III.2.2. La participation, un concept flou et
ambigu
Dans le cadre du développement, la participation est
intimement liée aux conditions d'un changement structurel plus profond
et donne aux populations le pouvoir de transformer l'environnement selon leurs
idées (Tuambilangana, 1990). Cependant, il convient de relever que la
participation constitue une opération très difficile et
délicate qui n'a pas facilement l'adhésion escomptée de
tous. Et Bernfeld (1983) d'ajouter que « plus l'on progresse dans la
pratique et dans la réflexion, plus la participation apparaît
comme une notion ambiguë et contradictoire ». Aujourd'hui,
l'intérêt de la participation des populations au
développement n'est plus à démontrer. Par contre, les
dispositifs de cette participation méritent d'être examinés
afin de garantir son efficacité dans le processus de
développement du Burkina Faso en général et de
l'arrondissement n°4 de la commune de Bobo-Dioulasso en particulier. La
participation des populations à la vie politique est le plus souvent
analysée exclusivement à partir de leur participation aux
élections et aux discussions avec les dirigeants. Il est vrai qu'au
Burkina Faso le vote demeure le mode principal de participation citoyenne (CGD,
2011), mais à côté de ce mode existent aussi d'autres
mécanismes de participation des
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citoyens à la vie politique. Ces mécanismes
peuvent être classifiés en deux catégories : les
mécanismes de participation formels et informels.
Par ailleurs, une lecture de l'échelle sur les
degrés de participation élaborée par Arnstein en 1969 nous
permet de définir le degré de participation des populations dans
l'arrondissement n°4 de la commune de Bobo-Dioulasso. Dans sa grille
d'analyse, Arnstein nous livre une analyse graduelle de la participation selon
les niveaux d'engagement du citoyen :
- le pouvoir des citoyens où ils sont activement
associés à la décision et ils prennent en charge les
problèmes qui les concernent ;
- la participation symbolique dans laquelle on informe les
citoyens, ou on les consulte pour aboutir à un apaisement ou une
conciliation ;
- et la non-participation qui consiste à la manipulation
et la thérapie des citoyens.
Dans l'arrondissement n°4 de la commune de
Bobo-Dioulasso, il est difficile pour nous de situer la participation des
populations dans la grille de Arnstein, car les différents degrés
s'enchevêtrent et ne sont pas dissociables. Les populations peuvent se
trouver par moment au deuxième degré qui est la «
participation symbolique » parce qu'elles ont l'information.
Elles peuvent également se retrouver au premier degré de
l'échelle grâce aux actions qu'elles initient pour prendre part
à la décision et mener des activités de
développement, surtout les OSC et les associations. Ainsi comme le dit
Olivry (1985), cette grille de Arnstein est très rigide, radicale et
sans alternative avec au bas de l'échelle des stades de participation
considérés comme mauvais ou non souhaitables ; et un stade ultime
en haut de l'échelle qui représente la seule vraie participation.
Aujourd'hui, il est difficile de loger un processus de participation à
un de ces degrés définis par Arnstein. La participation est un
processus gradué et évolutif, et un degré peut
apparaître ou ne pas apparaître plusieurs fois au cours d'un
processus (Olivry, 1985). Il existe donc des interactions entre les
différents degrés de l'échelle.
Examinons aussi le tableau de Olivry (1985) sur les
degrés de participation. Dans ce tableau, les degrés
d'information et de communication semblent être des
éléments clés de la participation, ils se retrouvent
à tous les niveaux. On peut aussi lire dans ce tableau un certain
dynamisme dans le processus de participation : plus la participation porte sur
des niveaux ultimes de décision ou d'action et plus le niveau de
connaissance et les capacités d'expression
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des acteurs augmentent, et plus les phénomènes
de rétroaction sont nombreux (Olivry, 1985). Ainsi, nous pouvons dire
que l'information et la communication rendent le processus de participation
plus actif et plus réussi, car elles permettent de contrôler le
pouvoir et d'infléchir certaines politiques de développement.
Pourtant, dans l'arrondissement n°4 de la commune de Bobo-Dioulasso,
même si l'information et la communication entre les élus locaux et
leurs populations existent, elles paraissent insuffisantes pour un processus de
participation réussi. Il est vrai que certains élus locaux de par
leur niveau d'instruction assurent bien leur rôle en communiquant
régulièrement avec leurs populations, mais il ressort que la
plupart ignorent encore ce pourquoi leurs populations les ont mis devant les
affaires de la communauté. Et par conséquent, cette communication
fait défaut à leur niveau.
Enfin, voyons ce que Meister (1969) nous apprend sur la
participation à travers sa typologie de la participation. Sa
classification se fonde sur l'origine de la formation du groupe
participationniste, son type de recrutement et sa fonction sociale. Le type de
participation selon la classification de Meister qui correspond le mieux au
processus analysé dans l'arrondissement de n°4 de la commune de
Bobo-Dioulasso est la « participation volontaire ». Dans
l'entendement de Meister, ce type de participation est formé par les
participants eux-mêmes, sans une intervention extérieure
quelconque, et le groupe se donne lui-même son organisation. La fonction
sociale de ce type de participation est soit de satisfaire les besoins
nouveaux, ou d'opposer le milieu ou encore de créer de nouveaux
comportements en s'adaptant au changement social ou en luttant contre celui-ci.
Dans l'arrondissement n°4 de la commune de Bobo-Dioulasso, la
participation provient le plus souvent d'une demande de la part des mouvements
de base (OSC et associations). Elle est alors généralement de
type volontaire avec pour fonction sociale d'exercer un contrôle sur le
pouvoir des élus locaux et aussi d'inciter les populations à
participer davantage au processus de développement.
Saint Sernin (1973) quant à lui, assimile cette
participation volontaire à la notion du « groupe »
qui se caractérise par un objectif et une conduite qui sont communs
à ses membres. Ainsi, le groupe ou la participation volontaire est une
structure organisée, avec des statuts, une mission et une équipe
dirigeante chargée de réaliser l'objectif mutuel. Saint Sernin va
encore plus loin en identifiant la participation volontaire aux «
groupes d'intérêts » dans lesquels les membres
possèdent une volonté d'action commune, consciente,
organisée et formalisée. Les OSC et associations qui existent
dans l'arrondissement n°4, correspondent à ces groupes
d'intérêts ou cette participation volontaire qui, de par leurs
objectifs recherchés, tentent de contrôler le pouvoir des
élus locaux dans la gestion communale.
Ainsi, comme le dit Tuambilangana (1990), la participation est
une manière pour chaque individu de se lier aux autres, une autre forme
de sociabilité tout autant que des types de groupement. Il s'agit de
liens relatifs d'associations volontaires de deux ou plusieurs individus dans
une activité commune dont ils n'entendent pas uniquement tirer des
bénéfices personnels et immédiats (Gurvitch, 1950). La
participation des populations de l'arrondissement n°4 de la commune de
Bobo-Dioulasso est donc leur engagement direct dans la prise de
décisions et l'application des programmes qui les concernent. Et elles
ne doivent donc pas être considérées comme un moyen de
mobiliser une main d'oeuvre à bon marché ou un mécanisme
de résolution des problèmes partiels au niveau local
(Tuambilangana, 1990). En effet, la participation renvoie à deux notions
: « prendre part » et « avoir part »
(Olivry, 1985). La première notion revêt une connotation plus
active et plus dynamique que la seconde. La participation dans son sens
premier, c'est-à-dire « prendre part », permet à
l'individu de sortir de son inactivité et de se joindre aux autres pour
la recherche du bien-être communautaire et individuel. Longtemps
évoluée dans une participation passive (Blanchet, 2001), les
populations des pays africains vont rentrer dans la dynamique d'une
participation active avec le processus de décentralisation. Elles
deviennent elles-mêmes actrices de leur propre changement social,
culturel, politique, économique, etc.
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