I.2.2. Le développement local : un objectif
à atteindre par la décentralisation
La décentralisation et le développement local
sont deux dynamiques qui interagissent et produisent des synergies possibles.
L'une, avérée, au moins pour ce qui est des réformes
institutionnelles mises en oeuvre, modifie a priori le cadre et la nature de
l'action publique. L'autre, recherchée, place le territoire et les
acteurs locaux au coeur de processus nouveaux de création et de
répartition des richesses. Le postulat de base est qu'une
décentralisation favorise un développement à
l'échelle locale.
Au Burkina Faso, comme ailleurs dans les pays en
développement, l'idée d'un développement « par le bas
», « par et pour les populations » opposée à un
développement « par le haut », du ressort de l'État,
nourrit une conception du développement local ayant partie liée
avec les processus décentralisés émergés dans les
années 1980. Jusque vers la fin des années 1970, les travaux sur
le développement portaient en premier lieu sur les politiques et les
dynamiques structurelles de niveau national. L'État centralisé,
appuyé par l'extérieur, incarnait pour la transition le
volontarisme et l'activisme nécessaires au « décollage
» de toute une nation et à l'industrialisation de
l'économie. Mais les critiques théoriques, politique et sociales
du rôle de l'État dans les années 1980 seront suivies de
revendications à l'échelle locale et des conditionnalités
imposées par les bailleurs de fond. Le concept de développement
local émerge alors et renvoie à des dynamiques endogènes
de développement économique observées sur des territoires
(Pecqueur, 1993)
Mais bien qu'il soit de nature résolument
endogène, le développement local ne s'affranchit pas totalement
du rôle des pouvoirs publics, et surtout des pouvoirs publics locaux
(Piveteau, 2005). La fourniture de services efficaces, la coordination
d'initiatives et de programmes d'appui variés, l'incitation
financière et, plus largement, l'accompagnement et la facilitation des
dynamiques productives localisées relèvent d'une combinaison
judicieuse d'actions publiques et privées. L'environnement
institutionnel et le cadre administratif dans lesquels s'opère cette
combinaison constituent dès lors un enjeu des débats sur les
ressorts de la performance productive locale qui interpelle les politiques de
décentralisation. Cependant, il convient de souligner que le
développement local a subi une formalisation encore plus
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grande et plus précise, et a engendré plusieurs
approches (Tremblay, 1999). Les auteurs dégagent deux approches de
développement local qui englobent les autres courants.
D'une part, il y a d'abord le développement
économique local axé sur la mise sur pied d'initiatives
concertées par des partenaires oeuvrant au niveau du territoire. Dans ce
cas, le développement local est décrit comme une perspective
centrée sur la revitalisation des communautés locales et sur
l'amélioration des conditions de vie des populations selon des
initiatives qui sont mises en oeuvre à la fois par et pour les
populations locales. Ce modèle de développement est
principalement orienté vers l'amélioration des indices
économiques traditionnels tels que la croissance des emplois et des
revenus à partir d'initiatives mises en oeuvre par le secteur
privé (Tremblay, 1999). Dans ce cas, c'est la dimension
économique qui prend de l'importance sur la dimension sociale. Ce
modèle de développement local est donc une réflexion aux
niveaux et aux méthodes d'actions territoriales les plus pertinents.
Dans ce type de développement local, le processus de
décentralisation est vu comme un moyen d'améliorer la pertinence
et la qualité des services et de répondre aux besoins et
possibilités de l'économie locale. Ce modèle de
développement local désigne ainsi un processus consistant
à mobiliser les énergies de tous les acteurs locaux en vue de la
promotion économique, sociale et culturelle de la collectivité
décentralisée (Sebahara, 2000).
D'autre part, une autre perspective de développement
local est celle du développement communautaire. Cette approche est
centrée sur une vision globale et sociale du développement et est
fondée à la fois sur les solidarités et les initiatives
à l'échelle de la communauté locale, de façon
à contrer les effets du développement libéral et des
interventions ou des non-interventions de l'État (Tremblay, 1999). Dans
ce cas-là, c'est le développement social qui influence le
développement économique et la participation est beaucoup plus
communautaire et complète ; c'est-à-dire que ce sont les
populations elles-mêmes qui définissent leurs
préoccupations et identifient localement des solutions pour les
résoudre. Cette vision du développement communautaire est
considérée par certains auteurs comme un processus
organisationnel conduisant vers des objectifs de développement culturel,
social et économique. On comprendra que, dans cette dernière
approche, la notion de développement est globale et inclut autant les
dimensions sociale, culturelle qu'économique ; alors que la
première est beaucoup plus restrictive, mettant l'accent plus sur le
progrès économique. Les résultats liés au
développement communautaire sont donc liés à l'ensemble de
ces dimensions et non pas seulement aux indices économiques. Ce
processus de développement local permet aux populations des
collectivités décentralisées de résoudre
progressivement leurs problèmes
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et de réaliser leurs ambitions dans les domaines
économique, social, culturel et environnemental par la participation
active, individuelle et / ou collective de l'ensemble des citoyens
(Ouédraogo, 2007). Mais il faut noter que le développement de
type local nécessite la participation de tous les acteurs depuis la
conception jusqu'à la réalisation des programmes de
développement.
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