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Les représentations sociales des enseignants à  l’égard de l’orientation de leurs élèves. Cas des enseignants exerà§ant au collège dans la région de Marrakech au Maroc.


par Said MAGOURI
Université de Rouen - Master 2 de recherche à  distance Francophone 2013
  

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1.3. Inégalités sociales face à l'orientation :

Nous l'avons vu plus haut, notre recherche s'inscrit dans un cadre global, celui de l'inégalité sociale face à l'école. En effet, par un jeu de compensation ou non des origines sociales, l'école, véritable « fabrique intensive de jugements sociaux et instance d'évaluation et d'orientation permanentes » (Duru-Bellat, 2002, p. 215), intervient directement dans la boucle des trajectoires sociales plus particulièrement dans les carrières scolaires des élèves. « Elle les affecte à tel ou tel milieu scolaire (filière, établissement, classe), à tel ou tel dispositif, dans le cadre d'une offre donnée, relativement inerte et dont nous avons vu le caractère contraignant. » (Ibidem). L'école se présente donc comme un lieu de sélection par excellence et dont « l'orientation fonctionne comme un processus essentiel de différenciation des individus » (Lannegrand-Willems, 2004, p. 3)

En termes de comparaison internationale, il paraît que les inégalités sociales face à l'orientation se manifestent beaucoup plus dans les systèmes scolaires là où les choix de familles sont pris en considération, avec un poids important, lors des conseils de classe (Duru-Bellat, 2002). On pourrait donc se demander si le système éducatif britannique, par exemple, est moins inégalitaire de fait que les décisions d'orientation y sont prises sur la base des notes scolaires (Duru-Bellat, 2002). D'autant plus que « même si ces notes scolaires restent marquées par des inégalités sociales, les performances des élèves prennent ainsi un poids relatif plus fort par rapport aux choix des familles, ce qui atténue l'autosélection sensible qui caractérise les milieux populaires » (Gamoran, 1996, cité par Duru-Bellat, 2002, p. 167). Selon les dispositifs d'orientation dans le système scolaire marocain, bien que les textes officiels régissant la procédure d'orientation encouragent les conseils de classe à respecter autant que faire se peut le choix de l'élève et de sa famille, il semble que ces conseils s'attachent beaucoup plus aux notes scolaires pour décider de l'orientation des élèves. On pourrait se demander, ici, si le système d'orientation au Maroc est moins inégalitaire comparé à la Grande-Bretagne.

Pour Duru-Bellat (2002), les différences en matière des inégalités d'orientation entre pays, résultent en fait de la façon dont on anticipe l'avenir. C'est à ce niveau là que se situe la différence : anticiper l'avenir relève d'un certain nombre de facteurs (en particulier les ressources de la famille, la structure institutionnelle du système éducatif, les incitations à la poursuite des études...) eux-mêmes variables d'un contexte à un autre. Ces inégalités s'accentueraient davantage dans les pays où d'autres inégalités d'ordre socio-économique se présentent avec acuité. On s'attend donc « à ce que les inégalités sociales de carrière se réduisent quand les inégalités économiques s'atténuent, ce qui a été effectivement observé en

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Suède et en Pays-Bas » (Sahvit et Blossfeld, 1993, cités dans Duru-Bellat, 2002, p. 167). Or le Maroc est doublement concerné par ces inégalités. D'une part, il est un pays en voie de développement et dont les inégalités économiques sont fortement présentes (le rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement publié en novembre 2010), et d'autre part, le système éducatif présente des voies scolaires (filière de sciences mathématiques, filière de sciences technologiques...) auxquelles peu d'élèves accèdent (problème de sélectivité) et des voies accueillant la grande partie des élèves au sortir du collège (empruntons le terme utilisé par Duru-Bellat ; les voies de garage comme les filières littéraires ou professionnelles). Nous pouvons donc avancer, sans trop de risque, que les inégalités de carrière scolaire sont bel et bien présentes dans le système éducatif marocain.

1.3.1. La sélectivité en orientation scolaire :

Maintenant, regardons de plus près le problème de sélectivité. Pour Duru-Bellat (2002), dans les systèmes éducatifs où les filières scolaires sont hiérarchisées (comme au Maroc par exemple), il est souvent question de méritocratie pour accéder à telle ou telle filière. Cette hiérarchie des filières correspond « d'une part, au mérite tel que l'école le définit (la réussite dans les disciplines abstraites) et, d'autre part, à l'horizon des positions sociales qu'elles prédisposent à occuper » (Guichard et Huteau, 2001, p. 16). D'un autre côté, le mérite est basé sur les aptitudes et la motivation, elles-mêmes conditionnées par la socialisation familiale. Or cette socialisation, selon le niveau économique et culturel de la famille, varie d'un élève à un autre et la sélectivité aura donc comme conséquence d'entériner, pour partie, les inégalités sociales face à l'orientation des élèves (Duru-Bellat (2002).Un autre comportement est observé quand on examine les demandes d'orientation des familles. Il s'agit de l'autosélection (Bressoux, 2006 ; Meunier, 2008) qui est d'abord scolaire (la demande d'orientation de l'élève très bon ou l'élève très faible est respectivement soit ambitieuse soit modeste) ; mais au niveau des élèves moyennement faibles l'autosélection (en présence des demandes d'orientation fortement diversifiées) est structurée selon l'âge et le milieu social d'origine (Duru-Bellat, 2002). De plus, les conseils de classe, dans la majorité des cas, entérinent et même parfois proposent directement ces demandes socialement typées ou orientées (Bressoux, 2006 ; Roux et Davaillon, 2001 cités dans Meunier, 2008 ; Landrier et Nakhili, 2010 ), « et figent de ce fait les inégalités sociales incorporées dans ces demandes » (Duru-Bellat, 2002, p. 79).

De même, Langouet (1990) dans son analyse de l'ouvrage publié par Duru-Bellat en 1988, conclut que « l'orientation ne s'effectue pas de manière mécaniste, ni sur des critères

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exclusivement scolaires ni sur des critères exclusivement sociaux, qu'elle contribue à la genèse de la diversité des carrières scolaires et, par conséquent, des inégalités sociales » (p. 121). D'autres auteurs (Bourdieu et Passeron, 1970 ; Beaudelot et Establet, 1971 ; Berthelot, 1989 ; Charlot, 1994 ; Dubet et Duru-Bellat, 2000 ; Van-Zanten, 2000 ; Dubet, 2004 cités par Meunier, 2008) poussent leurs analyses plus loin en affirmant qu'en amont des inégalités des parcours scolaires et professionnels existent des inégalités socioculturelles. Celles-ci font qu'à l'opposé des élèves de milieu défavorisé, ceux de milieu favorisé disposent d'un capital social et culturel leur permettant de mieux saisir les opportunités du système éducatif en effectuant les parcours scolaires les plus prometteurs (Lannegrand-Willems, 2004 ; Bressoux, 2006 ; Bourdieu et Passeron, 1970 Duru-Bellat, 1988, Duru-Bellat et Mingat, 1988 cités par Meunier, 2008), et donc l'égalité méritocratique face à l'orientation des élèves n'est en fait qu'un mythe (Dubet, 2004, cité par Meunier, 2008).

Suite à ces développements théoriques autour des inégalités sociales face à l'orientation nous allons, dans la partie suivante, exposer un ensemble de facteurs qui viennent accentuer ces inégalités.

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