Nous présentons dans cette première section de
l'analyse, la notion d'orientation scolaire telle que la conçoivent les
enseignants enquêtés. Le tableau n° 4 reprend les
différentes acceptions de la notion d'orientation scolaire. Son analyse
nous permettra de répondre à la première question de notre
recherche : comment les enseignants se représentent-ils la notion de
l'orientation scolaire ?
Avant d'analyser les données de ce tableau, soulignons
que lors des entretiens, nous avons constaté que, globalement, chaque
enquêté avait construit une part importante de son discours autour
d'un mot/expression/idée structurant l'essentiel de sa pensée
relative à l'objet de notre recherche. C'est dire que ce
mot/expression/idée, en tant que fil conducteur ou une chaine
d'idées centrales, reprend la surface plusieurs fois au cours de
l'entretien comme par exemple « l'implication dans l'orientation des
élèves », « l'acquisition des langues
», « le scientifique est celui qui a de bons
résultats », « la note », « le
modèle », « la mode » « le test
», « la compétence », « faire
aimer sa discipline » « l'autorité
épistémique »... Ceci semble permettre à
l'enquêté de maintenir une position relativement stable par
rapport aux thèmes abordés dans l'entretien et d'éviter,
autant que possible, la production d'un discours contradictoire.
Tableau n° 4 :
Oui=1 Non=0
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Par rapport à la notion d'orientation scolaire, nous
avons relevé, lors des entretiens, que presque les deux tiers des
enquêtés ne semblent pas avoir une idée
préconçue et assez claire de ce qui est l'orientation. Ils ont
éprouvé, en effet, une certaine difficulté à
trouver les mots convenables pour définir un objet aussi complexe
soit-il. Ceci confirme notre position théorique de départ qui
consistait à considérer l'orientation scolaire en tant que notion
assez complexe se prêtant bien au cadre des représentations
sociales. Devant un objet complexe et socialement investi,
généralement, c'est grâce aux représentations
sociales que l'on se fait de cet objet qu'on en peut se construire une
idée, une image facilement assimilable pour soi et transférable
pour en communiquer avec autrui. Deux enquêtés ont essayé
de répondre à la première question concernant la
définition de l'orientation comme suit :
« Comment je défini l'orientation scolaire ?
C'est... euh...la détermination...la détermination de
l'orientation des élèves...n'est-ce pas ? Par exemple à
partir de...de leurs niveaux...n'est-ce pas ? Par exemple
l'élève...je sais ... » (enseignant de
l'éducation islamique). « L'orientation scolaire pour
l'élève... ça veut dire après... cette étape
du collégial... qu'est-ce qu'il doit faire ?... où va-t-il
s'orienter ?... c'est ça l'orientation pour moi ... »
(enseignant des mathématiques).
Il y a même un enseignant qui a affiché
clairement, au début de l'entretien, bien qu'il ait accepté de le
faire, sa méconnaissance de ce domaine en se justifiant par le fait
qu'il n'a pas eu la classe de la troisième pendant une longue
période. « Euh...je veux attirer votre attention... que je n'ai
pas beaucoup de choses à dire dans ce domaine...car je n'ai pas eu de
classe de troisième cela fait plus de dix années ... »
(enseignant d'arabe).
Cela étant dit, d'autres enseignants, en particulier
ceux des disciplines scientifiques et du français, ont montré un
flot de paroles immédiatement disponibles à l'inverse de ceux des
disciplines de découverte. Ces derniers, leurs phrases recueillies
étaient pauvres, rares et brèves. Cette pauvreté de la
parole n'est pas un problème en soi. En y travaillant, elle a
constitué pour nous, un exercice particulièrement formateur. Nous
avons pu en retirer certaines informations pertinentes rien qu'à partir
d'un mot ou deux. D'ailleurs, « les mots les plus simples sont rarement
lancés au hasard (Kaufmann, 2007, p.97). L'objectif dans ce cas, sera de
tirer de larges conclusions à partir de petits faits » (Geertz,
2002, cité dans Kaufmann, 2007, p.89).
En analysant les différentes acceptions données
pour la notion d'orientation scolaire, nous avons relevé qu'elles se
rapportent, en général, à deux actions différentes,
mais complémentaires, partageant les enseignants en trois
catégories :
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La première catégorie (5 enquêtés
sur 12) rapporte la notion d'orientation à une action propre à
l'élève. C'est-à-dire que c'est à lui de faire un
choix. « L'orientation c'est...euh quand l'élève est
amené à choisir son parcours scolaire ... » (enseignant
de l'arabe). « ...c'est un euh une occasion pour l'élève
pour voir son choix et les disciplines dont il est à l'aise ...
» (enseignant de l'éducation physique).
Pour l'enseignant de l'éducation musicale,
l'orientation est particulièrement un choix à faire mais ce choix
prend toute son importance à l'entrée de l'université.
« L'orientation est une euh étape importante dans la vie de
l'élève...dont il lui faut choisir entre tout ce qui est offert
dans notre système éducatif euh...même si...moi
personnellement je tends vers d'autres écoles qui considèrent que
l'orientation ne doit avoir lieu qu'à l'entrée de
l'université.»
La deuxième catégorie est constituée de
deux enseignants (ceux de la physique). Pour eux, l'orientation est une action
partagée pour orienter l'élève. Cette action consiste, en
impliquant un ensemble d'acteurs principalement l'enseignant, à
mobiliser tous les moyens nécessaires pour optimiser le choix
d'orientation de l'élève.
«... A partir de l'étude de ses notes
scolaires de ses... lors des conseils de classe en présence du
conseiller en orientation et... nous vérifions ces
intérêts, s'il est par exemple... si ses notes son bonnes en
matières scientifiques ou en matières littéraires et on
vérifie avant tout ses voeux d'orientation... mais quand on trouve qu'il
y a contradiction entre ses notes scolaires et ses voeux on revient sur son
travail en classe, je prends une filière... s'il peut y suivre son
parcours scolaire, c'est dans cette filière qu'on va l'orienter
...» (enseignant de physique 1).
La troisième catégorie regroupe le reste des
enseignants (soit 5 enquêtés parmi 12). Ceux-ci rapportent la
notion d'orientation en même temps à l'action propre à
l'élève et l'action partagée pour l'orienter. Pour
l'enseignant d'histoire-géo :
« L'orientation scolaire représente tous les
moyens qu'on peut présenter à un élève pour qu'il
face un bon choix à la fin de l'année et dont il y a les trois
parties : l'enseignant, l'établissement qui est l'administration ainsi
que l'élève et l'orienteur, c'est-à-dire... c'est
ça l'orientation scolaire...c'est lorsqu'on détermine un parcours
correct qui rend l'élève capable de, avec notre aide, de faire un
choix...un bon choix ... ».
L'enseignant du français développe clairement
l'idée du projet professionnel que doit construire
l'élève, avec l'encadrement des spécialistes, pour une
meilleure orientation :
« L'orientation euh...est une opération
euh...menée par des spécialistes pour orienter le parcours
de...de l'élève...où il va continuer ses études
...est-ce qu'il a des intérêts littéraires, des
intérêts scientifiques, des intérêts artistiques ou
mathématiques...donc tu orientes ses études et par là tu
détermines euh...son projet professionnel qui vient après...
».
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Globalement, la majorité des enseignants
enquêtés s'accordent, en premier lieu, à définir
l'orientation en se rapportant à l'action propre à
l'élève ; c'est un choix à faire et/ou une direction
à suivre dans le cheminement de sa scolarité. En second lieu,
c'est au niveau de l'action partagée pour orienter l'élève
que se situent les acceptions de l'orientation pour les enseignants
enquêtés. Signalons à la fin, qu'à l'exception de
l'enseignant de l'histoire-géo, les enquêtés n'ont
parlé, à aucun moment des entretiens, de l'aide à
l'orientation des élèves. Pour eux l'orientation consiste soit
à faire un choix, soit à orienter l'élève (et non
pas l'aider à s'orienter), soit les deux. Ceci peut être
expliqué par le fait que l'enseignant en question, en plus de la
formation qu'il a suivi dans le domaine de l'orientation, est le seul parmi
tous les enquêtés qui a déclaré avoir
participé à des activités d'aide à l'orientation
des élèves. Ceci nous fait penser à la relation
dialectique entre les représentations sociales et les pratiques sociales
(Abric, 2011).