III.2.3. De l'attentisme à l'action des
populations dans le processus de développement
Depuis les indépendances, avec le modèle
ascendant de développement économique et social, les populations
des pays en développement sont longtemps restées dans un
attentisme (inédit) politique, économique et social. Celles-ci
attendaient tout du « développeur ». Les
décisions et actions en matière de développement
émanaient des acteurs, et les bénéficiaires étaient
considérés comme de simples « objets » à
développer, ne pouvant pas prendre part au processus. Le
développement était donc considéré comme un «
ensemble des processus sociaux induits par des opérations
volontaristes de transformation d'un milieu social, entreprises par le biais
d'institutions ou d'acteurs extérieurs à ce milieu mais cherchant
à mobiliser ce milieu, et reposant sur une tentative de greffe de
ressources et/ou de techniques et/ou de savoirs » (Olivier De Sardan,
1995).
Mais au cours des années 80 et 90, chercheurs,
politiques et décideurs se sont rendus compte que ce modèle de
développement ne favorisait pas un véritable changement des
communautés dites en retard selon certains auteurs
(Rostow, 1962). Ainsi, des auteurs du courant dit post-développement
caractérisent ce modèle de développement d' « un
phénomène ou d'une croyance spécifiquement occidental
» (Partant, 1982 ; Rist, 2001) ou encore d' «
occidentalisation du monde » (Latouche, 1989). D'autres encore
considèrent ce développement comme une nouvelle forme de
colonisation ou un mythe (Amouzou, 2010 ; De Rivero, 2003 ; Rodhain et Liena.,
2006). Ce modèle de développement, déterminé par
des rapports de domination et d'exploitation des pays dits
sous-développés (théories de la dépendance),
engendre la destruction de ce que le Pape François (2015) appelle la
« maison commune » c'est-à-dire la terre, à
travers une utilisation irresponsable des ressources naturelles. À ces
critiques s'ajoutent les revendications de nouvelles options de gouvernance
exercées par la société civile, les populations et les
partenaires techniques et financiers (Somda, 2015). Les OSC et les populations
veulent prendre part activement à la transformation économique et
sociale de leur milieu de vie tandis que les partenaires au
développement cherchent la transparence dans la gestion des aides
accordées aux pays pour le développement. Tous ces
événements vont favoriser l'émergence d'un processus de
développement impliquant les populations longtemps
considérées comme des « objets de développement
» : il s'agit du processus de décentralisation apparu au
début des années 1990.
Le processus de décentralisation, il faut le rappeler,
a pour objectifs la promotion du développement local et le renforcement
de la gouvernance à la base. Considérée comme un processus
qui prend en compte aussi bien les autorités locales que les populations
dans le développement, la décentralisation favorise la
participation des populations au processus de changement économique et
social de leur milieu. Avec ce processus de décentralisation
aujourd'hui, nous assistons à ce que Dionne (1996) appelle l'approche
territoriale du développement fondée sur les solidarités
humaines ou encore le développement communautaire. Et les populations
cessent d'être de simples bénéficiaires des interventions
extérieures (ROCARE, 2008). Dans l'arrondissement n°4 de la commune
de Bobo-Dioulasso, les élus locaux et les populations sont donc les
premiers acteurs de développement et initient des actions pour
transformer leur milieu de vie. Ces populations sont en train de sortir de
l'ornière de cet attentisme inédit pour prendre en main leur
développement économique et social. Ainsi, la
décentralisation trouve-t-elle sa pleine légitimité dans
le processus du développement local ; et dès lors, elle est
à l'ordre du jour de toutes les réformes du secteur public dans
le monde en développement. C'est en cela que l'on comprend Poulain
(2004) lorsqu'il affirme qu'« il n'est en effet aucun programme de
réduction de la pauvreté, pièce
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maîtresse des programmes des gouvernements des pays
en développement, qui ne fasse de la décentralisation un passage
obligé ». Et la participation des citoyens est
considérée comme la pierre angulaire pour la réussite d'un
développement local et durable.
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