Sachant bien qu'environ 40% des critères
proposés aux enseignants sont de nature différente de la note
chiffrée, nous avons relevé que presque les trois-quarts des
critères retenus par les enquêtés, pour établir les
scénarios d'orientation, sont sous forme d'une note chiffrée. Le
quart restant est partagé entre les critères relatifs aux statuts
socioéconomiques avec 15.36%, aux voeux d'orientation avec 7.81% et au
genre avec 1.04%. Cette répartition est observée, avec une
légère différence, aussi bien pour les scénarios
scientifiques que pour les scénarios littéraires.
Figure n° : 3
107
Figure n° : 4
Figure n° : 5
Analyse des tableaux n°18 et n°19
:
Au vu du déroulement de la deuxième
étape de notre enquête du terrain, nous aimerions souligner, que
la majorité des enseignants avaient éprouvé une certaine
difficulté quant à la réalisation de l'activité
proposée. Celle-ci leur paraissait relativement contraignante vu la
nature des critères à choisir qui y figurent. Ceci a
été volontairement prévu car l'activité
présente une situation de choix peu confortable pour les enseignants
enquêtés. En effet, plus l'enseignant avance dans la proposition
des scénarios plus il se rend compte qu'il lui est difficile
d'opérer encore des choix pertinents parmi les critères restants.
Cette difficulté a été constatée par Bressoux
(2006). Pour cet auteur, les enseignants arrivent, facilement, à
émettre
108
des jugements relativement valides par rapport aux
performances actuelles de leurs élèves. En revanche, ces
jugements sont moins valides quand ils sont amenés à
prédire les performances futures d'un élève. Cela
étant, les décisions d'orientation seraient donc moins
fondées vu qu'elles constituent une forme de prédiction de la
réussite future de l'élève dans telle ou telle
filière.
Par rapport aux données du tableau n° 17, nous
pouvons relever que :
Dans la plupart des premiers scénarios aussi bien
scientifiques que littéraires, les enseignants ont retenu exclusivement
des critères relatifs à la note chiffrée. Ceci semble
être parfaitement en harmonie avec leurs dires lors des entretiens. En
effet, ils se sont généralement accordés à retenir,
en premier lieu, les notes scolaires pour se prononcer sur l'orientation des
élèves (cf. tableaux n°6, n°8 et n°13).
Tous les enseignants enquêtés ont mis le
critère 11/20 en mathématiques en première position dans
leurs meilleurs scénarios relatifs à l'orientation scientifique
alors que même en présence des notes 14/20 en français,
11/20 en arabe et 13/20 en histoire-géo, les enseignants sont
relativement départagés sur le premier critère à
mettre dans les scénarios littéraires : huit ont choisi la note
du français, trois celle de l'arabe et une personne a choisi le voeu
d'orientation.
Généralement, en matière de disciplines
qualifiantes à l'une ou l'autre orientation, les enseignants choisissent
pour les scientifiques d'abord les mathématiques puis la physique et
ensuite les sciences naturelles. Pour les littéraires, ils choisissent
l'arabe ou le français puis l'histoire-géo. Par rapport à
la discipline du français, il apparaît que les enseignants des
disciplines scientifiques ne l'ont pas introduit comme discipline importante
pour l'orientation scientifique (ne figure pas dans leurs premiers
scénarios établis) contrairement aux enseignants des disciplines
littéraires. Exception faite pour l'enseignant du français qui,
en plus des mathématiques et de la physique, a
préféré mettre un critère relatif aux jeux
vidéo et un autre relatif à la moyenne générale.
Pour les trois premiers critères retenus pour
établir les meilleurs scénarii scientifiques, la majorité
des enseignants ont utilisé les critères relatifs aux notes dans
les disciplines scientifiques ; les mathématiques, la physique et les
sciences naturelles. Mention faite à deux enseignants : l'enseignant du
français qui a préféré mettre à la place des
sciences naturelles, le critère relatif aux jeux vidéo. Pour lui,
le fait qu'un élève aime les jeux vidéo
révèle son
109
potentiel scientifique. L'enseignant des mathématiques,
quant à lui, a jugé le voeu d'orientation de
l'élève plus prédictif de sa réussite future que sa
note en sciences naturelles.
Au-delà des trois premiers critères sur
lesquels les enseignants s'accordent généralement dans les
scénarios scientifiques, les différences commencent à
s'observer d'un enseignant à l'autre au niveau du quatrième
critère retenu. Certains enseignants ont mis la note en français
(trois enseignants des disciplines littéraires). D'autres ont mis la
moyenne générale (quatre enseignants, celui du français et
les autres des disciplines de découverte). L'enseignant des
mathématiques a mis le soutien scolaire et les deux enseignants de
physique ont mis le choix d'orientation et la note en français. Les
enseignants des sciences naturelles, du français et d'éducation
musicale ont mis respectivement le choix d'orientation, la moyenne
générale et l'inscription aux conservatoires.
Pour les scénarios littéraires, les deux
critères relatifs à la note en arabe et la note en
français sont souvent alternés entre la première et la
deuxième position dans le classement des critères retenus par les
enseignants. La note en histoire-géo occupe généralement
la troisième position. Comme dans les scénarios scientifiques, le
quatrième critère semble varier d'un enseignant à un autre
(cinq ont mis « la moyenne = 11.5/20 », trois ont mis « faire du
théâtre deux ont mis « le voeu d'orientation
littéraire » et un seul enquêté a introduit le
critère relatif au genre).
Le tableau n°19 fait apparaître que les
enseignants ont introduit dans leurs premiers scénarii des
critères autres que les notes chiffrées (au nombre de 8 pour les
scénarios scientifiques et de 11 pour les scénarios
littéraires). Mais, de manière générale, c'est
lorsque l'on a épuisé les critères relatifs aux notes
moyennes et moyennement faibles pour établir les premiers
scénarios que les enseignants ont commencé à
intégrer et en nombre croissant d'autres critères de nature
différente dans le reste des scénarios.
Les critères relatifs aux voeux d'orientation
représentent 15.36% du total des critères retenus par les
enseignants pour établir les scénarios demandés. Ces
critères sont retenus aussi bien dans les scénarios
littéraires que scientifiques avec une légère augmentation
au niveau de ces derniers. Encore mieux, trois enseignants (de disciplines
scientifiques) les avaient retenus pour les premiers scénarios
scientifiques et littéraires. Il paraît donc que le voeu
d'orientation constitue chez certains enseignants un critère essentiel
pour prédire la réussite scolaire des élèves alors
que pour d'autres, il est moins important voire sans intérêt
(enseignant de la technologie). Cela rejoint les propos de certains enseignants
désirant travailler selon
110
l'ancienne procédure d'orientation qui confie à
l'enseignant la prise des décisions d'orientation de
l'élève et que le voeu de celui-ci n'y est que facultatif.
A part les critères « participe à l'aide
aux devoirs du collège », « passionné de
littérature », « fait du théâtre », «
inscrit au conservatoire » et « il a une bourse » qui ont
été retenus différemment par au moins quatre
enquêtés, les autres critères socio-économiques
(aime la natation, fait du théâtre, pratique la boxe, regarde des
séries télévisées, fait du shopping, se balade en
ville avec ses amis, aime les jeux vidéo) n'ont été
retenus que par un ou deux enquêtés (cf. tableau n°21). Le
critère « joue au foot », quant à lui, n'a
été retenu par aucun enseignant. Ceci peut avoir plusieurs
explications. Nous en proposant deux :
D'abord, il nous semble qu'aux yeux des enseignants
enquêtés, les critères socio-économiques qui ont
trait aux intérêts et aux capacités disciplinaires
(largement évoqués par les enseignants lors des entretiens) sont
plus informatifs sur le profil scolaire de l'élève que les autres
critères.
Ensuite, il est possible que cette différence
observée soit imputée, pour partie, au contexte social de
l'établissement scolaire. En effet, celui-ci est fréquenté
généralement par un public défavorisé et ce genre
d'informations (les autres critères socio-économiques) ne semble
pas éclairer les enseignants sur ce qui peut aider l'élève
à poursuivre ses études aussi bien en lettres qu'en sciences. Par
contre, le fait d'avoir une bourse ou faire des cours de soutien ou être
passionné de littérature peut représenter dans le contexte
marocain une aide considérable pour qu'un élève de ce
milieu scolaire poursuive ses études dans de meilleures conditions.
De même, les critères relatifs au genre
paraissent eux aussi moins informatifs et ne suscitent chez les
enquêtés qu'un intérêt très minime (retenus
par 4 enquêtés parmi douze et généralement à
partir du troisième scénario). Pour eux, être fille ou
garçon ne semble pas conditionner la nature des études à
entreprendre après la troisième collégiale.
Tous ces résultats ne nous permettent d'avancer que
dans le contexte marocain, les représentations
stéréotypées relatives au genre et aux statuts
socio-économiques (Channouf et al., 2005) ne se manifestent pas
, nous semble-t-il, de la même manière que dans le contexte
européen. Résultats qui doivent être analysés en
profondeur dans d'autres études à portée plus
généralisatrice.
Globalement, les trois premiers critères retenus aussi
bien dans les scénarios scientifiques que littéraires marquent
une certaine stabilité. Nous pouvons avancer que ces trois
critères
111
constituent les éléments centraux autour
desquels se forgent les représentations sociales des enseignants quant
aux critères retenus pour prendre des décisions d'orientation.
L'hétérogénéité observée dès
le quatrième critère à mettre (alors qu'il reste douze
autres critères à sélectionner) témoigne de la
diversité des approches personnelles que peuvent faire les enseignants
en l'absence des critères objectifs ou des critères reconnus et
désirés socialement. Ces critères peuvent constituer les
éléments périphériques de ces
représentations sociales. Le voeu d'orientation constitue lui aussi,
chez certains enseignants, un critère essentiel pour prédire la
réussite scolaire des élèves alors que pour d'autres, il
est moins important voire sans intérêt. Par rapport aux
critères socio-économiques, nous avons remarqué que ceux
qui ont trait aux intérêts et capacités disciplinaires
(largement évoqués par les enseignants lors des entretiens)
semblent, aux yeux des enquêtés, plus informatifs sur le profil
scolaire de l'élève que les autres critères. Enfin, les
critères relatifs au genre paraissent eux aussi moins informatifs et ne
suscitent chez les enquêtés qu'un intérêt très
minime.
Nous présenterons par la suite une exploitation des
données des tableaux n°18 et n°19 susceptible de nous
éclairer davantage sur la nature des critères les plus retenus
par les enseignants pour réaliser cette activité.