2.1.3. Facteurs influençant le choix d'orientation
des élèves:
Dans le prolongement de la première question qui
consiste à mettre en exergue certains éléments
constitutifs de l'environnement représentationnel des enseignants quant
à la notion d'orientation scolaire, nous leur avons posé une
question sur les facteurs influençant le choix d'orientation des
élèves. L'analyse des données du tableau n° 5 nous
permettra, en plus de l'identification de ces facteurs, de déterminer
ceux mis en avant par les enseignants enquêtés. Nous allons
appuyer nos résultats d'analyse par un calcul de la
représentativité de chaque catégorie figurant dans le
tableau.
La représentativité d'une catégorie
:
Suite à l'analyse thématique des discours des
enseignants, nous avons pu regrouper (cf. tableau n° 5) l'ensemble des
facteurs cités en dix sous-catégories, elles-mêmes
regroupées en trois catégories. Et pour juger de la
représentativité d'une catégorie par rapport aux autres
catégories suivant un thème donné, nous avons
calculé la fréquence rendant compte de l'espace occupé par
cette catégorie.
Dans un premier temps, nous avons calculé l'espace
occupé par chaque catégorie. Cet espace est égal au nombre
de sous-catégories appartenant à chaque catégorie
multiplié par le nombre des enquêtés l'ayant abordée
divisé par le nombre total des sous-catégories relatives au
thème
contenant l'ensemble des catégories. Soit E (cat 2.1) =
(2x8)/10 =1.6
On fait le même calcul pour (cat 2.2) et (cat 2.3) : Soit
E (cat 2.2) = (5x9)/10= 4.5
E (cat 2.3) = (3x7)/10= 2.1
76
Dans un deuxième temps nous avons calculé la
fréquence d'apparition qui est égale à l'espace
occupé par la catégorie (cat 2.1) divisé par la somme des
espaces occupés par chaque catégorie multipliée par 100
pour obtenir un pourcentage.
Soit : La fréquence d'apparition de (cat 2.2)
1.6/(1.6+4.5+2.1)*100 = 25.60% La fréquence d'apparition de (cat 2.2) =
4.5/(1.6+4.5+2.1)*100 = 54.88% La fréquence d'apparition de (cat 2.3) =
2.1/(1.6+4.5+2.1)*100 =19.52%
Nous pouvons refaire le même calcul, si besoin est,
pour les catégories composant les autres thèmes de notre analyse
qualitative.
Par rapport au thème en question, les
catégories (2.1), (2.2) et (2.3) ont occupé respectivement des
espaces de 25.60%, 54.88% et 19.51%. Nous pouvons donc constater que la
catégorie (2.2) contenant les facteurs relatifs au contexte scolaire et
professionnel est la plus représentative des catégories. Vient
ensuite la catégorie (2.1) relative au contexte familial et en
dernière position la catégorie (2.3) regroupant des facteurs
liés aux caractéristiques personnelles de
l'élève.
Tableau n° 5 :
Catégories
|
Entretien avec l'enseignant de
|
total des (Oui)
|
Espace occupé par la catégorie en
(%)
|
|
sc. physique 1
|
sc. physique 2
0
0
1
0
1
0
0
0
0
1
|
sc. ueesralltn
1
0
1
0
0
1
1
1
0
0
|
çsanfair
0
0
1
0
1
0
0
0
1
0
|
beaar
1
1
0
1
0
0
0
0
1
0
|
histoire-géo
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
|
éducation islamique
|
technologie
1
0
1
0
0
0
1
0
0
0
|
éducation physique
|
anglais
1
0
1
1
0
1
0
0
0
0
|
éducation musicale
|
|
2.1.1. les parents
|
|
|
|
|
8
|
25.60
|
|
|
|
|
3
|
|
2.2.1. influence des camardes de classes
|
|
|
|
|
6
|
54.88
|
|
|
|
|
|
4
|
|
|
|
|
3
|
|
|
|
|
|
3
|
|
|
|
|
|
3
|
|
2.3.1. peur des mathématiques
|
|
|
|
|
3
|
19.52
|
|
|
|
|
|
3
|
|
|
|
|
2
|
|
Oui=1 Non=0
77
Nous avons voulu savoir quels sont les facteurs
influençant l'orientation des élèves et que les
enseignants mettent en avant. Il ressort du tableau n° 5 que les facteurs
relatifs au contexte scolaire et professionnel occupent une position centrale
(54.88%) dans la représentation des enseignants des facteurs
influençant le choix d'orientation d'élèves. Ce
résultats rejoignent ce que Heyneman et loxley (1983) cité par
Duru-Bellat (2003) avaient vérifié par rapport aux
inégalités de la réussite scolaire (et donc de la
carrière scolaire) dans les pays en voie de développement. Pour
ces deux auteurs, ces inégalités s'expliquent beaucoup plus par
les facteurs scolaires que par les facteurs familiaux. Il s'agit des facteurs
relatifs à l'influence des camarades de classe (avec six voix), «
généralement euh...je trouve que chez nous ...euh ce sont les
camardes de classe qui influencent le choix d'orientation »
(enseignant de la technologie). Vient ensuite ceux de l'effet maître
(avec quatre voix). Sur ce point un enquêté affirme que «
si le professeur se comporte bien en classe, l'élève peut
poursuivre ses études dans n'importe quelle filière ...
» (enseignant de physique 1). Nous allons revenir sur cet effet
maître un peu plus loin dans le thème relatif aux pratiques
enseignantes en matière d'orientation. Les trois autres facteurs de
cette catégorie (les possibilités d'insertion professionnelle, l'
« effet de mode » de s'orienter en scientifique et le manque
d'encadrement) ont eu trois voix pour chacun. Un enseignant avait
insisté sur l'impact exercé par la situation économique du
pays sur la promotion de l'emploi des diplômés. Pour lui, cet
impact aurait des retombées sur la façon d'anticiper le parcours
scolaire et l'avenir professionnel de l'élève.
« ...le plus influençant c'est la
réalité économique du pays... c'est-à-dire...
l'après euh orientation... car l'apprenant se demande souvent : «
qu'est-ce que je vais faire dans l'avenir ?...vais-je faire ingénieur ?
Vais-je faire médecin ? » ... il n'y a pas beaucoup de solutions
que cet élève peut choisir pour s'orienter et assurer une
insertion professionnelle ... » (enseignant de physique 2).
Un enseignant avait mis l'accent sur l'influence du manque
d'encadrement, particulièrement celui du conseiller en orientation, sur
le choix d'orientation « ...l'orienteur qui vient deux ou trois fois
toute l'année parce qu'il a plusieurs écoles et
lycées...il vient de temps à autre...donc l'élève
ne pourra pas savoir les débouchés de celle-ci ou de
celle-là...donc le manque de l'information » (enseignant des
sciences naturelles). La mode de s'orienter vers le scientifique peut aussi
exercer une influence sur les choix des élèves « ...l'
« effet de mode » aujourd'hui c'est de faire scientifique...oui on ne
fait pas scientifique parce que on y travaille mais c'est parce que c'est un
« effet de mode ... » (enseignant de l'anglais). C'est dire que
le contexte scolaire en tant qu'espace d'« interactions sociales et
pédagogiques » (Duru-Bellat,
78
2002, p. 96) crée une diversité de pratique
susceptible de générer un ensemble de disparités sociales
(Landrier et Nakhili, 2010).
Bien que la catégorie des facteurs relatifs au
contexte familial vienne en deuxième position en matière de
représentativité, elle contient, néanmoins, un
élément relativement central dans la représentation des
facteurs influençant le choix d'orientation chez les enseignants. Il
s'agit de l'influence des parents. En effet, huit enquêtés sur
douze insistent sur l'influence que peuvent avoir les parents sur le choix
d'orientation des élèves. La fratrie influence aussi le choix
d'orientation puis qu'elle est reprise par trois enquêtés parmi
douze. « Euh... tout d'abord il y a le milieu familial...le milieu
familial, ses frères... comment ils ont vécu leur
scolarité, car si vous voulez, à 80%, si ses frères
étaient scientifiques, il choisira lui aussi le scientifique ...
» (enseignant des mathématiques). Donc la structure et les
caractéristiques de la famille ; les rôles et les positions des
membres de la famille influencent sur le choix d'orientation des
élèves (Liechti, 2012 ; M. Reuchlin, 1978 cités dans
Liechti, 2012).
La catégorie des caractéristiques personnelles
contient trois facteurs influençant le choix d'orientation : le premier
est engendré par la peur des mathématiques (3 voix) qui fait
qu'une partie des élèves « ...fuient vers le
littéraire... même s'ils sont bons ...» (enseignant des
mathématiques). L'enseignant de l'éducation islamique trouve,
quant à lui, que « l'élève qui...qui te dit :
« moi, je veux faire seulement les lettres... » ...comme s'il se
protège derrière cette branche littéraire ». Le
deuxième correspond à l'influence du modèle (3 voix).
Celui-ci peut être l'enseignant lui-même, un ami, une personne dans
la famille, une personnalité...et qui représente pour certains
élèves un exemple à suivre ou à imiter.
L'élève donc
« regarde le modèle...il regarde une personne
qui a réussi sa vie, surtout s'il a une belle voiture ...il rêve
lui aussi de devenir comme lui...donc il a ce modèle...et la
représentation mentale de cette personne...il a réussi sa vie
donc il se dit : « moi aussi...je veux »...il fait...il en fait une
auto-projection » (enseignant du français)
Le troisième facteur, cité par deux
enseignants, est relatif à un comportement scolaire des
élèves caractérisé par le délaissement de
certaines disciplines aussi bien littéraires que scientifiques et ce,
selon l'intérêt que leur donne l'élève.
Enfin, il est à souligner ici, qu'en rapport avec
notre cadrage théorique des facteurs influençant le choix
d'orientation des élèves, il paraît qu'un certain nombre de
ces facteurs ne sont pas pris en considération par les
enquêtés. En effet, l'influence de l'origine sociale, l'âge,
le redoublement et le genre sur le choix d'orientation n'ont été
cités par aucun enquêté. Ceci peut être
expliqué par le contexte différent de la production des
recherches scientifiques sur
79
l'orientation des élèves. D'ailleurs, Heyneman
et Loxley (1983 cité dans Duru-Bellat, 2003) ont montré que
certaines variables, telle que l'origine sociale, expliquant
l'inégalité sociale face à l'école dans les pays
industrialisés, n'ont pas le même pouvoir explicatif dans les pays
en voie de développement. Ils avancent que d'autres variables doivent
être mises en avant pour expliquer ces inégalités,
notamment les ressources matérielles destinées à
l'enseignement. Celles-ci n'apparaissent pas, non plus, dans le discours des
enseignants sur les facteurs influençant le choix d'orientation des
élèves. Il semble que les enseignants enquêtés n'ont
pas assez de recul pour pouvoir développer une vision plus globale de
tous ces facteurs.
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