Oui=1 Non=0
L'analyse des données du tableau n° 6 nous permet
de relever certains prérequis mis en avant par les enseignants pour
qu'un élève accède à une filière
scientifique. Ces prérequis sont au nombre de six. Le prérequis
relatif aux bonnes notes en matières scientifiques constitue un
élément central sur lequel s'accorde la majorité des
enquêtés. En effet, cet élément détient
à lui seul l'essentiel des voix (11 voix parmi 12). Remarquons aussi
qu'il s'agit bien de « bonnes notes » et non pas assez bonnes ou
moyennes. Un enseignant avait précisé ce qu'il entend par les
bonnes notes « l'élève ...par exemple qui est meilleur,
qui a des notes élevées par exemple 17, 18 c'est-à-dire au
dessus de 16, je considère que cet élève est scientifique
euh...dans les sciences naturelles, la physique et les mathématiques ...
un scientifique avec 12 de moyenne n'est pas scientifique»
(enseignant de l'histoire-géo). Pour entreprendre des études en
branches scientifiques, il faut donc avoir absolument et en premier lieu de
bonnes notes dans les disciplines scientifiques. Viennent ensuite les
prérequis concernant les intérêts et penchants
scientifiques et la compréhension des textes et lois scientifiques avec
3 voix chacun. Enfin, nous avons relevé trois prérequis,
quoiqu'avec une seule voix pour chacun, qui peuvent appartenir aux
éléments périphériques qui composent les
représentations sociales des enseignants quant aux prérequis pour
une orientation scientifique. Il s'agit de la capacité à
résoudre des problèmes, la maîtrise du français et
la maîtrise de la langue. Par rapport à ces
82
derniers prérequis, un enseignant avait insisté
sur le rôle prépondérant de la langue française dans
la poursuite des études en sciences particulièrement
au-delà du baccalauréat.
« ...s'il ne maitrise pas la langue, il rencontrera
de grands problèmes dans l'enseignement supérieur...car les
sciences et les disciplines scientifiques s'enseignent en
français...même s'il excelle en mathématiques dans les
...euh les classes préparatoires...bien évidemment il
rencontrera...il rencontrera...ce qu'on appelle... un blocage qui va limiter
son... il ne communiquera pas avec les enseignants...il ne communiquera pas
avec les autres élèves...même dans les écoles
privées ... » (enseignant du français).
L'enseignant de la physique 2, quant à lui, affirme
que la compréhension du texte scientifique est liée, pour partie,
à la maîtrise de la langue et qualifie le délaissement des
disciplines littéraires « d'erreur fondamentale » que
commettent beaucoup d'élèves voulant entreprendre des
études scientifiques.
« ...le cas où l'élève opte
pour le scientifique et délaisse les disciplines littéraires...
et ça c'est une erreur fondamentale... cet élève doit
acquérir les langues pour qu'il puisse comprendre les sciences... s'il
n'a pas les langues... il n'arrive pas à comprendre le texte
scientifique pour l'exploiter... il n'a pas les outils, il lui manque la
maîtrise de la langue pour exploiter cet exercice scientifique et donner
une réponse complète... ».
Retenons enfin que la majorité des enseignants
enquêtés s'accorde à considérer les bonnes notes en
disciplines scientifiques (mathématiques, physique et sciences
naturelles) comme étant le prérequis sine qua non pour
une orientation scientifique. Un préreuis, outre qu'il est
disciplinaire, semble revêtir, pour eux, un caractère plus ou
moins objectif.
83
b. Profil d'un élève scientifique :
Tableau n° 7 :
Oui=1 Non=0
Dans l'objectif de restituer, le plus fidèlement
possible, l'ensemble des caractéristiques d'un élève
à profil scientifique citées par les enseignants, nous avons
essayé de les grouper suivant huit sous-catégories nettement
différentes l'une de l'autre. Ensuite, et pour y voir plus clair, nous
avons réparti ces sous-catégories suivant deux catégories.
La première concerne les qualifications personnelles et la
deuxième concerne les qualifications disciplinaires. Le tableau n°
7 affiche cette répartition et organisation des catégories.
Avant d'analyser les données de ce tableau, signalons,
que lors des entretiens, nous avons remarqué que les enseignants de
chaque catégorie de disciplines (scientifiques ou littéraires)
ont eu, la plupart du temps, une position valorisant le profil qui a trait
à leurs disciplines de spécialité. Nous avons
remarqué par exemple que les enseignants des disciplines
littéraires, particulièrement celui du français,
décrivent le profil littéraire avec plus de détail et plus
de caractéristiques positives propres à lui.
84
« ...nous avions une idée fausse qui fait que
l'élève en échec fait la spécialité des
lettres...c'est erroné...pourquoi ? Car si je n'étais pas...si je
n'avais pas des intérêts littéraires...et j'ai des
intérêts...j'ai un style...j'écris bien en arabe et en
français...j'analyse bien en...ce qu'on appelle ...
l'histoire-géo... je ne peux pas réussir ... »
(enseignant du français).
Par contre trois enseignants parmi quatre des disciplines
scientifiques, en plus de valoriser eux aussi le profil scientifique, essaient
de relever ses caractéristiques qui généralement
s'opposent à celles du profil littéraire. C'est comme si, pour
ces enquêtés, le profil scientifique est pris pour l'opposé
du profil littéraire.
« ...la logique d'un scientifique n'est pas celle
d'un littéraire... le littéraire essaie de t'expliquer avec trop
de détails et... par contre le scientifique résume l'explication
...» (enseignant de physique 1). « On peut leur poser une
question dans les connaissances scientifiques... celui qui va répondre
c'est celui qui a le profil scientifique et on va voir que le littéraire
ne pourra pas répondre... donc à travers cette évaluation
on peut identifier le littéraire et le scientifique ...»
(enseignant de physique 2).
Seul l'enseignant des sciences naturelles avait
affiché une position assez différente de celle exprimée
par les enseignants des autres disciplines scientifiques. Cette position
consiste à considérer chaque profil selon ses propres
caractéristiques. Celles-ci ne sont quasiment pas différentes
mais au contraire, elles peuvent avoir certaines ressemblances «
...à ce niveau nous avons un problème souvent
rencontré à la fin d'année...s'il n'est pas scientifique
donc il est littéraire automatiquement ...» (enseignant des
sciences naturelles). L'enseignant du français avait exprimé, lui
aussi, son désaccord avec l'idée d'opposer souvent le
scientifique au littéraire dans le déroulement des conseils de
classe « le fait que l'élève n'a pas pu poursuivre en
scientifique donc « envoyez-le !...envoyez-le ! » euh au
dépotoir entre... entre parenthèses le dépôt des
lettres... ». Il rajoute qu'un ensemble des caractéristiques
de l'élève scientifique figure en même titre chez
l'élève littéraire « il y a un télescopage
entre les deux ». Tous les deux sont caractérisés par
un ensemble de prédispositions et d'aptitudes. L'enseignant de
l'histoire-géo trouve que les élèves excellents le sont
aussi bien dans les disciplines scientifiques que dans les disciplines
littéraires « l'élève qui est meilleur...on ne
peut pas le caractériser scientifique ou littéraire...parfois
l'élève est meilleur dans toutes les
disciplines...».
Revenons à présent sur notre tableau. Nous
relevons que les deux tiers des caractéristiques du profil scientifique
sont regroupées dans la catégorie des qualifications
personnelles. Le tiers restant est regroupé dans la catégorie des
qualifications disciplinaires. Par rapport à la première
catégorie, nous avons relevé que le raisonnement
logico-déductif est la qualification la plus mise en avant pour
caractériser un profil scientifique (citée par la moitié
des enquêtés). Vient en deuxième position la
caractéristique de la rapidité. Pour quatre enseignants
enquêtés
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sur douze (trois enseignants des disciplines scientifiques
plus celui de l'anglais), un élève scientifique c'est une
personne rapide dans la réalisation des tâches, dans les
réponses « ...le scientifique quand je lui donne un exercice je
m'attends à ce qu'il répond rapidement ... »
(enseignant des mathématiques). « ...c'est quelqu'un qui est
euh rapide...rapide dans l'observation...je veux dire c'est quelqu'un qui a un
réflexe rapide » (enseignant de l'anglais). En
troisième position, nous avons les qualifications suivantes : l'esprit
et réflexe scientifique, le sens d'analyse, d'observation et de
détection avec deux voix pour chacune. Et en dernière position,
se situent les qualifications relatives au sens critique, à la
persévérance et à l'intelligence avec une voix pour
chacune.
Concernant la deuxième catégorie, les
enseignants sont beaucoup moins nombreux (six enquêtés parmi 12)
à citer les qualifications disciplinaires pour caractériser le
profil scientifique. Cinq parmi eux considèrent que le fait de
s'intéresser souvent à l'objectif et l'essentiel des choses
caractérise l'élève à profil scientifique. «
...le scientifique résume l'explication » (enseignant de
physique). « Une fois tu lui donnes un document, il l'analyse ...et
suivant une analyse scientifique... il regarde ce que toi... ce que tu veux de
ce document...te dis par exemple : « cette chose mène vers
ceci...ce problème nécessite ceci... ». Il te déduit
un problème scientifique ... » (enseignant des sciences
naturelles). Trois autres qualifications disciplinaires (une voix pour chacune)
ont été cités par les enquêtés : le fait
d'avoir de bonnes notes, d'être capable de réaliser un graphe et
de se désintéresser des matières littéraires.
Relevons enfin, que deux enseignants (de technologie et de
l'histoire) ont montré des positions relativement distinctes par rapport
à celles des autres enquêtés. En effet, au moment où
tous les enseignants ont cité ne serait-ce qu'un seul
élément caractérisant l'un ou l'autre profil, l'enseignant
de la technologie avait pris une position différente quant à la
description des deux profils. Pour lui, il est difficile d'identifier le profil
d'un élève en l'absence d'un test élaboré
spécialement à cette fin. « Je peux caractériser
les profils...euh...en utilisant un test...oui, ce sont les tests qui peuvent
nous donner une idée sur le profil d'un élève...
». Mais en l'absence des tests, il a affirmé que c'est sur les
notes scolaires qu'il se base pour identifier le profil de
l'élève. Cette position se rapporte, en effet, aux
premières pratiques de l'orientation scolaire encadrées par le
courant psychométrique initié par Parsons en 1944. Ces pratiques
consistaient à aider le candidat, via une évaluation objective de
ses aptitudes et de ses goûts, à faire le choix d'une profession
et des études qui y préparent (Guichard et Huteau, 2001). Quant
à l'engeignant de l'histoire-géo, il a conclu son discours sur
les qualifications d'un élève à profil scientifique en
déclarant que les élèves dans son collège
86
« ...ne sont ni littéraires ni scientifiques
car...si tu prends les littéraires...ils sont tous faibles en
français...et n'ont ni soutien ni quoi que ce soit...et si tu prends les
scientifiques...pour la majorité...la majorité de nos
élèves ne dépasse pas 12 ou 10 en
mathématiques...on n'a pas de scientifiques dans cette
établissement... ».
Cet enseignant semble se référer à ce
que Mollo (1986 cité dans Gilly, 1989) appelle le modèle
hiérarchique. Ce modèle permet à un certain nombre
d'enseignants d'organiser l'essentiel de leur pratique. En matière
d'orientation, ils ont « donc toujours des « forts » et des
« faibles » voués à des parcours scolaires
inégaux. » (Idem, p. 392). Il est possible aussi de
ramener ces propos à la représentation qui a de l'orientation des
élèves défavorisés socialement. «...on
sait que ces pauvres élèves n'ont pas les
moyens...l'élève compte sur soi-même...et la manière
avec laquelle fonctionne l'enseignement...avec les heures
supplémentaires qui ne laissent pas beaucoup d'espoir pour ces
élèves». En effet, Channouf et al., (2005)
avaient relevé que les stéréotypes liés à
l'appartenance sociale peuvent influencer les décisions d'orientation.
Ce qui fait qu'à dossier scolaire équivalent, les enseignants ont
une tendance à orienter plus souvent les élèves du milieu
favorisé vers des études longues que les élèves des
autres milieux (Girard et Clerc, 1964)