B- La portée des opérations
La répartition des tâches entre institutions
militaires et civiles relève souvent d'un principe flexible et ad
hoc qui fait que l'armée se charge des activités pour
lesquelles les organisations civiles ne sont pas du tout compétentes ou
qu'elles ne pourraient accomplir à court terme. Les tâches civiles
sont conduites provisoirement par les forces militaires et transmises aux
organisations civiles dès que possible. Les activités conduites
par les civils et les militaires se chevauchent inévitablement, mais
l'action de l'armée doit clairement compléter, et non pas
concurrencer, celle des acteurs humanitaires.
111 Livre blanc chargé de définir une
stratégie globale de défense et de sécurité pour la
France de 2009 à 2020.
112 Dès 1996, l'armée américaine a
adopté la théorie des trois blocs : les Marines doivent
être à même de développer, dans un contexte et en
même temps, trois types de missions : maintien de la paix, guerre totale
et opérations humanitaires. (Voir Biquet (J.-M.),
Militaires-humanitaires : une relation difficile, Morale Laïque,
n° 139, avril 2003.)
113 Parmi les missions (dites de « tâches de
Petersburg ») attribuées par le traité d'Amsterdam à
l'armée européenne, se trouve en bonne place l'assistance
humanitaire.
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
Il n'est pas toujours aisé de faire cohabiter, et
surtout coopérer, acteurs militaires et acteurs humanitaires bien qu'ils
soient de facto engagés dans une démarche globale ayant
la même finalité ultime, la paix et la normalité. Si la
coopération entre ces deux acteurs est relativement facilitée
lorsqu'ils relèvent tous deux d'autorités étatiques ou
internationales, il n'en va pas de même quand il s'agit, pour la
composante humanitaire, d'ONG soucieuses par principe d'échapper soit
à la tutelle des forces d'intervention soit à l'assimilation de
leur action spécifique à celle de ces forces. Avant d'examiner
plus loin, cette problématique de la relation entre forces armées
et organisations humanitaires non gouvernementales, il paraît
nécessaire de préciser quel est le positionnement
général, doctrinal et pratique, des forces armées
vis-à-vis de l'action humanitaire.
En premier lieu, il convient de rappeler que, par destination,
les forces armées sont organisées et équipées pour
agir dans les contextes les plus difficiles et exigeants, ce qui bien sûr
leur confère une certaine aptitude matérielle à intervenir
dans le champ de l'humanitaire de « crise ». Riches en
systèmes de communication et d'information, en moyens de mobilité
tous terrains, en capacités logistiques leur garantissant une grande
autonomie, les forces armées sont un outil régalien que les
autorités politiques sont toujours enclines à utiliser pour faire
face à des situations de catastrophe ou d'urgence humanitaire.
Différente est l'action à vocation humanitaire qui peut
être conduite par les forces armées dans le cadre d'une
intervention militaire, en général internationale, dans une zone
de crise globale plus ou moins aiguë. Il s'agit alors, pour les forces,
d'une action « annexe », qui a pour objet premier de concourir
à la satisfaction d'un mandat général de
préservation, de rétablissement ou d'imposition de la paix dans
une zone de conflits114.
Pour les militaires, dans ce cadre d'action additionnelle aux
actions qui relèvent de la sécurité (qui est leur mission
première et toujours principale), l'engagement « humanitaire »
répond à des principes de base clairement définis. Ainsi
les actions humanitaires ne doivent pas constituer un « frein »
à l'action militaire proprement dite et l'engagement de moyens à
cet effet est toujours secondaire par rapport à
114 A cette fin et pour concevoir et organiser cette action,
les états-majors opérationnels disposent en Europe notamment d'un
bureau spécifique, celui de l'Action civilo-militaire (ACM), qui a pour
mission de traiter de toutes les relations entre forces et environnement civil,
dont la composante humanitaire n'est, il faut le souligner, qu'un des
éléments.
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l'engagement des moyens nécessaires pour les
tâches de sécurité. De ce fait, la disponibilité des
forces armées à prendre en charge des actions humanitaires est
éminemment variable selon les théâtres d'opération,
selon le moment ou la phase de gestion de la crise et selon le niveau de forces
engagées. L'engagement « humanitaire » dépend donc
beaucoup du contexte sécuritaire en lui-même, mais aussi de «
l'intérêt » qu'il peut représenter pour les forces
dans le cadre de l'atteinte de leurs objectifs. Il peut en effet concourir, par
la nature du contact qu'il permet avec les populations, à obtenir des
informations fort utiles, ou encore à éviter que les militaires
ne soient perçues comme une armée d'occupation, si leur
présence se prolonge. Il peut aussi contribuer à renforcer le
moral du soldat, par les actions gratifiantes qu'il induit moralement et
psychologiquement, et aussi, plus largement, renforcer la
légitimité de l'intervention militaire, en particulier si
celle-ci n'est pas indiscutablement établie (que ce soit aux yeux des
autochtones ou de l'opinion publique). On voit donc bien que si les
considérations éthiques ne sont certes pas absentes dans
l'engagement des soldats dans les actions humanitaires, celles-ci sont, d'un
point de vue plus global, un moyen de contribuer à la réalisation
de l'objectif sécuritaire et non une fin en soi. De ce fait, elles se
distinguent nettement dans leurs fondements de l'action conduite par les ONG
humanitaires.
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