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La mise en œuvre de la responsabilité de protéger en Afrique. étude de quelques cas récents (Mali, Centrafrique, Libye).


par Bansopa Linda DARATE
Université d'Abomey-Calavi, Bénin - Master II Droit International et Organisations Internationales  2017
  

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Section 2 : La conséquence : une situation intenable

Les actions d'intégration sont souvent accueillies défavorablement en raison de la confusion des genres qu'elles suscitent dans l'esprit des populations. Pour accéder aux victimes et revendiquer une certaine liberté d'expression, il est indispensable de n'apparaître ni partie prenante dans le conflit, ni dépendant de la politique d'une puissance étrangère, l'amalgame est courant : les ONG sont perçues par les populations afghanes, ivoiriennes ou irakiennes comme « occidentales » et assimilées aux forces d'occupation. En Somalie déjà, l'intervention militaire américaine avait permis l'acheminement des convois d'assistance, mais n'avait guère contribué à améliorer la sécurité des personnels des ONG humanitaires, vite assimilés aux forces américaines. C'est pourquoi en août 2004, Médecin Sans Frontière quitte l'Afghanistan après vingt-quatre ans de présence ininterrompue ; elle dénonce le risque que les forces alliées font courir aux équipes humanitaires et condamne l'implication de militaires dans les actions humanitaires et de reconstruction ; elle réaffirme qu'en période post-conflit, les actions humanitaires doivent relever de la

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seule compétence des ONG. De ces faits, l'on déduit aisément qu'il existe des tensions entre militaires et humanitaires (Paragraphe 1). Cette difficile cohabitation tend à dénaturer l'humanitaire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les tensions entre militaires et humanitaires

L'interaction entre les militaires et les agences humanitaires (A) est régie par des directives civilo-militaires, mais dans les faits, les tensions entre les deux parties sont nombreuses. L'existence de telles tensions, met souvent en péril la protection des civils (B).

A- L'interaction entre agences humanitaires et forces militaires

L'illustration la plus récente du mélange des genres est sans doute le conflit sanglant commencé en février 2011 à Benghazi, puis étendu à l'ensemble de la Libye. Il s'agit dans un premier temps d'un conflit armé non international, devenu conflit armé international126 après les deux résolutions du Conseil desécurité : le 27 février 2011, la résolution 1970 impose un embargo sur les armes, gèle les avoirs à l'étranger des dirigeants libyens, leur impose une interdiction de voyage, saisit le procureur de la Cour pénale internationale et le 17 mars 2011, la résolution 1973 autorise « toutes les mesures nécessaires » pour mettre en place une zone d'exclusion aérienne destinée à protéger les populations civiles contre les attaques et faciliter la délivrance d'une aide internationale ; l'OTAN prend le contrôle de l'action militaire internationale.

Dans l'interaction entre les agences humanitaires et les forces militaires, les tensions sont quotidiennes. D'une part, les humanitaires refusent que les militaires interviennent dans la gestion de l'aide, alors que ces derniers font remarquer qu'en cas de conflit, le droit international humanitaire leur donne la responsabilité morale et légale de protéger les civils et de faciliter la distribution de l'aide. D'autre part, les militaires ne comprennent pas la contribution des humanitaires en situation de crise, alors que les agences et les O.N.G. sont parfaitement expérimentées pour évaluer les besoins, assurer des soins, acheminer et distribuer l'aide alimentaire et autre.

126 «Un conflit armé existe chaque fois qu'il y a un recours à la force armée entre Etats [CAI] ou un conflit armé prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels groupes au sein d'un Etat [CANI]». T.P.I.Y., arrêt Tadic, 1995, §70.

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En effet, les opérations menées en Libye poursuivent deux objectifs officiels : d'abord protéger la population civile ; c'est l'application du principe de la responsabilité de protéger. Les agences humanitaires sont sceptiques sur l'opération de l'OTAN pour trois raisons : la nature asymétrique du conflit qui est en fait une guerre civile plus qu'un conflit international ; la méthode des frappes aériennes, qui provoquent des dommages collatéraux importants127; le défaut d'orientation stratégique claire de la part de l'OTAN et l'absence d'une solution politique. Ensuite, faciliter l'aide : les agences ne souhaitent pas un soutien des militaires. Elles s'appuient sur les « directives des Nations unies pour l'utilisation des ressources et de la protection civile dans le cadre d'opérations d'aide humanitaire et de situations d'urgence complexes »128; or l'idée essentielle développée dans ces directives est celle du « dernier ressort129» : les ressources militaires peuvent être utilisées pour l'aide humanitaire uniquement lorsqu'aucune ressource civile équivalente n'est disponible, lorsque toutes les options alternatives ont été explorées, lorsque ces ressources sont utilisées à des fins précises et pendant une période limitée. L'adoption de ces directives est une conséquence de la confusion humanitaire - militaire en Irak et en Afghanistan et des effets dommageables de cette confusion pour les populations civiles et les humanitaires. Pour les populations civiles : soit elles refusent les soins et les vivres des humanitaires, car elles sont attaquées à titre de représailles si elles les acceptent ; soit elles les détournent au profit des belligérants (et donc n'en profitent pas). Pour les humanitaires : soit ils sont confondus avec les militaires ; soit ils ne sont pas considérés comme neutres et impartiaux ; dans tous les cas, ils sont attaqués par les belligérants.

Il existe également des tensions quant au rôle des militaires internationaux dans la « facilitation » de l'aide humanitaire. Alors que l'OTAN a insisté sur le fait qu'elle ne jouerait pas le « rôle de leader » dans la fourniture de l'aide, l'Union européenne (UE) a planifié le déploiement d'une force militaire (EUROFOR Libye) pour soutenir les efforts humanitaires, y compris en sécurisant les ports et les corridors

127 Comme c'était le cas au Kosovo, en Afghanistan et en Irak.

128 Directives MCDA-mars 2003, Révision I- 2006

129 Il ne doit être fait appel aux ressources militaires que lorsqu'il n'existe aucune ressource civile comparable et que seule l'utilisation des ressources militaires permettra de répondre à un besoin humanitaire impératif. Les ressources militaires auxquelles il a été fait appel doivent en conséquence être les seules disponibles et les seules capables de répondre aux besoins de la situation.

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humanitaires130. Certains acteurs humanitaires ont refusé que les militaires aient un rôle à jouer dans la réponse humanitaire. Une telle position s'avère cependant inappropriée, faute de prendre en compte le fait que les militaires, particulièrement lorsqu'ils sont partie prenante à un conflit, ont la responsabilité morale et légale de protéger les civils et de faciliter leur accès à l'aide131. En Libye, les deux principaux objectifs du Conseil de sécurité sont la protection des civils et la facilitation de l'aide humanitaire. Ils nécessitent donc pour être atteints des efforts coordonnés par les militaires et les humanitaires, que cela se fasse dans le cadre d'une véritable coopération ou d'une simple coexistence.

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