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La mise en œuvre de la responsabilité de protéger en Afrique. étude de quelques cas récents (Mali, Centrafrique, Libye).


par Bansopa Linda DARATE
Université d'Abomey-Calavi, Bénin - Master II Droit International et Organisations Internationales  2017
  

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Paragraphe 2 : L'existence de moyens de prévention au plan régional africain

L'Afrique, à l'instar d'autres régions du monde dispose également de moyens de prévention des conflits aussi bien dans le cadre de l'Union africaine (A), qu'au sein de certaines organisations sous-régionales (B).

A- Dans le cadre de l'Union africaine

Il ne fait aucun doute qu'au cours du demi-siècle écoulé, le continent a accompli des progrès significatifs en matière de paix et de sécurité. Sur le plan institutionnel, l'OUA et l'UA ont mis en place des structures qui ont permis de renforcer la capacité du continent à prévenir les crises et les conflits et à les gérer ou les régler lorsqu'ils surviennent. Notablement, les initiatives prises au niveau de l'OUA ont abouti à l'adoption, en juin 1993, de la Déclaration du Caire portant création du Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits. Subséquemment, ce Mécanisme a, dans le cadre de la transition de l'OUA à l'UA, donné naissance au Protocole relatif à la création du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), qui a été adopté à Durban, en juillet 2002, et entré en vigueur en décembre

2003. Des étapes importantes ont été franchies
dans l'opérationnalisationde l'Architecture continentale de paix et de

sécurité163 (APSA) prévue par le Protocole, ainsi qu'en témoignent la mise en place du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), du Groupe des Sages et, tout récemment, du réseau « PanWise 164», constitué du Groupe des structures similaires au niveau régional et d'autres acteurs actifs dans la prévention des conflits et la médiation. Afin de s'acquitter de sa mission, l'APSA, à travers le CPS, peut mettre en oeuvre aussi bien

163 L'Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) est le dispositif de maintien de la paix et de la sécurité en Afrique, mis en place sous l'égide de l'Union africaine. Le principal pilier institutionnel de l'APSA est le Conseil de paix et de sécurité, qui est appuyé dans l'accomplissement de sa mission par trois autres piliers, en l'occurrence, le Groupe des sages, le Système continental d'alerte rapide (SCAR), la Force africaine en attente (FAA) et le Fonds spécial pour la paix (FSP). Ses objectifs sont, entre autres, la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité, l'anticipation et la prévention des conflits sur le continent, le rétablissement et la consolidation de la paix, la reconstruction post-conflit, ainsi que la promotion de la démocratie, de la bonne gouvernance, de l'Etat de droit et des droits fondamentaux de la personne humaine. Pour une vue d'ensemble sur l'APSA, voir Matthieu FAU-NOUGARET et Luc Marius IBRIGA (dir.), L?Architecturede paix et de sécurité en Afrique. Bilan et perspectives, Paris, L'Harmattan, 312 p.

164Pan-African Network of the Wise (Réseau panafricain des sages), créé en 2013 est un réseau de coordination des acteurs non gouvernementaux dans le domaine de la médiation. Il a pour but de promouvoir une approche plus concertée et plus inclusive de la diplomatie préventive, de la médiation et de la résolution des conflits dans le contexte de l'architecture africaine de la paix et de sécurité.

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des procédures de règlement pacifique des conflits que des mesures militaires de règlement des conflits. Les procédures de règlement pacifique, qui nous intéressent ici, comprennent, notamment, l'alerte rapide et la diplomatie préventive, les bons-offices, la médiation, la conciliation et l'enquête, qui sont expressément visés par l'article 6, alinéa 1, b) et c) du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité. A cet effet, le CPS dispose de larges pouvoirs et peut, en vertu de l'article 8, § 5, mettre en place des comités ad hoc de médiation, de conciliation et d'enquête. Toutefois, aussi bien l'Acte constitutif de l'Union africaine que le Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité autorise divers organes à initier des activités de médiation. Ainsi, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, en tant qu'organe suprême de l'Union, peut donner mandat à un ou plusieurs de ses membres pour engager des missions de médiation dans un conflit donné. Le Président en exercice de la Conférence peut également, de son propre chef, ou sur mandat de celle-ci, entreprendre des activités de médiation. De même, le Président de la Commission de l'Union africaine, en tant que premier fonctionnaire de l'Union, peut, de son propre chef ou sur mandat de la Conférence ou du CPS, entreprendre, de lui-même ou à travers ses Envoyés ou Représentants spéciaux, des activités de médiation165. Ainsi, la médiation occupe une bonne place dans la nouvelle Architecture africaine de paix et de sécurité. Grâce au dialogue qu'elle engendre, la médiation permet d'analyser les causes profondes des conflits, d'appréhender leurs dimensions multiformes et de prendre en considération les préoccupations et attentes de toutes les parties. De ce fait, elle peut se révéler particulièrement utile avant l'éclatement d'un conflit, après la naissance de celui-ci et même après son apaisement lorsqu'il s'agira de reconstruire la paix166. A la suite de l'OUA, l'Union africaine a développé et systématisé la pratique des médiations comme moyen de règlement pacifique des conflits interétatiques ou

165 Il ressort de l'article 10, § 2, c) du Protocole relatif au Conseil de paix et de sécurité que le Président de la Commission « peut, de sa propre initiative ou à la demande du CPS, user de ses bons-offices, soit personnellement, soit par l'intermédiaire d'Envoyés spéciaux, de Représentants spéciaux, du Groupe des sages ou des Mécanismes régionaux, pour prévenir les conflits potentiels, régler les conflits en cours et promouvoir les initiatives et efforts de consolidation de la paix et de reconstruction post-conflits ».

166 Avant l'éclatement du conflit, la médiation peut apparaître comme un outil de prévention, dans la mesure où elle permet de traiter de façon précoce les facteurs « confligènes » et d'éviter l'escalade de la violence, en donnant l'occasion aux belligérants de trouver un terrain d'entente aux problèmes qui les opposent. Après la naissance du conflit, la médiation peut apparaître comme un instrument efficace d'apaisement ou de règlement de celui-ci, permettant de parvenir à un arrêt des hostilités et des violences, officialisé par un accord de cessez-le-feu. Voir VETTOVAGLIA Jean-Pierre, « Introduction » à l'ouvrage sur Médiation et Facilitation dans l'espace francophone : théorie et pratique, op. cit., pp. 2, 3.

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intra-étatiques, avec des succès variables. Depuis sa mise en place en 2002, elle a entrepris directement des actions de médiations dans plusieurs crises internes et apporté son soutien à des médiations initiées par les Communautés économiques régionales(CER). Parmi les médiations importantes qu'elle a initiées, on peut mentionner tout particulièrement : la médiation de l'ancien Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, dans la crise postélectorale de 2008 au Kenya167, celle du Panel de haut niveau dans la crise postélectorale en Côte d'Ivoire en 2011168, la médiation du Panel de haut niveau dans la crise libyenne de 2011169.

Si ces actions sont une source de légitime fierté, elles ne cachent pas moins les graves défis qu'il reste à relever dans le domaine de la paix et de la sécurité. De fait, l'Afrique reste confrontée à la persistance de conflits, de l'insécurité et de l'instabilité dans différentes régions du continent, avec les conséquences humanitaires et socio-économiques qui en découlent. De nouvelles crises comme celles du Mali et de la République centrafricaine (RCA), ont éclaté, cependant que d'autres, telles que le conflit du Sahara occidental, le différend entre l'Ethiopie et l'Erythrée et celui entre ce dernier pays et Djibouti, ont jusqu'ici tenu en échec toutes les tentatives de recherche d'une solution. Par ailleurs, les progrès accomplis en termes de règlement des conflits demeurent particulièrement fragiles, susceptibles qu'ils sont d'être à tout moment

167 Suite à la crise postélectorale qui avait frappé le Kenya après la contestation des résultats du scrutin présidentiel du 27 décembre 2007, l'ancien Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, avait, sous mandat de l'Union africaine, conduit une médiation réussie entre les protagonistes, le Président Mwai Kibaki et l'opposant Raila Odinga à travers la signature d'un accord politique de partage de pouvoir entre les deux protagonistes. Cet accord de paix a également permis le retour à la paix et des réformes constitutionnelles au Kenya.

168 A la suite de la crise postélectorale déclenchée par la proclamation des résultats du second tour de l'élection présidentielle du 20 novembre 2010 en Côte d'Ivoire, et face à l'incapacité de la CEDEAO d'y trouver une issue pacifique, l'Union africaine a successivement désigné le Président sud-africain Thabo M'Beki, le Premier Ministre Kényan Raila Odinga et le Président de la Commission Jean Ping, pour assurer la médiation entre les parties ivoiriennes. Devant l'échec de ces médiations, elle a mis en place un Panel de haut niveau composé de cinq Chefs d'Etat (le Président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, le Président tchadien Idriss Deby Itno, le Président tanzanien Jakaya Kikwete, le Président sud-africain Jacob Zuma et le Président burkinabè Blaise Compaoré), du Président de la Commission de l'Union, Jean Ping, et du Président de la Commission de la CEDEAO James Victor Gbeho. Voir Communiqué du CPS n° PSC/AHG/COMM(CCLIX) du 28 janvier 2011.

169 Face à la crise libyenne déclenchée en février 2011, à la suite de la répression sanglante par le régime de Mouammar El Kaddhafi des mouvements de contestation, l'Union africaine a mis en place un panel de haut niveau composé de cinq Chefs d'Etat (Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie, Amani Toumani Touré du Mali, Jacob Zuma d'Afrique du Sud, Yoweri Museveni d'Ouganda et Denis Sassou N'Guesso du Congo) pour engager une médiation entre le gouvernement libyen et les représentants du Conseil national de la Transition. Ce Comité de haut niveau a proposé, à l'issue de sa première rencontre tenue le 19 février 2011 à Nouakchott, une feuille de route en cinq points incluant : un cessez-le-feu immédiat ; la protection des civils ; l'aide humanitaire ; le déploiement d'un mécanisme international de surveillance et un dialogue politique inclusif pour répondre aux aspirations du peuple libyen. Cependant, cette feuille de route, acceptée par le colonel Kaddhafi, a été rejetée par le CNT. Voir Communiqué du CPS n° PSC/PR/COMM.2(CCLXV) du 10 mars 2011.

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remis en cause, que ce soit au Mali, dans les Grands Lacs, en Somalie, au Darfour, ou dans les relations entre le Soudan et le Soudan du Sud. Ces situations requièrent une attention de tous les instants et un engagement continu.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand