Paragraphe 2 : Le respect des critères face à
la récurrence du recours à l'option militaire
Bombardements de grande ampleur en Libye (A), reconquête
au sol au Mali (B), sécurisation de certaines zones en République
centrafricaine, bref le recours répété à l'outil
militaire en si peu de temps a de quoi interpeller. Certes, les modes
d'interventions mobilisés ou envisagés ont été
différents et évalués au cas par cas. La force a
néanmoins été présentée chaque fois comme la
solution. Les moyens engagés se composent le plus souvent des moyens
interarmés, mais sont de nature différente. Tous les engagements
récents ont pour point commun une supériorité des
Occidentaux, que ce soit la supériorité aérienne, la
supériorité de feu, ou encore la supériorité
technologique. Dès lors, face à l'arsenal de guerre souvent
mobilisé notamment par les forces occidentales, est-il toujours possible
de concilier les objectifs militaires et le respect des critères
d'intervention (tels que la bonne intention, le dernier recours, la
proportionnalité des moyens et des perspectives raisonnables)?
A- Les bombardements de grande ampleur en Libye
La réponse de la Communauté internationale au
conflit en Libye repose sur deux résolutions du Conseil de
sécurité des Nations unies ouvrant la voie à de nombreuses
mesures politiques, légales, humanitaires et militaires. La
résolution 1970,
94Rapport CIISE, op. cit., p. 42.
Réalisé et présenté par Bansopa Linda
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La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
adoptée le 27 février 2011, a imposé un
embargo sur les armes, gelé les avoirs à l'étranger des
leaders libyens, imposé une interdiction de voyage aux principales
figures politiques du pays, et saisi de la situation le procureur de la Cour
pénale internationale. La résolution 1973, adoptée le 17
mars 2011, a autorisé « toutes les mesures nécessaires
» pour mettre en place une zone d'exclusion aérienne
destinée à protéger les civils des attaques imminentes et
faciliter la délivrance de l'aide humanitaire. Le 19 mars 2011, une
coalition initiale conduite par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France
a été formée afin d'appliquer la résolution 1973.
Le 30 mars 2011, l'OTAN prit le contrôle de l'action militaire
internationale95 en Libye dans le cadre de l'opération
« Unified Protector », afin d'assurer l'embargo sur les
armes, la zone d'exclusion aérienne et la protection des civils des
attaques ou des menaces d'attaque.
Depuis le début des opérations, jusqu'au 28 mai
2011, les forces aériennes de l'OTAN ont opéré 8729
sorties, dont 3327 sorties de frappe96. Les frappes aériennes
de l'OTAN sur les cibles militaires établies à Tripoli et dans
d'autres villes du pays ont inévitablement donné lieu à
des inquiétudes sur les éventuels « dommages
collatéraux ». L'expérience de l'ONU lors de son
intervention « humanitaire » au Kosovo dans les années 1990
est un rappel salutaire que la force aérienne n'est pas, à elle
seule, un moyen efficace pour mettre un terme à la violence contre la
population civile, et qu'elle peut même devenir contre-productive
à court terme. De plus, l'action militaire en Libye est perçue
comme ayant pris le pas sur les efforts qui auraient pu permettre d'arriver
à une résolution politique. Et, au-delà du désir
évident de voir l'élimination du régime de Kadhafi, il
reste que l'orientation stratégique de la mission demeure floue. Bien
que les informations fournies par l'OTAN ne mentionnent pas de frappes
aériennes ayant causé des dommages civils, de nombreux articles
de presse et des rapports font référence à de tels
incidents. Lors de son rapport sur la Libye, HumanRights Watch a annoncé
la mort de 72 civils qui ont péri pendant les raids
95 Au 31 mai 2011, la coalition est
constituée de plusieurs Etats dont : Belgique, Bulgarie, Canada,
Danemark, France, Grèce, Italie, Jordanie, Pays-Bas, Norvège,
Qatar, Roumanie, Espagne, Suède, Turquie, Emirats arabes unis,
Grande-Bretagne, États-Unis.
961er rapport de la Commission d'enquête internationale
chargée d'examiner les allégations de violation du droit
international humanitaire et des droits de l'homme, Conseil des droits de
l'homme (ONU), juin 2011.
Réalisé et présenté par
Bansopa Linda DARATE Page 30
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en Afrique : Etude de quelques cas récents (Mali,
Centrafrique, Libye)
militaires de l'OTAN97. Pour Fred
Abrahams98, Seules les attaques sur des cibles militaires sont
permises par le droit international et dans certains cas, de graves questions
restent posées sur la nature réelle des cibles que l'OTAN
visait.Le nombre des civils tués dans les raids aériens de l'OTAN
en Libye est resté bas compte tenu de l'ampleur des bombardements et de
la longueur de la campagne, a souligné HumanRights Watch.
Néanmoins, l'absence d'une cible militaire clairement définie
dans sept des huit sites visités par Human Rights Watch suscite
l'inquiétude quant à la possibilité que les lois de la
guerre aient été violées99. Les interventions
causent généralement des « dommages collatéraux
», non négligeables. Alors qu'on fait valoir l'importance d'apaiser
les populations et de vaincre le terrorisme, les suites de ces interventions
rappellent qu'il reste très improbable d'imposer la démocratie ou
une révolution populaire, et encore moins en bombardant une population.
Déstabiliser une région a des conséquences humaines
à long terme. Les conséquences sociales et économiques
d'un conflit ne sont pas non plus à négliger dans ce calcul.
L'agriculture, les infrastructures, le commerce local ne se rebâtissent
pas du jour au lendemain et cela vulnérabilise les populations pendant
plusieurs années après un conflit.
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