1.4.2. Les facteurs relatifs aux caractéristiques
personnelles :
a. Effet de l'origine sociale :
L'influence de l'origine sociale (encore appelée
socioculturelle ou socioprofessionnelle) sur les décisions d'orientation
a été vérifiée par plusieurs sociologues ou
psychosociologues (Mangard et Channouf, 2007, Droyer, 2004, Meunier, 2008 ;
Landrier et Nakhili, 2010). Pour les uns, l'origine sociale détermine le
degré d'accès aux informations et à la
compréhension des mêmes renseignements diffusés au
près des élèves ; plus on monte dans la hiérarchie
sociale plus on est en mesure de comprendre les rouages du système
sélectif de l'école et par là de saisir au mieux ses
opportunités (Ballion et Oeuvrard, 1991 ; Rufino, 1997 cités dan
Droyer, 2004). D'autres, se sont intéressés aux effets des
stéréotypes implicites dans les inférences inconscientes
établies par les enseignants à partir des informations relatives
aux origines socioculturelles (Channouf, 2004, cité par Mangard et
Channouf, 2007 ; Channouf, Mangard, Baudry, et Perney, (2005) ; Dumora,
Lannegrand,(1996) ; Mangard et Channouf, 2007). Sur ce point, Girard et Clerc
avaient déjà constaté en 1964 qu'à dossier scolaire
équivalent, les enseignants ont une tendance à orienter plus
souvent les élèves du milieu favorisé vers des
études longues que les élèves des autres milieux. D'autres
ont pu vérifier que l'origine sociale des élèves exerce un
impact sur les demandes d'orientation des familles. Cet impact se traduit par
une autosélection de telle sorte à ce que les résultats
scolaires conditionnent généralement les voeux des familles ; les
demandes d'orientation sont ambitieuses ou modeste respectivement quand les
résultats scolaires sont bons ou mauvais (Duru-Bellat, 2002 ; Mangard et
Channouf, 2007). Cependant, une différence s'observe au niveau des
demandes d'orientation pour l'élève moyen ; soit il s'autocensure
s'il est d'un milieu socioculturel défavorisé soit il
privilégie des filières scolaires prometteuses (filières
pour des cycles longs) s'il est d'un milieu socioculturel favorisé
(Duru-Bellat et Mingat, 1985 cités dans Mangard et Channouf, 2007 ;
Duru-Bellat, 2002).
b. Effet de l'âge et du retard scolaire
:
Nombreuses sont les études qui ont conclu que
l'âge (ou le retard scolaire) est un critère d'orientation parmi
d'autres influençant le cheminement scolaire de l'élève
(Girard et Clerc, 1964 ; Duru-Bellat, 2002 ; Droyer, 2004 ; Bressoux, 2006 ;
Meunier, 2008). En effet, l'âge joue un rôle informatif : il
présente un résumé de la scolarité passée de
l'élève et fixe le temps disponible dont dispose la famille et le
conseil de classe pour mener à bien sa scolarité (Girard et
Clerc, 1964). C'est ainsi que l'âge affecte, d'une part,
l'élève âgé en le poussant à
s'autosélectionner davantage que l'élève moins
âgé (Cardi, 1989 ; Duthoit, 1987, cités dan Droyer, 2004 ;
Duru-Bellat, 2002), et d'autre part, le jugement professoral car, toutes
choses
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égales par ailleurs, l'élève en retard
scolaire est moins bien jugé que les autres et par conséquent il
est moins bien satisfait quand il choisi une filière prestigieuse que
les autres. Plus nuisible encore, cet élève en retard scolaire
est souvent orienté vers des filières de formation
professionnelle à courte durée (Girard et Clerc, 1964 ; Bressoux
et Pansu, 2003 cités dans Bressoux, 2006). Généralement,
la variable âge nous informe partiellement sur le passé scolaire
de l'élève et ses difficultés d'apprentissage et «
peut intervenir dans le processus d'orientation soit comme inhibiteur, soit
comme facilitateur » (Droyer, 2004, p. 4).
c. Effet d'éducation et stratégies
familiales :
Les familles ont un rôle essentiel à jouer dans
le processus d'orientation de leurs enfants. En effet, au-delà des
inégalités socioéconomiques affectant différemment
l'implication des familles dans le choix scolaire de leurs enfants (plus les
familles sont aisées moins leurs demandes d'orientation sont
autosélectionnées (Duru-Bellat et Van Zanten, 1992, cités
dans Droyer, 2004)), ce rôle varie d'une famille à une autre
selon, d'une part, leur degré d'accès aux informations relatives
au fonctionnement du système scolaire (ses enjeux, ses
opportunités...)et, d'autre part, leurs pratiques éducatives,
particulièrement leur éducation implicite (expression introduite
par Pourtois et Desmet, 2007 cités dans Liechti, 2012) se rapportant
à un ensemble d'éléments constitutifs de l'identité
de l'enfant et de son devenir scolaire et professionnel (valeurs,
personnalité, intérêts, autonomie, capacités,
exploration ...) (ibid.). Cette éducation est elle-même
conditionnée par la structure et les caractéristiques de la
famille (type de famille et styles éducatifs, parcours scolaire et
professionnel des parents, représentations socioprofessionnelles des
parents, aspiration et attitude des parents quant à l'avenir de leur
enfant, rôles et positions des membres de la famille, l'environnement
familial...) ( Liechti, 2012 ; Reuchlin, 1978 cités par Liechti, 2012).
Par ailleurs, il a été démontré que les familles
interviennent inégalement pour garder voire créer un contexte
favorable au cheminement scolaire de leurs enfants (Duru-Bellat, 2002). Cela
s'observe quand les familles développent des comportements
stratégiques différenciées quant aux choix d'options et
des demandes d'orientation : plus le statut socioprofessionnel des parents est
élevé, plus ils sont exigeants et optent souvent pour les voies
de scolarité susceptibles de positionner leurs enfants dans les
filières les plus élitistes et dans les meilleurs classes (les
filières scientifiques, le «choix» de langues et d'options...)
(Duru-Bellat et Mingat, 1997 cités dans Landrier et Nakhili, 2010 ;
Duru-Bellat, 2002). Ajoutons enfin que plus les résultats scolaires de
l'élève sont médiocres moins ses parents seront influents
au niveau de l'établissement scolaire (Laforgue, 2005, cité par
Meunier, 2008).
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d. Effet de genre :
Tout comme l'origine sociale, le sexe des
élèves, selon des études expérimentales, structure
lui aussi les décisions d'orientation prises par les enseignants
(Duru-Bellat, 2002 ; Mangard et Channouf, 2007 ; Baudelot et Establet, 1992 ;
Duru-Bellat 1995 ; Duru-Bellat et Jarousse 1993, 1996 cités par Droyer,
2004). En effet, à dossier scolaire équivalent, les
garçons sont orientés deux à trois fois plus que les
filles vers les filières scientifiques (Meng, 2002 ; Rossenwald, 2006
cités dans Meunier, 2008 ; Mangard et Channouf, 2007). D'autant plus
que, par le mécanisme d'autosélection, les filles optent
davantage que les garçons pour les filières littéraires
(Caille et Lemaire, 2002 ; Le Bastard-Landrier, 2005 cités par Landrier
et Nakhili, 2010 ; Mangard et Channouf, 2007 ; Meunier, 2008) ou
généralement pour des filières qui « permettent de
s'insérer dans des métiers reflétant les valeurs
spécifiques inculquées par la socialisation, ou alors
présentant une certaine flexibilité pour concilier vie
professionnelle et vie familiale » (Duru-Bellat, 1990 cité par
Droyer, 2004, p. 4).
Certes, ces caractéristiques personnelles ont une
influence considérable sur le devenir scolaire et professionnel, mais il
reste aussi que les facteurs contextuels ont leur part de cette influence. Pour
Perrenoud (1984, 1995 cité par Droyer, 2004), les pratiques
pédagogiques et l'excellence scolaire incorporent la majorité des
biais sociaux qui influencent, entre autres, les décisions
d'orientation.
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