B- Les perspectives de dynamisation
La Cour Pénale Internationale procède d'un tout
autre contexte. Etablie par un traité à la participation
facultative, elle « repose sur une idée plus générale
et plus abstraite de justice comme une composante autonome de l'ordre du monde,
qui existe indépendamment de toute politique concrète
»234. A cet égard, le défi du Statut de Rome
était sa ratification par soixante Etats, pour que celui-ci entre en
vigueur. Ce défi a été relevé. Mais il en reste un
autre, majeur, difficile : la conciliation de l'indépendance de
l'autorité judiciaire avec une politique pénale internationale
dont l'action dépend de la coopération des Etats et de la
volonté du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le
concept de politique pénale d'une juridiction internationale
dépasse donc celui des poursuites et recouvre l'ensemble de
l'activité du tribunal. Ce défi, étroitement lié
aux intérêts particuliers des Etats, est plus difficile à
relever.
L'exploration des perspectives d'une justice pénale
internationale universelle au service de la mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger inspire deux observations finales,
pour terminer. Tout d'abord, il n'échappera à personne les liens
évidents entre les différents crimes internationaux : ils sont
tous commis dans des situations conflictuelles et de grande instabilité
politique, où prospèrent tant la grande criminalité
23215 août 2017 : la CPI délivre un
mandat d'arrêt contre Mahmoud Al-Werfalli (Officier de l'armée du
Général Haftar) accusé de crimes de guerre ; 27 juin 2011
: la CPI délivre des mandats d'arrêt contre Saif Al-Islam Kadhafi
(fils de M. Kadhafi), et Mouammar Kadhafi (Dirigeant libyen) pour crimes contre
l'humanité.
233 Créée par la loi n° 15.003 du 3 juin
2015, afin d'enquêter, instruire et juger les violations graves des
droits humains et du droit internetional humanitaire commis sur le territoire
de la RCA depuis le 1er janvier 2003.
234 Sur Serge, « Le droit international pénal
entre l'Etat et la société internationale »,
Actualité et Droit International, Octobre 2001.
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organisée que les trafics d'armes et le terrorisme.
Dans ce contexte, mettre fin à l'impunité pour des crimes qui
mettent en péril l'Humanité est non seulement une obligation
morale, mais aussi une exigence politique pour assurer la stabilité
géopolitique de toutes les régions du monde. A cet égard,
quelle que soit la différence de nature entre les Tribunaux
Pénaux Internationaux et la Cour Pénale Internationale, il
convient que la justice pénale internationale, dans son ensemble,
apparaisse comme un instrument de retour à la paix, pouvant s'adapter
à ses diverses exigences, et non comme un mécanisme automatique
de justice abstraite. C'est de cette manière que la communauté
internationale pourra assumer cette exigence de stabilité
géopolitique à l'échelle du monde.
Ensuite, ainsi que le souligne Martin Kirsch, Président
de la Cour Pénale Internationale, « avec l'évolution de
certaines législations nationales, les Tribunaux pénaux
internationaux crées en 1993 et 1994 représentent une des
premières manifestations du passage de la communauté
internationale d'une culture de l'impunité à une culture
d'imputabilité. Leur héritage est considérable puisqu'ils
ont démontré qu'une justice pénale internationale
était faisable et viable. Leur expérience a servi de
référence pour la rédaction du Statut de Rome et du
Règlement de Procédure et de Preuve de la Cour, et leur
jurisprudence servira certainement de précédent lorsque la CPI
traitera des affaires qui seront portées devant elle
»235. Autrement dit, si un ordre juridictionnel
international n'existe pas encore, le processus de création d'une
justice pénale internationale efficace est irréversible ; il
constitue un inexorable pas en avant dans l'histoire de l'humanité et
dans la lutte contre l'impunité.
Ainsi, le système actuel de protection des droits de
l'homme bénéficie de moyens juridiques et institutionnels
suffisamment développés pour assurer la mise en oeuvre judiciaire
de la responsabilité de protéger. Il doit être
complété par les initiatives que prendront les Etats pour le
renforcer. A ce stade, il convient de rappeler qu'en vertu du principe de
complémentarité de la Cour Pénale Internationale, la
responsabilité principale de l'administration de la justice
pénale internationale revient aux Etats. Dès lors, l'une des
premières conséquences indirectes de l'existence de la
235 Kirsch Martin, Les enjeux et les défis de la
mise en oeuvre de la C.P.I. : la construction des institutions,
Conférence à l'Université de Montréal, les 2 et 3
mai 2003.
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Cour Pénale Internationale est la modification de la
législation interne des Etats parties au Statut de Rome afin d'y
intégrer la sanction des crimes internationaux.
Il n'est pas contestable que les Tribunaux Pénaux
Internationaux ont démontré leur aptitude à juger en toute
indépendance les responsables des crimes commis en ex-Yougoslavie et au
Rwanda, quelle que soit leur place dans la hiérarchie civile ou
militaire et leur communauté d'origine.
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