Médias et opinion publique : la représentation des étudiants de la faculté des sciences humaines de la radio zénith par rapport au rôle qu’elle a joué dans le mouvement pays lock de septembre à décembre 2019par Israël Jeune Université d'Etat d'Haïti - Licence 2022 |
Chapitre II : Cadre contextuel et spatial2.1. Cadre contextuel P 8 2.1.1. Sur le plan politique ..P.8 2.1.2. Sur le plan économique .P.13 2.1.3. Sur le plan s ocial P.17 2.2.Cadre spatial P.22 2.2.1. Présentation de la FASCH .P.22 2.2.2. Presentation de la radio Zenith P.25
VII 5.8.Limites du travail ..P.74 5.9.Perspectives du travail P.74 Chapitre VI : Conclusion générale6.1.Conclusion générale P.76 Bibliographie et webographie ..P.78 Annexe P. I-XXXVII 1 Chapitre I : Introduction générale1.1. Etat de la question Il est un fait certain que nous évoluons aujourd'hui dans un environnement où les médias sont devenus les compagnons de notre vie quotidienne. Ils sont devenus omniprésents et représentent un pouvoir indéniable au point d'être considérés comme étant le 4e pouvoir1. Nous vivons donc dans une société d'information, de mass médias et de communication où il devient même une obligation de devoir être toujours informé pour ne pas être considéré comme inculte car être bien informé est vu dans notre société comme cultivé, bien éduqué, bien que cette connaissance soit dans la plupart des cas superficielle (Bourdier, 2005). Ainsi, nous sommes submergés par des flux permanents d'informations à la radio, à la télévision, à travers l'internet et à travers la une des journaux. Selon l'expression d'Ignacio Ramonet, « L'homme contemporain court le risque de devenir un ignorant bourré d'information »2. Tout compte fait, les médias occupent une part très importante dans les usages et les pratiques des citoyens en matière d'accès à l'information stratégique, de fenêtre ouverte sur le monde. Ils sont un espace privilégié au sein duquel se structurent et s'élaborent nos visions du monde. Selon Nadège Broustau, les médias sont un lieu de transit de nos représentations du monde et que les discours médiatiques et leurs contenus sont autant de traces des mondes sociaux des acteurs qui les produisent, les coconstruisent, les font circuler : journalistes, spécialistes des relations publiques, publics citoyens, etc. (Broustau, 2018). Tout en reflétant le discours d'une 1 L'expression « quatrième pouvoir » a été utilisée pour la première fois par Edmund Burke, homme politique et écrivain britannique pour condamner, en 1790, la Révolution française. En 1840, Balzac lui emprunte la formule, dans un article de La Revue parisienne où il lançait sa célèbre diatribe : « Si la presse n'existait pas, il ne faudrait pas l'inventer... ». En juin 1978, Aleksandr Soljenitsyne, s'adressant à des étudiants de Harvard, lançait cet avertissement aux démocraties occidentales : la presse est devenue la force la plus importante des États-Unis ; elle dépasse, en puissance, les trois autres pouvoirs. Pour aller plus loin, lire le Chapitre III de Les médias : un quatrième pouvoir ?, publie dans la Revue Les medias. https://www.cairn.info/les-medias--9782130631347-page-94.htm?contenu=resume 2 Ramonet, I. (2013), L'explosion du journalisme: des médias de masse à la masse de médias, Paris, Gallimard, coll. Folio actuel. 163 pages. 3 Mercier, A. (2002, 23 janvier), Pouvoir des journalistes, pouvoir des médias ?, communication, Forum du Centre des sciences sociales de la Défense. 2 société sur des objets donnés à un moment donné, les médias lui donnent un cadre de compréhension. Tout événement est ainsi filtré et donne lieu à l'expression de représentations. Aussi, les médias contribuent largement à fixer les modes de pensée, à déterminer en grande partie les idées, les habitudes et les coutumes. Ils sont devenus en quelque sorte les « juges de la vérité », ils décident et dictent la mode, la consommation, les modes de vie. Ils établissent ce qui est juste et ce qui est mal, et décident quels sont les événements importants et significatifs dans le monde (Gallot, 2015). Dès lors, on ne peut que s'interroger sur le pouvoir des médias surtout quand la stricte étymologie du média-médiateur (celui qui est au milieu, qui assure le contact) est dépassée au profit d'un média-acteur (qui joue un rôle propre et autonome influant sur ce qu'il est censé simplement relayer). La question du pouvoir des médias a en effet donné lieu à une vaste littérature et à de nombreuses polémiques qui sont loin d'être closes. Les études de cas et les approches théoriques s'affrontent sans que l'on puisse fixer une interprétation univoque. Pour les chercheurs, les effets sont jugés directs ou indirects, à court ou moyen termes, ponctuels ou durables, immédiats ou cumulatifs, puissants, limités ou nuls. Certains insistent sur les effets de renforcement des opinions ou du pouvoir en place, alors que d'autres mettent en valeur les effets de changement ou d'évolution que les médias induisent3. L'influence des médias sur la vie de tous les jours est devenue un thème incontournable. Souvent et individuellement, on croit que nos choix sont le résultat de notre exercice de liberté de pensée et que le sentiment qui les domine est commun à tous ; pourtant, ce qui est vrai est qu'individuellement, on n'a pas conscience que les véritables raisons nous poussant à choisir sont la plupart du temps dictées par plusieurs forces en présence (les Etats, les politiques, les mouvements associatifs) dont le relais sont les médias. Selon Francis Balle : « les médias agissent à la manière d'une drogue anesthésiante ou stimulante. Ils sont capables de faire n'importe quoi, à n'importe qui, n'importe comment et n'importe quand » (Balle, 2005). En Haïti, comme ailleurs, les médias sont devenus l'espace privilégié des acteurs politiques et sociaux, des groupes de pression de la société civile pour débattre, manipuler et dénoncer, régler 3 des comptes, traiter des problèmes du gouvernement et des scandales au niveau des institutions publiques. Il suffit de suivre l'actualité de tous les jours pour s'en rendre compte. 1.2. Problématique de la recherche Depuis des siècles, la presse et les médias participent à la création et au développement d'un espace public, nécessaire à l'épanouissement de la démocratie. Dans la constitution de cet espace public, les médias s'affirment à la fois comme témoins, sources et acteurs de l'histoire. Toutefois, ils amplifient ou minimisent les événements et reflètent plus difficilement les mutations et les mouvements longs, parce qu'ils sont à l'affût de l'actualité plus que des structures et de leurs évolutions (Eveno, 2019). Chez-nous, l'historiographie politique et sociale regorgent des faits où les médias ont joué un rôle de premier plan pour renverser l'ordre des choses. Citons par exemple les mouvements de contestation populaire contre la dictature de Jean-Claude Duvalier à partir des années 1985-1986 et le mouvement de GNB en 2003-2004 contre le président Jean-Bertrand Aristide. Les médias ont même eu un rôle clef dans l'expression et la formation de l'opinion publique et comme acteurs de l'histoire, ils exercent une influence sur l'opinion publique, sur la vie politique, sociale, culturelle, économique. Aussi, les médias jouent un rôle central dans la perception que l'individu se fait de lui-même, du monde et des gens qui l'entourent. Ces conceptions découlent des représentations individuelles de la société, orientées par les interactions sociales, l'univers symbolique et les sources d'information. L'apparition des médias modernes d'information a non seulement conduit à un accès plus large et varié au savoir mais également à une redéfinition des rapports entre individus, indépendamment du contexte spatio-temporel. Cette éclosion médiatique a toutefois engendré certaines contraintes dont un individualisme lié par l'accessibilité à l'information dans un rapport de la machine à l'homme, mais également par une sacralisation des médias comme les sources principales du savoir et comme les grands lieux de débats. Cependant, même si le discours médiatique agit sur la structure sociale et la conception mentale des individus, il y réagit aussi (Breton & Proulx, 1989). Comme nous l'avons dit plus haut, les médias ont toujours joué un rôle important pendant les périodes de conflits ou de crises et parfois s'affirment comme des acteurs à part entière dans la vie politique (Bogui & Agbobli, 2017). En effet, de septembre à décembre 2019, le pays a connu 4 un phénomène nouveau appelé « pays lock4 ». Ce mouvement de contestation collective, initialement apparu en février 2019, s'est exacerbé de septembre à décembre de la même année où il était quasi impossible de circuler à travers les rues des grandes villes du pays ou d'une ville à une autre. C'était la paralysie quasi-totale des activités économiques et sociales dans les centres urbains. Mise à part la rareté du carburant observée durant les premières semaines du mois de septembre et très bien exploitée par l'opposition politique qui attendait la moindre occasion pour se soulever et soulever la population une fois de plus contre l'administration Moïse/Lapin, de nombreux médias ont donné écho à ces nouvelles vagues de contestations populaires. Ainsi, dans cette entrée en scènes, les médias ont joué un rôle clé dans la mise en visibilité de ces contestations populaires selon leur idéologie, leur appartenance politique ou tout simplement leur ligne éditoriale. Certains médias, en donnant une large couverture au mouvement de pays lock, cherchent à influencer ou à fabriquer une opinion publique autour de ce fait soit à l'avantage ou au désavantage du pouvoir en place. Durant toute cette période, la radio Zénith était au-devant de la scène médiatique. Elle jouissait d'une masse écoute en s'installant dans les esprits5 et en alimentant les débats publics. C'était la station ayant le plus marqué l'année 20196. La radio Zénith n'a pas seulement été un média de diffusion mais aussi un acteur incontournable de ces vagues mouvements de contestation populaire. Si certains ont fait éloge de la radio Zénith pour son implication dans ces mobilisations populaires, d'autres personnes proches du pouvoir l'accusent de manipuler l'opinion publique, de faire fi de la déontologie et d'inciter à la violence7. 4 Voir la section du cadre contextuel traitant ce terme. 5 Pendant les moments des troubles politiques du « pays lock », la radio Zénith était restée allumée 24h sur 24 avec des intervenants de temps à autres. 6 Selon un article du média en ligne, Gazette Haïti, Les 12 personnalités et faits qui ont marqué l'actualité en 2019, publié le 31 décembre 2019, la radio Zénith est la station la plus suivie en 2019. https://www.gazettehaiti.com/index.php/node/873 7 Dans un communiqué publié par le ministère de la communication en date du 5 novembre 2019, le gouvernement a accusé la radio Zénith d « 'incitation à la violence et la promotion de la lutte armée dans le pays ». https://hpnhaiti.com/nouvelles/index.php/politique/6391-haiti-presse-le-gouvernement-accuse-radio-zenith-d-incitation-a-la-violence-et-a-la-lutte-armee 5 Certes, il y a eu ces éloges et critiques envers la station de radio de la façon dont elle a rapporté les informations durant le mouvement de pays lock mais nous ne connaissons pas réellement l'opinion de la population de la radio. Comment la population a-t-elle perçu la radio durant cette période ? Quels sont les différents jugements de la population à propos de la couverture de ces évènements ? S'il est de coutume de consulter l'opinion publique sur des questions politiques et autres sujets d'intérêt national mais on ne demande presque jamais ce que pense la population sur le rôle des médias dans certaines mobilisations populaires. C'est en ce sens que nous chercherons à connaitre l'opinion des étudiants de la Faculté des Sciences Humaines sur la radio Zénith par rapport à son rôle dans le mouvement de pays lock. 1.3. Question de recherche La question qui servira de fil conducteur à ce mémoire de recherche est la suivante : « Comment les étudiants de la Faculté des Sciences Humaines ont-ils perçu la radio Zénith par rapport à son rôle dans le mouvement pays lock ? 1.4. Type de recherche La recherche est l'ensemble des méthodes appliquées pour connaître un problème en profondeur et générer de nouvelles connaissances dans le domaine dans lequel elles sont appliquées. En effet, elles sont classées en fonction de leur objectif, du niveau de profondeur avec lequel un phénomène est étudié, du type de données utilisées, etc. Ainsi, distingue-t-on la recherche exploratoire, la recherche descriptive et la recherche explicative. En ce qui nous concerne, nous avons opté pour la recherche exploratoire car les recherches exploratoires sont des recherches réalisées dans les situations où le domaine qui intéresse le chercheur n'a pas été exploré par des recherches antérieures. Andrée Lamoureux explique que dans ces cas « le chercheur ne peut avoir d'hypothèse de départ ; il a alors comme objectif de « déblayer le terrain » pour y voir plus clair. » (Lamoureux, 1992). Plus loin, ce même auteur affirme que « les méthodes exploratoires sont essentiellement des méthodes de recherche qualitatives et elles regroupent la recherche théorique, l'observation naturelle, l'entrevue informelle, l'étude de cas et la recherche historique, ces deux dernières pouvant parfois contenir des éléments de la méthode quantitative.» (Lamoureux, op. cit. p. 164). 6 La présente étude s'inscrit donc immanquablement dans cette perspective car, elle suit un à un la position de Lamoureux sur le choix entre l'hypothèse et l'objectif, et aussi sur le fait d'utiliser des « éléments de la méthode quantitative ». 1.5. Objectif de la recherche D'une manière générale, cette recherche constitue une réflexion concernant la représentation sociale des médias dans le milieu universitaire en Haïti. Particulièrement, elle cherche à connaitre les opinions des étudiants de la Faculté des Sciences Humaines sur le rôle prépondérant de la radio Zénith dans le phénomène de « pays lock ». Parmi les diverses catégories qui ont écouté la radio Zénith durant cette période, il serait intéressant de savoir comment les étudiants ont perçu le rôle de la station. 1.6. Justification du choix du sujet Cette recherche que nous réalisons autour de la représentation des étudiants de la Faculté des Sciences Humaines de la radio Zénith par rapport au rôle qu'elle a joué dans le mouvement pays lock revêt d'une grande importance à nos yeux. Du point de vue personnel, nous aimerions acquérir des connaissances à partir de la recherche scientifique sur l'implication des médias dans les mouvements de contestations populaires en Haïti. Ainsi, en tant que communicateur social, nous pourrons mieux appréhender la réalité des médias particulièrement liée à leur influence sur l'opinion publique. Les médias nous intéressent comme sujet de recherche car avant notre admission à la faculté, nous avons eu la chance de travailler dans une station de radio pendant trois ans et c'est au sein d'un média, Le Nouvelliste, que nous avons effectué notre stage académique. Sur le plan académique, nous avons l'occasion de mettre à profit les connaissances acquises en théorie durant nos 4 ans d'études par le biais d'un travail pratique de recherche sur un sujet qui nous préoccupe. Ce sujet que nous avons choisi aura la portée d'augmenter la documentation dans le domaine de la sociologie des médias en Haïti. Cette étude nous permettra de mieux comprendre les mécanismes de fonctionnement de cette presse qui fait souvent l'objet d'observation sans pour autant faire l'objet d'étude systématique en Haïti. 7 Socialement, cette recherche pourra aider à avoir une autre compréhension des médias surtout à une époque où ils pullulent sans contrôle à travers le pays et ne sont plus vus comme un outil de démocratie mais plutôt comme une menace, un objet de manipulation et de dégoût. Ce travail de recherche aura le mérite de permettre à la population de comprendre ce medium à la lumière d'un travail scientifiquement élaboré, de comprendre son mode de fonctionnement, comment ils déterminent nos savoirs, encadrent nos perceptions et innervent nos interactions. Sur l'aspect scientifique, ce travail va enrichir la littérature déjà disponible sur les médias en Haïti plus particulièrement la radio. Cela peut, à l'avenir, aider des étudiants, des chercheurs ainsi que des décideurs politiques à mieux cerner les enjeux des médias dans la construction de l'opinion publique en cas de mobilisation à grande échelle. 1.7. Plan du travail Le premier chapitre de ce mémoire nous permet de faire l'état de la question de notre travail en montrant à quel point les médias sont présents dans nos vies et comment ils parviennent à nous influencer. Il nous permet également de situer la problématique, de poser la question de recherche, d'indiquer le type de recherche, d'établir les objectifs du travail tout en justifiant le choix du sujet. Dans le deuxième chapitre, nous présentons le cadre contextuel du travail en décrivant le contexte qui a précédé le phénomène de pays lock (1986 à 2019) et nous avons expliqué aussi ce qu'a été le pays lock. Pour ce faire, nous avons mis l'accent sur des paramètres politiques, économiques et sociaux. Le troisième chapitre porte sur le cadre théorico-conceptuel qui fait état des concepts clés du travail et mentionne les théories sur lesquelles s'appuie notre travail de recherche Dans le quatrième chapitre, nous présentons les méthodes et techniques que nous allons utiliser au cours de notre travail afin de collecter les informations dans la perspective de bien le mener tandis que dans le cinquième chapitre, nous présentons l'analyse et l'interprétation des données. Enfin, le sixième et dernier chapitre est celui de la conclusion générale. 8 |
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