I.2.3. La participation : un élément
clé dans les processus de décentralisation et
de développement local
De forme plurielle et inscrite dans des contextes
administratifs différenciés, la décentralisation
désigne l'échelon « local » comme lieu probable d'une
participation élargie des populations, d'une mobilisation d'acteurs
multiples et d'un renforcement des actions collectives, susceptibles de
flexibilité, d'adaptation, de changement. Et la plupart des praticiens
de la participation reconnaissent que la plus grande partie du succès de
la démarche participative repose sur des facteurs sociaux, politiques et
culturels. Dans les discours sur la gouvernance et le développement, la
participation reste un mécanisme fondamental de renforcement de la
capacité locale à des fins de réduction de la
pauvreté et de développement rural (Kakumba, 2010).
Cependant, le concept de participation, quoique
déjà ancien, continue d'inspirer de nombreux textes de lois ainsi
qu'une abondante littérature scientifique, particulièrement, dans
le domaine des sciences politiques, de la sociologie, etc. Nous souscrivons
à l'idée exprimée par plusieurs auteurs qui estiment
impossible une définition de la participation. Oakley et Marsden.,
(1986) disent que même avec une définition valable, il est
difficile d'identifier la participation comme une réalité sociale
actuelle. Pour Rahman: «Eu égard à sa nature complexe,
la participation peut être explorée mais pas contenue dans une
définition formelle.» (Rahman cité par Oakley et
Marsden, 1986). Ainsi, nous pouvons être d'accord avec certains auteurs
qui pensent que la participation a toujours été un concept
abordé et traité dans les projets de développement depuis
des décennies. Cependant, sa définition et son contenu ont
changé à travers le temps. Il faut alors relever que la
participation et l'engagement de tous les citoyens au processus du
développement local peuvent être définis comme le processus
par lequel les citoyens concernés s'impliquent et influencent les
options
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des orientations de développement, la définition
des priorités, la planification des actions à entreprendre,
l'allocation des ressources et la répartition équitable des biens
et services.
Il est aussi pertinent de souligner que les démarches
participatives sont apparues dès les années 1970 grâce aux
travaux de Paolo Freire et de Kolb (cités par Blanchet, 2001), qui font
prendre conscience de l'importance du savoir et des expériences des
populations locales. Des méthodes sont alors mises au point,
composées d'outils de recherche qualitative ou d'enseignement qui
s'adaptent à la culture de la population (Blanchet, 2001). Le postulat
de base qui sous-tend l'approche participative est qu'une plus grande
implication des populations à la définition des problèmes
locaux, à l'identification des solutions et à leur mise en
oeuvre, contribue à donner plus d'efficacité et de
durabilité aux programmes qui en résultent (Gueye, SD). La
participation des populations suppose leur implication dans la prise de
décision, leur mise en oeuvre et aussi dans l'exécution des
activités de développement (Uphoff cité par Gueye, SD).
Cette idée de participation ressort dans l'article 2 du CGCT qui stipule
que « La décentralisation consacre le droit des
collectivités territoriales à s'administrer librement et à
gérer des affaires propres en vue de promouvoir le développement
à la base et de renforcer la gouvernance locale.» Dans
l'approche participative du développement, ce sont les autorités
locales et les communautés qui sont responsables de la recherche des
ressources, de leur gestion et de la mise en oeuvre des activités de
développement. Son utilisation nécessite l'engagement d'une
équipe compétente qui doit être animée du souci de
travailler ensemble et d'apprendre avec un esprit d'ouverture dans le but
d'améliorer le bien-être des populations (USAID, 2008). C'est ce
principe d'interaction entre les autorités locales et les
communautés que recherche le processus de décentralisation dans
sa mise en oeuvre. Plusieurs auteurs (Le Meur, 1998 ; Kakumba, 2010 ; etc.)
démontrent l'importance de la participation dans le processus de
décentralisation. Le contexte d'émergence de la participation,
bien que antérieure à la mise en oeuvre effective de la
décentralisation dans les pays subsahariens, dénote
déjà du souci d'un développement harmonieux adapté
aux réalités locales et organisé par et pour les
populations.
L'émergence de l'approche participative au Sahel,
à la fin des années 70, découle du constat des limites des
stratégies de développement local adoptées au cours des
deux premières décennies ayant suivi les indépendances des
pays de l'Afrique de l'Ouest francophone (AOF). Ces stratégies
étaient bâties autour de la conception selon laquelle c'est
l'État qui, à partir d'un modèle préconçu,
doit définir les orientations et décider des actions les plus
appropriées de même que la manière dont ces actions
devraient être menées (Gueye, SD).
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La participation est donc comme une stratégie
permettant d'explorer des voies nouvelles ouvrant souvent un choix d'options,
et cela avec ceux qui étaient traditionnellement
considérés comme des objets de développement. Elle se
préoccupe donc de la production de nouvelles connaissances, de nouvelles
orientations, de nouveaux modes d'organisation et repose sur la
création, l'innovation et non plus sur le mimétisme (Oakley et
Marsden, 1986). Et la collectivité décentralisée est vue
comme une entité de développement, renfermant toutes les
potentialités (ressources naturelles et humaines). Le
développement participatif doit être perçu comme un
processus continu de renforcement des pouvoirs des populations locales, prenant
en compte les aspects organisationnels, comportementaux, et les objectifs
à long terme, etc. Chauveau (2006) renchérit cette position en
percevant le développement participatif comme l'aboutissement d'un
processus cumulatif des savoirs et des expériences locaux et dont
l'application permettrait d'atteindre raisonnablement de meilleurs
résultats que ceux enregistrés jusqu'ici. La participation des
populations à tous les niveaux du cycle du projet est une
démarche nécessaire aujourd'hui pour un succès du travail
social de développement (Blanchet, 2001). Elle est
considérée comme l'instrument qui permet d'élargir et de
redistribuer les possibilités, de prendre part au processus
décisionnel, de contribuer au développement et d'en tirer des
bénéfices.
En guise de conclusion de cette revue documentaire, nous
pouvons noter que la plupart des réflexions sont portées sur la
décentralisation, le développement local et la participation
communautaire. Ces études nous ont aidé à mieux cerner les
contours et les pourtours de ces différentes thématiques. Elles
nous ont également permis de comprendre que les populations constituent
les acteurs clés du développement local à travers leur
participation active aux activités de développement et à
la prise des décisions. Et la décentralisation a ainsi pour but
d'impliquer les populations locales dans l'élaboration et la
réalisation d'un développement adapté aux
réalités socio-culturelles, économiques et
environnementales de leur collectivité. Elle favorise également
une autonomisation de la collectivité du point de vue de la gestion des
affaires et de la prise de décisions en matière de
développement ; les élus locaux étant les guides ou du
moins les élites locales avec pour rôle d'accompagner et
d'assister leurs communautés dans le processus de développement
local. Mais avant d'aborder la question de la participation des populations au
processus de développement, décrivons d'abord les
différents problèmes que suscite notre questionnement de
départ.
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