Chapitre II. Perception sociale et
représentations sociales:
Etant donné que « la représentation sociale
est à la foi un au-delà de la perception, une structure
d'opinions, un imaginaire collectif balbutié individuellement, un
schéma de pensée, la raison d'une théorie implicite et le
reflet d'une idéologie. » (Leyens, 1982, p. 19), il nous est apparu
opportun, avant de traiter en détail le concept de
représentations sociales, de commencer par quelques notions qui peuvent
en être des parties intégrantes ou des substituts notionnels. De
plus ces notions contribuent, à différents degrés,
à la construction d'un mode de connaissance de l'environnement social
dont l'individu évolue. Nous envisageons de définir
particulièrement les notions de la perception sociale (dont il sera
inclus la formation d'impressions sur autrui, les théories implicites de
personnalité et le jugement des enseignants et d'imaginaire collectif)
car elle semble très proche de l'objet central de cette recherche.
2.1. La perception sociale :
La perception sociale encore appelée, dans le cas de la
perception des personnes, « perception mutuelle » (Fiske , 2008),
« perception interpersonnelle » ou « perception de personnes
» (Tagiuri, 1958 cité par Jodelet et al., 1970),
désigne « une connaissance relative aux intentions, attitudes,
émotions, idées, aptitudes, buts et traits que l'on infère
en observant les actions d'autrui. Ce mode de compréhension de l'action
humaine, base de l'interaction entre les personnes, a pour
caractéristique majeure la similitude entre observateur et
observé. » (Ibid., p. 424). C'est dire que l'individu
percevant « son environnement social, il va s'efforcer de donner un sens
à la diversité des stimuli immédiats » (Abric, 2011,
p. 26). Bressoux (2006) ajoute que la perception sociale n'est pas un simple
enregistrement ou reflet de la réalité sociale. Bien plus encore,
elle est à la fois une connaissance pratique de par les
principes mobilisés dans l'interaction sociale et une
méconnaissance car la personne n'est pas en mesure de
contrôler ces principes de telle sorte à agir en harmonie avec
l'ordre social établi. C'est pour cela que Bressoux (2006) la
considère comme étant une connaissance pratique qui agit
sans être représentée. Bref, il s'agit
d'« une connaissance sans concept » (Bourdieu, 1979 cité par
Bressoux, 2006, p. 17).
Il ressort de ces deux définitions que la perception
sociale correspond à notre faculté d'appréhender notre
environnement social, de communiquer avec autrui au travers d'un
mécanisme d'inférence des informations reçues ou
interceptées de l'extérieur. Cette perception peut nous induire
en erreur car notre réaction aux stimuli est à la fois
basée sur notre perception du réel et modelée selon nos
expériences passées et donc notre processus de socialisation, et
non pas le réel lui-même.
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2.1.1. La formation d'impressions sur autrui :
Nous avons vu que la perception sociale n'est pas un simple
enregistrement de la réalité. Elle est, en effet, une
connaissance pratique qui permet à l'individu de se construire
une image globale cohérente de l'objet ou de la personne perçu.
Cette connaissance pratique est le résultat d'un processus qui permet
à la fois d'agencer les éléments directement perçus
de telle sorte à ce qu'ils occupent une position dans la
hiérarchie de l'ensemble (Yzerbyt et Schadron, 1996 cités dans
Bressoux, 2006) et d'inférer les autres éléments
indirectement perçus pour compléter l'image globale
intériorisée au final (Bressoux, 2006). Ce qui pour nous est
particulièrement intéressant ici, c'est le rôle joué
à la fois par les premiers éléments perçus (effet
de primauté) et par les éléments importants (effet de
centralité) dans la constitution de cette image ou impression globale.
Tout d'abord, signalons que plus les éléments directement
perçus sont rares plus l'activité d'inférence est
importante (Bressoux, 2006). Ensuite, les éléments perçus
en premiers ou ceux perçus comme plus centraux par la personne
évaluatrice conditionnent, suivant une « direction
évaluative », son interprétation des autres
éléments perçus par la suite (Yzerbyt et Schadron, 1996
cités par Bressoux, 2006 ; Asch, 1946 cité par Schiffler, 2012).
Le tout est mis en cohérence pour permettre à l'individu
d'appréhender les éléments de ses perceptions quotidiennes
et ce, grâce à un ensemble de mécanismes, notamment celui
mis en oeuvre par les théories implicites de la personnalité
(Bressoux, 2006).
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