace aux élèves en matière d'orientation, encore moins prendre des décisions d'orientation bien fondées. Il est probable donc que ces décisions soient entachées d'une certaine subjectivité résultat, pour partie, des représentations sociales que ces enseignants mettent en oeuvre pour appréhender un objet peu connu (les filières et branches scolaires après la troisième). Par rapport à ces représentations sociales, nous avons identifié principalement celles en rapport avec les prérequis retenus et le profil dressé pour les deux types d'orientation dichotomiques ; l'orientation scientifique et l'orientation littéraire.

Représentations de l'orientation scientifique : Prérequis pour une orientation scientifique:

Les prérequis mis en avant par les enseignants pour qu'un élève accède à une filière scientifique sont au nombre de six. Ceux relatifs aux bonnes notes en matières scientifiques (mathématiques, physique et sciences naturelles) constituent un élément central sur lequel s'accorde la majorité des enquêtés. Viennent ensuite les prérequis relatifs aux intérêts et penchants scientifiques et la compréhension des textes et lois scientifiques. Nous avons relevé trois autres prérequis, quoiqu'avec une seule voix pour chacun, qui peuvent appartenir aux éléments périphériques composant les représentations sociales des enseignants quant aux prérequis pour une orientation scientifique. Il s'agit de la capacité à résoudre des problèmes, la maîtrise du français et la maîtrise de la langue d'une manière générale.

Profil d'un élève scientifique :

L'ensemble des caractéristiques d'un élève à profil scientifique citées par les enseignants relèvent de deux catégories. La première concerne les qualifications personnelles et la deuxième concerne les qualifications disciplinaires. Nous avons relevé que les deux tiers des caractéristiques du profil scientifique sont regroupées dans la catégorie des qualifications personnelles. Le tiers restant est regroupé dans la catégorie des qualifications disciplinaires. Dans la première catégorie, le raisonnement logico-déductif est la qualification la plus mise en avant pour caractériser un profil scientifique (cité par la moitié des enquêtés). Vient en deuxième position la qualification de la rapidité. En troisième position, nous avons les qualifications suivantes : l'esprit et le réflexe scientifique, le sens d l'analyse, de l'observation et de détection avec deux voix pour chacune. Et en dernière position, se situent les qualifications relatives au sens critique, à la persévérance et à l'intelligence.

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Concernant la deuxième catégorie, le fait de s'intéresser souvent à l'objectif et l'essentiel des choses caractérise, pour presque la moitié des enquêtés, l'élève à profil scientifique. Trois autres qualifications disciplinaires viennent compléter ce profil: le fait d'avoir de bonnes notes, d'être capable de réaliser un graphe et de se désintéressé des matières littéraires. Cependant, nous avons relevé chez deux enseignants (technologie et histoire-géo) des positions nettement distinctes de celles des autres enseignants. Pour l'enseignant de la technologie, il est difficile d'identifier le profil d'un élève en l'absence d'un test élaboré spécialement à cette fin. Quant à l'engeignant de l'histoire-géo, les élèves fréquentant son établissement scolaire ne sont ni littéraires ni scientifiques et ce, parce que, selon lui, ils sont socialement défavorisés.

Représentations de l'orientation littéraire :

Prérequis pour une orientation littéraire :

Pour les prérequis d'une orientation littéraire, nous avons relevé que les enseignants s'accordent, en général, à considérer que l'élève souhaitant s'orienter en lettres, doit avoir de bonnes notes dans les disciplines littéraires et maîtrise les langues. Le tiers des enquêtés ont évoqué aussi le rôle des intérêts littéraires (poésie, théâtre...) dans la poursuite des études de l'élève en branche littéraire. D'autres prérequis ont été cités par les enquêtés : être habitué à lire des livres, avoir une capacité de rédaction et d'analyse en histoire-géo et enfin avoir une culture générale.

Globalement, tout comme les prérequis d'une orientation scientifique, ceux d'une orientation littéraire sont souvent ramenés aux bonnes notes dans les disciplines de qualification. Il semble donc que les enseignants, en l'absence d'une alternative susceptible de juger objectivement les aptitudes des élèves, se voient contraints de regarder du côté des notes disciplinaires, seules informations qui leur paraissent plus ou moins objectives et socialement désirées. Nous avons pu constater aussi que les enseignants ont tendance à opérer une sorte de hiérarchisation des filières scolaires après la troisième. Ils mettent, de ce fait, la filière scientifique en première place et la filière littéraire en seconde.

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Profil d'un élève littéraire :

A l'opposé de la description faite par les enseignants du profil scientifique, celle faite pour le profil littéraire est moins abondante en matière d'informations, indices ou critères. De plus, cette description s'organise beaucoup plus autour des qualifications disciplinaires. Il semble donc que les enseignants enquêtés éprouvent une certaine difficulté à dresser un profil littéraire en dehors des qualifications disciplinaires (le fait d'utiliser beaucoup de détails et d'informations dans l'explication des choses, la capacité d'analyse littéraire, la capacité d'apprendre par coeur).

Concernant les qualifications personnelles de l'élève littéraire, nous avons constaté qu'elles sont plus au moins hétérogènes à tel point que deux enquêtés au plus s'accordent sur une même qualification. En effet, nous avons relevé les qualifications relatives à la capacité discursive et la communication avec deux voix chacune. Vient après, avec une seul voix chacune, les qualifications suivantes : l'amour de la lecture qui est indispensable pour un littéraire, le sens critique, le fait de s'exprimer souvent par ses émotions et d'avoir ses propres productions littéraires.

Thème n°4 : la pratique enseignante en matière d'orientation scolaire

Les catégories relevant de ce thème sont conçues à partir des questions du guide d'entretien. Il s'agit du rôle des enseignants dans l'orientation scolaire, leur influence sur les choix des élèves, leurs démarches d'aide à l'orientation, les critères qu'ils retiennent pour se prononcer sur l'orientation des élèves, leur évaluation de la procédure d'orientation et leurs propositions quant à l'amélioration des pratiques enseignantes en matière d'orientation.

Rôle dans l'orientation des élèves :

Les positions des enseignants vis-à-vis de leur rôle dans l'orientation des élèves sont très différentes. Elles varient d'un rejet catégorique de ce rôle à une reconnaissance délibérée voire même une responsabilité affirmée de l'enseignant dans l'orientation de ses élèves. Cette variation semble être conditionnée à la fois par la place qu'occupe chaque discipline dans la hiérarchie des disciplines qualifiantes (à l'une ou l'autre orientation) et par le fait d'enseigner ou non en classe de troisième (premier palier d'orientation). Certains enseignants (ceux des disciplines de découverte) affirment donc qu'ils n'ont aucun rôle à jouer dans l'orientation ou du moins leur rôle serait limité ou secondaire. Ils justifient cette position en évoquant soit le manque d'informations et/ou de formations dans ce domaine soit l'existence d'une personne

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responsable de l'orientation scolaire (le conseiller en orientation). D'autres enseignants (ceux des disciplines scientifiques et littéraires), qui se sentent impliqués dans l'orientation de leurs élèves, considèrent l'enseignant comme étant le premier responsable de l'échec scolaire dans le cas d'une orientation inadaptée de l'élève. D'autres poussent plus loin leur réflexion en considérant que l'aide à l'orientation des élèves est tout simplement un « devoir professionnel» (enseignant de l'éducation islamique).

Quoique certains enseignants confirment leur rôle important dans l'orientation des élèves, il reste qu'une bonne partie considère ce rôle plutôt secondaire. En d'autres termes, ils n'interviennent dans l'orientation de l'élève que sous la demande de celui-ci et généralement à titre consultatif.

Influence sur le choix d'orientation :

En réponse à la question concernant l'influence des enseignants sur le choix d'orientation des élèves, nous avons pu identifier deux types d'influence ; directe et indirecte. L'influence est indirecte quand les enseignants affirment par exemple que la notation ne reflète pas le niveau de l'élève ou quand ils mènent une pédagogie d'enseignement/apprentissage susceptible de rendre leurs disciplines appréciables. Concernant l'influence directe, cinq enseignants parmi douze reconnaissent leur statut de personnes ressources vers lesquelles les élèves se tournent pour demander de l'aide à l'orientation. D'autant plus que « les enfants de milieu populaire visent moins haut (notamment quand ils sont de niveau scolaire médiocre), ou se rallient plus volontiers aux conseils, par ailleurs plus prudents, de leurs enseignants. » (Duru-Bellat, 2003, p. 27). Généralement, les enseignants enquêtés s'accordent à considérer leur influence sur l'orientation des élèves beaucoup plus indirecte.

Démarches d'aide à l'orientation :

Selon les enseignants, les actions entreprises lorsqu'un élève a besoin d'une aide à l'orientation sont de quatre types : donner des conseils aux élèves (constitue 48.46% de leur démarche d'aide à l'orientation), la vérification des capacités des élèves (23.8%), s'informer sur l'élève (16.5%) et informer l'élève (12.31%). Les conseils que donnent les enseignants aux élèves se rapportent, pour la grande partie, à la façon d'envisager leur choix d'orientation. Ces conseils peuvent être donnés à partir de l'expérience de l'enseignant et celle de son entourage. D'autres conseils sont cités par un ou deux enseignants tels que l'encouragement à solliciter

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l'aide de tous ses professeurs dans son choix d'orientation, l'incitation à travailler dans toutes les disciplines et à faire plus d'exercices.

Par rapport à la vérification des capacités des élèves à suivre telle ou telle filière scolaire, nous avons relevé que les enquêtés s'accordent en premier lieu sur la démarche d'observation du comportement de l'élève en classe. En second lieu, cette vérification s'accomplit à travers la passation d'un test d'évaluation. Retenons, ici, que la démarche d'aide à l'orientation entreprise par les enseignants enquêtés consiste essentiellement à conseiller l'élève. Ceci confirme, en grande partie, les déclarations de ces enseignants concernant leur rôle dans l'orientation des élèves. Ceci est d'autant plus vrai qu'une partie des enquêtes a déclaré ne pas avoir assez de recul pour appréhender les différentes possibilités et exigences des études après la troisième. De plus, certains enquêtés, ont éprouvé un énorme besoin en matière d'information et de formation en orientation scolaire.

Critères retenus pour se prononcer sur l'orientation d'un élève :

Pour éclairer davantage ces éléments et ces aspects déjà identifiés dans les thèmes précédents nous avons exploré, en profondeur, les éléments qui nous semblent centraux dans la pratique enseignante en matière d'orientation. Il s'agit, précisément, des critères que retiennent ces enseignants pour se prononcer sur l'orientation des élèves. Pour se faire, nous leur avons, d'une part, posé une question directe lors des entretiens « Quelles sont les critères/indices sur lesquelles vous vous basez pour se prononcer sur l'orientation de tel ou tel élève ? » et, d'autre part, proposé une activité dont ils étaient amenés à choisir les critères qui leur paraissent plus pertinents pour prendre des décisions d'orientation.

Suite à l'analyse de contenu des discours produits par les enquêtés en réponse à la question ci-haut, nous avons identifié deux catégories de critères : la catégorie des critères disciplinaires (huit critères) et celle des critères relatifs au choix d'orientation de l'élève (4 critères). Outre les critères relatifs aux notes scolaires (largement retenus par les enquêtés), nous avons relevé les critères suivants (retenus par au moins six enquêtés) : le niveau dans les disciplines de qualification, l'aisance dans l'apprentissage de la discipline, les autres critères sont généralement hétérogènes. Nous avons remarqué aussi que les enseignants ont cité deux fois plus des critères relevant de la première catégorie que ceux relevant de la deuxième. Les critères disciplinaires semblent donc beaucoup plus retenus par les enseignants pour décider de l'orientation de leurs élèves.

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Bien que la majorité des enquêtés reconnaissent l'influence de la note scolaire sur le choix d'orientation (selon eux cette note ne reflète pas le niveau réel de l'élève), ils n'hésitent pas, en revanche, à la prendre pour le critère le plus retenu dans les décisions d'orientation. Il nous semble, dans ce cas, qu'au regard de la note scolaire, les enseignants ont deux attitudes opposées. D'une part ils nient sa validité prédictive et, d'autre part, ils considèrent qu'elle constitue le seul critère plus au moins objectif sur lequel ils peuvent se baser pour prendre des décisions d'orientation. Ce résultat a été confirmé une fois de plus suite à l'analyse des données recueillies de l'activité. En effet, en présence d'environ 40% des critères de nature différente de la note chiffrée, nous avons relevé que presque trois-quarts des critères retenus par les enquêtés, pour établir les scénarios d'orientation, sont sous forme d'une note chiffrée. Le quart restant est partagé entre les critères relatifs aux statuts socio-économiques avec 15.36%, aux voeux d'orientation avec 7.81% et au genre avec 1.04%. Cette répartition est observée, avec une légère différence, aussi bien pour les scénarios scientifiques que pour les scénarios littéraires. La position qu'occupe la note chiffrée par rapport aux autres types de critères peut être expliquée, nous l'avons vu, par l'absence d'une alternative permettant aux enseignants de juger objectivement les aptitudes des élèves. Ils se voient donc contraints de regarder du côté des notes disciplinaires, seules informations qui leur paraissent plus ou moins objectives et socialement désirées.

Généralement, en matière de disciplines qualifiantes à l'une ou l'autre orientation, les enseignants choisissent pour les scientifiques d'abord les mathématiques puis la physique et ensuite les sciences naturelles et pour les littéraires l'arabe ou le français puis l'histoire-géo. Par rapport à la discipline du français, il apparaît que les enseignants des disciplines scientifiques ne l'ont pas introduite comme discipline importante pour l'orientation scientifique (ne figure pas dans leurs premiers scénarios établis) contrairement aux enseignants des disciplines littéraires. Exception faite pour l'enseignant du français qui, en plus des mathématiques et de la physique, a préféré mettre un critère relatif aux jeux vidéo et un autre relatif à la moyenne générale.

Au-delà des trois premiers critères sur lesquels les enseignants s'accordent généralement dans les scénarios scientifiques, les différences commencent à s'observer d'un enseignant à l'autre au niveau du quatrième critère retenu. Certains enseignants ont mis la note en français. D'autres ont mis la moyenne générale. L'enseignant des mathématiques a mis le soutien scolaire et les deux enseignants de physique ont mis le choix d'orientation et la note en

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français. Les enseignants des sciences naturelles, du français et de l'éducation musicale ont mis respectivement le choix d'orientation, la moyenne générale et l'inscription aux conservatoires.

Pour les scénarios littéraires, les deux critères relatifs à la note en arabe et à la note en français sont souvent alternés entre la première et la deuxième position dans le classement des critères retenus par les enseignants. La note en histoire-géo occupe généralement la troisième position. Comme dans les scénarios scientifiques, le quatrième critère semble varier d'un enseignant à un autre. De manière générale, c'est lorsque l'on a épuisé les critères relatifs aux notes moyennes et moyennement faibles pour établir les premiers scénarios que les enseignants ont commencé à intégrer en nombre croissant d'autres critères de nature différente dans le reste des scénarios.

Par rapport aux critères relatifs aux voeux d'orientation, nous avons relevé qu'ils représentent 15.36% du total des critères retenus par les enseignants pour établir les scénarios demandés. Ces critères sont retenus aussi bien dans les scénarios littéraires que scientifiques avec une légère augmentation au niveau de ces derniers. Encore mieux, trois enseignants (de disciplines scientifiques) les avaient retenus pour les premiers scénarios scientifiques et littéraires. Il paraît donc que le voeu d'orientation constitue chez certains enseignants un critère essentiel pour prédire la réussite scolaire des élèves alors que pour d'autres, il est moins important voire sans intérêt (enseignant de la technologie). Cela rejoint les propos de certains enseignants désirant travailler selon l'ancienne procédure d'orientation qui confie à l'enseignant la prise des décisions d'orientation de l'élève et que le voeu de celui-ci n'y est que facultatif.

A part les critères « participe à l'aide aux devoirs du collège », « passionné de littérature », « fait du théâtre », « inscrit au conservatoire » et « il a une bourse » qui ont été retenus différemment par au moins quatre enquêtés, les autres critères socio-économiques (aime la natation, fait du théâtre, fait de la boxe, regarde des séries télévisées, fait du shopping, se balade en ville avec ses amis, aime les jeux vidéo) n'ont été retenus que par un ou deux enquêtés. Le critère « joue au foot », quant à lui, n'a été retenu par aucun enseignant. Ceci peut voir plusieurs explications. Nous en proposant deux. D'abord, il nous semble qu'aux yeux des enseignants enquêtés, les critères socio-économiques qui ont trait aux intérêts et capacités disciplinaires (largement évoqués par les enseignants lors des entretiens) sont plus informatifs sur le profil scolaire de l'élève que les autres critères. Ensuite, il est possible que

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cette différence observée soit imputée, pour partie, au contexte social de l'établissement scolaire. En effet, celui-ci est fréquenté généralement par un public défavorisé et ce genre d'informations (les autres critères socio-économiques) ne semble pas éclairer les enseignants sur ce qui peut aider l'élève à poursuivre ses études aussi bien en lettres qu'en sciences. Par contre le fait d'avoir une bourse ou faire des cours de soutien ou être passionné de la littérature peut représenter dans le contexte marocain une aide considérable pour qu'un élève de ce milieu scolaire poursuive ses études dans de meilleures conditions. De même, les critères relatifs au genre paraissent eux aussi moins informatifs et ne suscitent chez les enquêtés qu'un intérêt très minime. Pour eux, être fille ou garçon ne semble pas conditionner la nature des études à entreprendre après la troisième collégiale.

Tous ces résultats nous permettent d'avancer que dans le contexte marocain, les représentations stéréotypées relatives au genre et aux statuts socio-économiques (Channouf et al., 2005) ne se manifestent pas , nous semble-t-il, de la même manière que dans le contexte européen. Résultats qui doivent être analysés en profondeur dans d'autres études à portée plus généralisatrice.

Globalement, les trois premiers critères retenus aussi bien dans les scénarios scientifiques que littéraires marquent une certaine stabilité. Nous ne pouvons avancer que ces trois critères (notes dans les disciplines qualifiantes à l'une ou l'autre orientation) constituent les éléments centraux autour desquels se forgent les représentations sociales des enseignants quant aux critères retenus pour prendre des décisions d'orientation. L'hétérogénéité observée dès le quatrième critère à mettre (alors qu'il reste douze autres critères à sélectionner) témoigne de la diversité des approches personnelles que peuvent faire les enseignants en l'absence des critères objectifs ou des critères reconnus et désirés socialement. Ces critères peuvent constituer les éléments périphériques de ces représentations sociales.

Évaluation de la procédure administrative d'orientation :

Les appréciations des enseignants quant à la procédure d'orientation sont, généralement, défavorables (elle est jugée inappropriée, insuffisante, injuste, sans utilité...).

Quand les enseignants émettent ces jugements défavorables à l'encontre de la procédure d'orientation, ils pensent, particulièrement, au fonctionnement du conseil d'orientation. En effet, certains enquêtés ont mentionné plusieurs inconvénients qui entravent son bon fonctionnement (le voeu de l'élève qui prévaut, un conseil juste pour la forme, les notes

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comptent plus, faible prise en compte de l'avis de l'enseignant et les risques d'erreurs qui peuvent « jalonner le parcours scolaire de l'élève »). Ceci semble accentuer les inégalités sociales face à l'orientation des élèves. Par rapport à ce dernier point, des enquêtés ont attiré l'attention sur le contexte inégalitaire dans lequel se déroule la procédure d'orientation. Ils observent, par exemple, qu'une partie importante des élèves de leur établissement (contexte socialement défavorisé) remplissent les fiches de voeux sans avoir recours à leurs parents ou à une personne susceptible de les aider. Ils les remplissent généralement en classe avec leur camarade (problème d'influence des camarades sur les demandes d'orientation qui peut conduire soit à une auto-sélection soit à ou une demande plus ambitieuse). Cette auto-sélection fait partie d'un ensemble de biais sociaux entourant les demandes d'orientation (Duru-Bellat, 2002). De plus les conseils d'orientation ont tendance à entériner ces demandes au lieu de chercher à tirer vers le haut les ambitions scolaires et professionnelles des élèves.

Amélioration des pratiques enseignantes en orientation :

Les propositions d'amélioration de la pratique enseignante en matière d'orientation se déploient sur trois niveaux : le premier niveau contient des propositions relatives à l'amélioration de la procédure d'orientation. Cette amélioration passe, pour certains enseignants enquêtés par le recours à l'ancienne procédure d'orientation. Une procédure qui, selon eux, confère à l'enseignant un rôle déterminant dans la prise des décisions d'orientation. Le deuxième niveau regroupe les propositions qui ont trait à l'encadrement des élèves dans leur processus d'orientation (accompagnement, aide, présence permanente d'un orienteur dans l'établissement scolaire). Le troisième et dernier niveau concerne la satisfaction des besoins des enquêtés en matière de formation/information en orientation.

Globalement, les propositions d'amélioration de la pratique enseignante en matière d'orientation sont relativement différentes d'un enseignant à un autre. Ceci témoigne du caractère complexe du domaine de l'orientation nécessitant une multitude d'entrées éducatives susceptibles de mettre en place une pratique pertinente de l'aide à l'orientation des élèves.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon