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La mise en œuvre de la responsabilité de protéger en Afrique. étude de quelques cas récents (Mali, Centrafrique, Libye).


par Bansopa Linda DARATE
Université d'Abomey-Calavi, Bénin - Master II Droit International et Organisations Internationales  2017
  

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Paragraphe 2 : La brûlante question des poursuites pénales

La création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie et du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone a profondément modifié l'ordre juridique pénal en mettant fin à l'exclusivité de la compétence étatique pour juger les individus. Ces juridictions jouissent d'une primauté sur les juridictions nationales étatiques pour juger les coupables de crimes contre l'humanité. Un tel bouleversement est important, puisqu'il met en cause l'un des attributs essentiels de l'Etat : la justice. Et si la création consécutive de la Cour Pénale Internationale ne correspond nullement à la mise en place d'un ordre juridictionnel international227, il n'y a pas de doute, en revanche, sur le fait que la justice pénale internationale existe, à travers l'ensemble de ces juridictions ad hoc, spéciales ou permanentes qui la composent à ce jour et qui pourraient être créées demain sur le même modèle. Toutefois, la question de son effectivité reste incertaine (A). C'est pourquoi des perspectives (B) sont proposées en vue de sa dynamisation.

A- L'effectivité contestée de la justice pénale internationale

Plus encore que les tribunaux pénaux internationaux, la justice mondialisée qu'incarne la Cour Pénale Internationale doit affronter des défis juridiques, politiques et même culturels de taille, pour la mise en oeuvre de ce devoir de poursuite. Ces défis sont d'abord ceux qui concernent l'affirmation de l'existence même d'une justice pénale internationale effective, c'est-à-dire acceptée et mise en oeuvre par l'ensemble des Etats membres de la Communauté internationale ou avec leur aide ou leur coopération. Ces défis sont aussi, et ceci se révèle à la pratique, ceux liés à la conduite des procès, dans un souci de bonne administration de la justice, celle qui allie à la fois

226 Dans un entretien accordé à France 24, Faustin-Archange Touadéra rejette l'analyse de l'ONU pointant "des risques avant-coureurs de génocide" dans son pays. Selon le président centrafricain, les violences sont générées par un "vide sécuritaire" qui profite aux groupes armés tournés vers la "prédation" et le "grand banditisme".

Le départ de Centrafrique de la force française Sangaris, début 2016, était "prématuré", regrette-t-il par ailleurs. "L'armée centrafricaine doit se reconstruire. Aujourd'hui, il faudrait renforcer la capacité des casques bleus de la Minusca", la mission de l'ONU dans le pays, affirme-t-il, estimant qu'il faudrait "trois ou quatre contingents supplémentaires" pour couvrir les besoins sécuritaires. Disponible sur: http://www.france24.com/fr/20170920-entretien-faustin-archange-touadera-president-republique-centrafrique-violences (consulté le 22 octobre 2017 à 17h07 min).

227 Conformément à l'article 17 du Statut de la CPI, cette dernière est une juridiction complémentaire et subsidiaire aux juridictions internes.

Réalisé et présenté par Bansopa Linda DARATE Page 91

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la nécessité de réprimer (punir les coupables), de réparer, mais aussi d'aider à la reconstruction (le retour à la paix).

Le développement des principes de juridiction universelle et la création parallèle de juridictions pénales internationales est bien la concrétisation d'une mondialisation de la justice caractérisée par une synchronisation des principes légaux issus de différents systèmes juridiques, où les coupables peuvent être jugés par différents tribunaux - internationaux, nationaux ou étrangers - mais bénéficient des mêmes normes de procès équitable. Ce fut un défi en soit, que de parvenir à la mise en place d'un tel système de justice pénale internationale228.

Mais il reste, à l'égard de la mise en oeuvre effective de la justice pénale internationale, deux défis à surmonter : le premier est l'adaptation des législations pénales nationales aux exigences du droit pénal international ; le second est la coopération effective des Etats avec les juridictions pénales internationales229. Au-delà du symbole et de son rôle essentiel aujourd'hui, la Cour pénale internationale apparaît en effet comme une institution fondamentale pour la promotion et la survie de la responsabilité de protéger. La CPI véhicule un message juridique fort, qui compose avec la R2P, un ensemble qui doit se parfaire et parvenir à un compromis qui conviendrait à l'ensemble de la Communauté internationale, malgré son fonctionnement encore fragile du à la non ratification de son Statut230 par de nombreux États et des obstacles politiques ou diplomatiques importants qui freinent son activité. En effet, des États influents comme les États Unis ou la Russie n'ont pas ratifié le statut. Cela affecte et diminue l'impact fort que pourrait avoir la Cour sur une justice internationale sans faille, et démontre à quel point les intérêts des États sont fondamentaux pour le bon fonctionnement tant d'une doctrine que d'une institution juridique internationale.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la R2P en Libye, le Procureur de la CPI a été saisi par la résolution 1970 du Conseil de sécurité231. En application de cette

228Abessolo (S.), « Responsabilité de protéger et ordre juridictionnel international : les défis de la justice pénale internationale », Colloque international sur « la prévention des conflits et la sécurité humaine en Afrique : la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger », Libreville, 20 et 21 juin 2007, p. 13.

229 Coopération remise en cause notamment par l'UA qui soutient les déclarations de retrait de certains Etats africains de la Cour pénale internationale accusée de s'acharner sur l'Afrique.

230 Statut de Rome, Acte constitutif de la CPI, entré en vigueur le 1er juillet 2002.

231 L'article 13 du Statut de Rome attribue cette compétence au Conseil de sécurité de l'ONU.

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résolution, un Bureau concernant la Libye a été mis en place aux fins de procéder à des enquêtes sur les allégations de violations graves des droits de l'homme. Depuis la résolution 1970 du Conseil, la CPI a délivré plusieurs mandats d'arrêt contre des individus232 accusés d'avoir commis ou ordonnés la commission des actes contraires au droit international humanitaire en Libye. En outre, la question des exactions et crimes commis au Mali est également pendante devant la CPI.

Par ailleurs, en RCA la création de la Cour pénale spéciale233, tribunal mixte (national et international) chargé de juger les crimes les plus graves est inédite. Cependant, dans un pays contrôlé par les groupes armés et toujours déchiré par les violences, les moyens d'enquête de cette Cour semblent dérisoires.

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