1.2. Rôle des enseignants en orientation :
Partant des approches éducatives en orientation, nous
constatons qu'elles attribuent un rôle important aux enseignants dans le
processus d'orientation des élèves. Selon Guichard (1997), les
professeurs ont deux missions fondamentales : l'éducation des jeunes et
leur orientation-répartition. C'est à travers l'enseignement d'un
certain nombre de connaissances jugées utiles aux futurs citoyens de la
société qu'ils participent au développement et à la
formation de la personnalité des élèves dont ils ont la
charge. Leur participation aux conseils de classe pour décider de
l'orientation de chaque élève montre leur position
décisive dans le processus d'orientation-répartition des
élèves. Cette position, selon Guichard (1997), met l'enseignant
dans une posture difficilement tenable surtout devant un élève
à qui on demande de réfléchir, d'une manière
critique, à propos d'une proposition d'orientation qu'il refuse. Cela
dit, et comme l'a remarqué Hoyt (1978 cité par Guichard, 1997),
les professeurs participent en amont, par des activités ordinaires
d'apprentissage, à la préparation des choix des
élèves. Ils les conduisent à se former des
habiletés, des connaissances et des attitudes requises leur facilitant
la formulation de leurs projets d'avenir. Ces activités d'apprentissage
peuvent être liées à la lecture, les mathématiques,
la communication orale et écrite, l'acquisition d'habitudes de
travail... La plupart de ces mêmes activités d'enseignement, nous
renseigne Guichard (1997), peuvent être utilisées de
manière explicite dans différentes discipline selon la
démarche d'éducation à la carrière :
En histoire, par exemple, le professeur peut
s'intéresser à l'histoire des professions, à celle de
l'organisation du travail, à son évolution.
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En cours de sciences économiques et sociales ou de
philosophie, les élèves peuvent soumettre à la critique
certains concepts largement utilisés mais qui n'ont pas acquis une
certaine légitimité scientifique tels que les compétences,
employabilité (Dubar, 1996, 1997, cité par Guichard 1997).
En s'inspirant des pédagogies actives, les enseignants
pourraient engager les élèves dans un processus de
découverte scolaire et professionnelle. Sur ce point, Guichard (1997)
souligne que les enseignants pourraient inciter les élèves
à découvrir les filières scolaires à travers des
enquêtes sur le devenir des "anciens" sortis de la classe au cours des
années précédentes et/ou à travers des
enquêtes d'insertion professionnelle. Les enseignants pourraient aussi
suggérer aux élèves d'organiser des forums des
métiers où ils pourront enrichir leurs connaissances du monde
professionnel. Ces activités « pourraient donner lieu à des
articles dans le journal de l'établissement, au calcul de diverses
statistiques, à la confection de tableaux, à la
réalisation de films vidéo, à des échanges sur les
observations recueillies, au montage d'un forum sur un site "Internet", etc.
». (p. 19)
Dans le même sens d'idée, Dupont (1984) affirme
que l'approche de l'éducation à la carrière met en
évidence l'importance du rôle de l'enseignant dans les programmes
scolaires travaillant sur l'éducation à la carrière. Elle
considère que l'un des aspects du développement personnel est le
développement vocationnel sur lequel se fonde l'éducation
à la carrière. Tennyson (1971 cité par Dupon, 1984)
affirme que le développement vocationnel des élèves est
une tache partagée par le personnel de l'école, bien que la
position du conseiller en orientation y soit importante, vu ses connaissances
et ses habilités en la matière, Tennyson considère
l'enseignant comme le plus important acteur contribuant au développement
de l'élève. Il argumente ses propos en s'appuyant sur les travaux
de Super relatifs au développement vocationnel. Pour lui, la
définition donnée par Super à l'orientation en tant que
processus permettant à l'individu de développer et accepter une
image intégrée et adéquate de lui-même avec
satisfaction personnelle et bénéfice pour la
société engendre toutes les raisons pour rendre l'enseignant
responsable de divers façon du développement vocationnel de
l'élève. Ce développement est mieux réalisé
quand l'enseignant multiplie les occasions permettant aux élèves
de découvrir le monde du travail et de s'explorer eux-mêmes en
relation avec ce monde.
Enfin, Dupont (1984) nous présente un ensemble
d'objectifs que l'enseignant doit réaliser pour opérationnaliser
le concept d'éducation à la carrière :
- veiller à ce que les élèves se rend
compte de l'utilité des disciplines enseignées ;
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- développer chez les élèves de bonnes
habitudes de travail nécessaires à l'acquisition d'une formation
de base solide et à la réussite dans la carrière future
;
- combiner une approche expérientielle et cognitive
dans son enseignement et aider les élèves à
acquérir des habilités de prise de décision en utilisant
des méthodes axées sur des projets ou des activités qui
les amènes à apprendre à pouvoir prendre des
décisions ;
- tenter de faire disparaître les
stéréotypes qui enlèvent toute liberté dans les
choix professionnels ;
- aider les élèves à devenir conscients
et à connaitre la nature d'une variété de professions de
même que les exigences scolaires requises pour y réussir ;
- amener les élèves à une meilleure
connaissance du système économique et de l'organisation du
travail ;
- aider les élèves à
réfléchir et à considérer l'importance des choix
professionnels. Par ailleurs, outre ces rôles clairement définis
dans les approches éducatives en orientation, la note d'information
04-14 juin 2004 du Ministère de l'Education Nationale en France, insiste
sur le rôle déterminant des enseignants dans le choix
d'orientation des élèves. Il ressort de cette note que le fait
d'avoir bénéficié ou non des conseils des enseignants
exerce, toutes choses égales par ailleurs, une influence sur les
élèves presque aussi forte que les variables scolaires. Ils
peuvent par exemple être pris pour des modèles à qui
l'élève s'identifie dans une sorte de projection de soi dans le
statut adulte. Les enseignants peuvent aussi véhiculer une certaine
conception stéréotypée des choix d'orientation et des
professions ne serait-ce que celle relative au sexe (féminin, masculin)
; les filières scientifiques et technologiques pour les garçons
et les filières littéraires pour les filles. Pour Mosconi (1989
cité par Meunier, 2008), c'est « à travers de multiples
mécanismes implicites, les relations entre enseignants et
élèves concourent à faire vivre des expériences
différentes selon les genres où les identités
sexuées vont se construire, se transformer et favoriser avec d'autres
influences des trajectoires scolaires, universitaires et professionnelles
différentes» (p. 21). Le rôle de l'enseignant ici est de
déjouer les stéréotypes qui peuvent être
véhiculés par les manuels scolaires ou le matériel
pédagogique. Dans ce cadre, l'enseignant, conscient de son influence sur
les élèves, doit éclairer les choix de ses
élèves à travers des éléments qui leur
permettent une réflexion sur leur situation de garçons ou de
filles (Ministère de l'Education Nationale en France, 2008).
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