Section 2 : Les faiblesses des mécanismes de
prévention
Les moyens de prévention présentent dans la
pratique certaines limites. On distingue entre autres l'inefficacité du
système d'alerte rapide (Paragraphe 1) et l'absence de
volonté politique (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'inefficacité du système
d'alerte rapide
L'analyse lacunaire (A) qui est parfois faite des informations
collectées et les nombreuses sources d'information (B) existantes
constituent souvent les principales faiblesses de ce système.
A- L'analyse lacunaire des informations
Plusieurs possibilités s'offrent à qui tente de
décrire voire de définir la notion d'Alerte Précoce. Ainsi
Lund179 relie-t-il l'Alerte Précoce au concept de diplomatie
préventive qui intègre les efforts pour prévenir ou
contenir les conflits, l'idée principale étant qu'il vaut mieux
intervenir avant que le conflit n'atteigne un niveau de violence difficilement
gérable. Le critère principal dans cette approche
préventive est ainsi l'intensité du conflit et la
préconisation d'une action dans une phase de conflit de
179 Lund, Preventive Diplomacy and American Foreign
Policy: A Guide For the Post-Cold War Era. Bibliothèque du
Congrès, 1994.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
faible intensité, à distinguer des mesures
à prendre dans un contexte de haut niveau de violence180.
D'autres proposent une approche sensiblement différente
et assimilent l'alerte précoce à la notion générale
de prévention des conflits, laquelle se réfère à
des situations dans lesquels l'incompatibilité des buts poursuivis par
des adversaires est contrôlée afin d'éviter le
déclenchement des hostilités. Selon cette approche,
représentée par Rupesinghe181, le but de l'alerte
précoce est la prévention de toute forme de conflit violent.
Telle est la perspective qui a notre préférence et l'on
présentera à la suite la définition donnée par
F.E.W.E.R182 (Forum on Early Warning and Early Response) qui,
aujourd'hui, fait consensus : l'alerte précoce est « la collecte
systématique et l'analyse de l'information sur des régions en
crise et dont la vocation est :
a) d'anticiper le processus d'escalade dans l'intensité
du conflit ;
b) de développer des réponses stratégiques
à ces crises ;
c) de présenter des options d'action aux acteurs
concernés afin de faciliter la prise de décision ».
A ce jour, l'alerte rapide déclenchée en cas de
menace de conflit meurtrier relève essentiellement d'une démarche
ad hoc et non structurée183. Pour remédier
à ce problème, la Commission, emboitant le pas au Groupe
d'étude sur les opérations de paix de l'ONU, propose la mise en
place d'un système d'alerte rapide qui sera centralisé au
siège de l'Organisation, sous le contrôle du secrétariat
général. Il sera donc créé un service,
composé d'un petit nombre d'experts formés à la
prévention des conflits, relevant du secrétariat
général, qui va centraliser et traiter les données venant
de
180 Une telle description tend à montrer que les
notions de diplomatie préventive et d'Alerte Précoce ne visent
pas à la prévention de la violence en tant que telle, mais
à empêcher le déclenchement d'hostilités sans
retour. Le problème est alors de bien distinguer l'Alerte Précoce
de la notion de « Conflict Management », de gestion des
conflits.
181Kumar Rupesinghe, né en 1943 est un
militant des droits de l'homme, de la prévention et de la
résolution des conflits. Secrétaire général de
l'ONG International Alert (AI) de 1992 à 1998. Ecrivain originaire du
Sri-lanka, il est à l'origine de plus de 40 livres et 200 articles dont
Ø?Early Warning, Early Response''.
182 Créé en 1997, FEWER est une organisation
à but non lucratif mise en place pour répondre au génocide
rwandais de 1994.
183 Cette carence a conduit à la création des
ONG tel que « International Crisis Group » qui surveillent des
régions du monde où des conflits semblent en gestation et
informent sur ce qui s'y passe. Elles s'emploient très activement
à alerter les gouvernements et les médias si elles estiment
qu'une action préventive s'impose d'urgence. Leur action est
complétée par les moyens de surveillance et
d'établissement de rapports dont disposent des organisations
internationales et nationales de défense des droits de l'homme telles
qu'Amnesty International, Human Rights Watch et la Fédération
internationale des ligues des droits de l'homme.
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Centrafrique, Libye)
plusieurs sources, et prévenir ainsi des conflits
violents susceptibles de provoquer des violations massives des droits de
l'homme, voire des génocides184.
La mise en place de ce service requiert une participation
active des intervenants régionaux, qui ont une connaissance approfondie
de la situation locale. Les conflits en gestation partagent certes un certain
nombre de caractéristiques communes, mais chacun d'entre eux
possède aussi, sous une forme ou une autre, des traits qui lui sont
propres. Les intervenants régionaux sont souvent mieux placés
pour comprendre la dynamique locale, encore que cela n'aille pas sans
inconvénients, d'autant plus qu'ils ne sont souvent pas
indifférents à l'issue d'un conflit meurtrier. La Commission
recommande de mettre davantage de ressources au service des initiatives
régionales et sous-régionales de prévention des conflits,
ainsi que pour favoriser la réaction de capacités propres
à améliorer l'efficacité des organisations
régionales et sous-régionales dans les domaines du maintien de la
paix, de l'imposition de la paix et de l'intervention185.
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