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Les stratégies camerounaises de gestion des conflits en Afrique centrale. Enjeux et défis.


par Ghislain Marceau BANGA
Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2015
  

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B - la crise en République du Congo

La République Démocratique du Congo, tout comme la République Centrafricaine et plusieurs autres pays d'Afrique est un Etat qui n'a cessé depuis son indépendance en 1960 de connaitre de sérieuses crises politiques et militaires dont la plupart ont débouché sur des affrontements armés violents. Après ce qu'on a qualifié de première guerre du Congo, ce pays a traversé plusieurs autres crises majeures pour lesquelles le Cameroun a participé à la résolution. Il convient dans cette partie d'analyser dans un premier mouvement la dynamique du conflit en République du Congo (1) avant de voir dans une seconde entrée, le rôle du Cameroun dans la résolution de ce conflit (2)

1 - La dynamique du conflit en République du Congo

La guerre civile qui a affecté le Congo-Brazzaville en trois phases (1993-1994 ; 1997 ; 1998- 1999) remonte à la démocratisation qui s'est produite à Brazzaville au début des années 90. Elle a opposé tout d'abord Pascal LISSOUBA à son challenger des élections présidentielles de 1992, Bernard KOLELAS. Contestant la valeur des résultats du premier tour des élections législatives de 1993, KOLELAS appelle ses partisans essentiellement les « Lari » des quartiers sud de la capitale à boycotter la suite du scrutin, puis à ne pas reconnaître le gouvernement formé par le nouveau Premier Ministre Jacques Joachim YOMBI OPANGO (ancien président du Congo de 1977-1979). L'armée divisée ethniquement et politiquement refusa d'obéir aussi aveuglement au chef de l'Etat Pascal LISSOUBA d'ailleurs en rupture avec son prédécesseur, Dénis SASSOU NGUESSO qui l'avait pourtant fait élire134(*).

En 1993, les premiers combats entre milices rivales se produisirent au départ dans Bacongo et Makélékélé, où les paisibles populations vouées à la cause de ces deux leaders vivaient jadis en parfaite harmonie. On assista pour la première fois à la destruction des habitats des populations des unes dans les zones sous contrôle des autres et vice-versa, au déplacement des citoyens fuyant la guerre, aux tueries et autres exactions. La guerre gagna aussi les régions du Pool (fief de Bernard KOLELAS). Dans ces régions en conflit, le mode d'action fut le même que celui utilisé par les milices à Brazzaville. Cette guerre causa la mort de 2000 personnes et de plus de 100.000 déplacés135(*).

Les miliciens « Cobras » de SASSOU NGUESSO, malgré leur présence dans les combats au côté des « Ninjas » se sont manifestées dans les zones nord de Brazzaville par les actes de terreur isolés, faisant ainsi du quartier Mpila et ses environs une zone à haute insécurité. L'atténuation de ces tensions et affrontements armés fut manifeste avec la nomination de Bernard KOLELAS au poste de Maire de la ville de Brazzaville. Ce dernier se rallia plus ou moins à la coalition présidentielle. La deuxième phase de la guerre commença lors de la visite de Denis SASSOU NGUESSO à Owando le 12 mai 1997, visite qui a fait place à des règlements de comptes entre les partisans de YOMBI OPANGO et ceux de SASSOU NGUESSO, ayant ainsi donné la mort à 12 personnes et occasionné le déplacement de plus de 4000 personnes qui vont trouver refuges à Oyo, village natal de Denis SASSOU NGUESSO. Le 02 juin 1997, un convoi militaire à destination de Brazzaville, composé des proches de YOMBI OPANGO est attaqué à Oyo, bilan 4 morts et 10 blessés. Dans la nuit du 04 au 05 juin 1997, les armes neuves sont partagées dans les quartiers supposés être les fiefs de SASSOU NGUESSO et les FDU. Dans la matinée du 05 juin, la force publique équipée par les engins blindés encercle la résidence de SASSOU NGUESSO. Cette guerre a fait plus de 10.000 morts et provoqué le déplacement de près de 800.000 personnes dont 50.000 réfugiés.

La troisième partie de cette guerre commence le 29 Août 1998, par la réaction violente des miliciens Ninjas à la suite d'exécution de trois de leurs membres accusés de braquage. Cet événement a été un détonateur de la rébellion armée qui a repris dans le pool avant de s'étendre dans la région sud-ouest du Congo contrôlées par les Cocoyes fidèles à Pascal LISSOUBA, puis le sud de Brazzaville. Après cet événement, les Ninjas ont riposté par la tuerie à Goma Tsé-tsé de 6 personnes, membres d'une délégation du Ministère de la recherche scientifique en mission dans la localité.

Ce qui a été suivi par l'exécution de toutes personnes supposées travailler pour le compte de SASSOU NGUESSO et de son gouvernement. Au lieu d'assurer la sécurité de la population civile du Pool, les forces armées gouvernementales appuyées par les ex-faz, de l'armée Angolaise et des milices des FDU (Cobras) se sont livrés au pillage et à la destruction des maisons des particuliers et des villages entiers, à diverses exactions, aux exécutions arbitraires et règlement de compte tant dans les pays du Niari. Les rebelles par contre ont procédé à des opérations terroristes qui se manifestent par la destruction des infrastructures sociales et étatiques, au sabotage des lignes électriques, au pillage, aux assassinats et à l'utilisation du bouclier humain, tout en semant la terreur au sein de la population vouée à leur cause. Ce qui a contraint les populations de ces contrées à chercher refuge dans les forêts, à Pointe-Noire et dans les pays environnants, livrées à des conditions sanitaires et matérielles précaires et sans bénéfice d'aucune assistance humanitaire à l'exception de ceux qui se sont faits déclarés réfugiés dans les localités du sud du pays.

Deux mois après le début de la guerre civile, le camp de SASSOU NGUESSO ouvre une station de radio-télévision dénommée Radio-Telé Liberté, qui défend sa ligne politique et ses thèses sur la guerre et fait le contrepoids aux médias d'état qui oeuvrent exclusivement pour LISSOUBA. Alors que la guerre civile s'enlise et que les négociations arbitrées par Omar Bongo patinent, une recomposition politique s'opère à Brazzaville, avec la création en septembre 1997, de l'Espace Républicain pour la Défense de la Démocratie et l'Unité Nationale (ERDDUN). Il est composé de l'ensemble des partis politiques qui ne luttent pas aux côtés des Forces Démocratiques et Patriotiques (FDP) constituées par SASSOU NGUESSO après le déclenchement des hostilités : l'UPADS, le MCDDI, le RDPS, RDD, UFD, etc.

La présidence du nouvel ensemble politique est confiée à KOLELAS. Officiellement, l'objectif de l'ERDDUN est d'oeuvrer pour le retour à la paix, mais en réalité, il constitue un front anti SASSOU NGUESSO. Le 13 septembre, sur proposition de l'ERDDUN, LISSOUBA nomme Bernard KOLELAS au poste de Premier Ministre. D'une apparence de neutralité au début de la guerre, le Président du MCDDI vient de se ranger dans le camp de LISSOUBA. Pour sauver les apparences, KOLELAS fait mine de réserver 5 portefeuilles au PCT dans le gouvernement de 46 ministres qu'il forme. Juste après sa nomination, KOLELAS engage ses Ninjas dans la bataille aux côtés des forces de LISSOUBA. Les Cobras contrôlent toute la partie Nord et Centre du pays, mais le renfort de la milice de KOLELAS et l'emploi d'hélicoptères de combat procurent à LISSOUBA un avantage certain sur le terrain.

À l'instigation de la France, une réunion au sommet est organisée le 16 septembre à Libreville par Omar BONGO. Les présidents Abdou DIOUF du Sénégal, GNASSINGBEEYADEMA du Togo, Alpha OMAR KONARE du Mali, Mathieu KEREKOU du Bénin, Ange-Félix PATASSE de Centrafrique, Teodoro OBIANG NGUEMA MBASOGO de Guinée équatoriale et Idriss DEBY du Tchad y prennent part. L'objectif du sommet est de réunir les deux protagonistes de la guerre civile congolaise pour trouver une solution de sortie de crise. En dernière heure, LISSOUBA choisit de se faire représenter par son Premier Ministre KOLELAS, alors que SASSOU NGUESSO est bien présent. Le sommet ne produit aucun résultat concret.

Le 14, Brazzaville tombe aux mains des Cobras et de l'armée angolaise. Le lendemain, Pointe-Noire est occupée sans heurts par les troupes angolaises. C'est la fin pour le régime de LISSOUBA. Les dignitaires s'enfuient le plus vite possible vers les pays voisins. Le Président de la République lui-même transite par Nkayi et Sibiti avant de traverser la frontière gabonaise. Le 24 octobre 1997, Denis SASSOU NGUESSO s'autoproclame Président du Congo et promulgue un Acte fondamental qui aménage une transition flexible.

* 134 R. POUTRIER, « les raisons d'une guerre incivile », Afrique Contemporaine n°166, avril-juin 1998, p.17

* 135 Ibid.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote