Les stratégies camerounaises de gestion des conflits en Afrique centrale. Enjeux et défis.par Ghislain Marceau BANGA Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2015 |
2. ...À la conjuration des faiblesses individuelles des Etats d'Afrique Centrale : agir collectivement pour trouver une réponse à la crise de l'EtatPour Thierry TARDY100(*), en termes généraux, la crise est une situation d'anomie provoquée par le changement. La notion de « crise » s'oppose en principe à celle de «normalité ». « Il ya dix ans, l'Etat était très largement considéré comme un instrument destiné à résoudre les problèmes ; aujourd'hui, nombreux sont ceux pour qui le problème c'est l'Etat ».101(*) Ces propos constituent une image représentative de l'idée que l'on se fait de l'Etat aujourd'hui en Afrique Centrale, relativement à sa dimension capacitaire. On est là dans l'expression d'une statolitémolle102(*) Autrement dit, l'Etat aujourd'hui en Afrique Centrale est malade car il n'arrive plus à assurer ses missions régaliennes, traduisant ainsi un monopole désuet.103(*)Préciser de quel Etat s'agit-il lorsqu'on évoque la crise de l'Etat, c'est évacuer tous les biais méthodiques qui empêcheraient de mieux cerner le réel étudié. Il s'agit en l'espèce de l'Etat providence qui jouait les protecteurs dans tous les aspects de la vie sociale et politique du territoire y afférent mais qui aujourd'hui n'arrive plus à se poser de façon capacitaire comme le démontrent bon nombre d'Etas en Afrique Centrale. Le détour que nous venons de faire permet de saisir exactement à quel niveau peut-on percevoir la crise de l'Etat. Il suffit alors de faire une petite équation simple en se demandant quels sont les attributs à partir des quels l'Etat agit. Les développements précédents permettent de répondre que ces attributs sont la territorialité et la souveraineté dont la somme pourrait correspondre à la statolité et s'il y a crise de l'Etat, c'est simplement que les éléments constitutifs de la statolité sont devenus inopérants et fragiles.104(*) C'est là même tout le sens de la catégorie Etat fragile qui constitue un signifiant pertinent de la statolité stérile et du monopole désuet. L'Etat fragile renvoie à un type de pays faisant face à des défis dans les domaines de la sécurité, de la gouvernance et de la provision de services de base à ses citoyens. Cette notion est entrée dans levocabulaire de l'aide au développement audébut des années 90 à l'époque où lagouvernance se désintégrait en Somalie. Desmilliers de gens ont été victimes de la violenceet des millions sont morts de faim.Cependant, les politiques de développementne s'intéressaient pas aux États fragiles. Lespays donateurs dispensaient l'essentiel deleur aide à quelques pays, en particulier àceux qui pratiquaient une bonnegouvernance.La situation a radicalement changé aprèsl'attaque du World Trade Center à New Yorkle 11 septembre 2001. Brusquement, les Étatsfragiles se sont vu accorder la priorité dans lecalendrier du développement. Avant cetévénement (connu désormais sous le nom de9/11), être actif dans les États fragiles étaitsouvent considéré comme un effort ingrat etune perte de ressources. Il est clairaujourd'hui que les besoins dedéveloppement de certains États fragiles nepeuvent être ignorés. Depuis 9/11, denombreux donateurs ont élaboré desstratégies pour travailler dans et avec cespays.105(*) Le Comité d'Aide au Développement (CAD)de l'OCDE considère qu'« un État est fragile lorsque le gouvernementet les instances étatiques n'ontpas les moyens et/ou la volonté politiqued'assurer la sécurité et la protection descitoyens, de gérer efficacement les affairespubliques et de lutter contre la pauvreté ausein de la population. »106(*) Face à une telle situation, l'intégration régionale et sous régionale se posent comme des cadres pertinents de conjuration de la fragilité et tous les Etats y sont impliqués. C'est à ce titre que le Cameroun agit dans la gestion des conflits en Afrique Centrale. Une telle action peut constituer non plus une logique d'intérêt national mais un apport dans la mutualisation des efforts visant à intervenir dans les Etas en crise. C'est là le sens de la conjoncture sécuritaire qui échappe au cadre limité de l'intérêt national. On peut donc voir l'apport du constructivisme dans cette recherche dans la mesure où il permet de saisir le rôle de du Cameron sous le prisme des valeurs de paix qui sont partagées au plan sous régional et régional. Si la participation du Cameroun à la gestion des conflits en Afrique Centrale relève d'un aspect conjoncturel de recherche de la paix, cela ne tient pas seulement au fait qu'il y a un impératif sécuritaire qui se situe au-delà de l'intérêt national. Il y a aussi la traduction d'une nouvelle dynamique des relations internationales. * 100 Thierry TARDY, Gestion de crise, maintien et consolidation de la paix, Edition De Boeck, Bruxelles, 2009, p.16. * 101Citation de Charles Schultze, in Pierre Rosanvallon, La crise de l'Etat-Providence, Editions du Seuil, 1981 France, p59. * 102Expression issue de la notion de statolité évoquée par Augustin KontchouKouomegni « De la statolité en Afrique à la recherche de la souveraineté » Revue science et technique, vol VI, n° 3-4, Juillet-Décembre 1989, p. 19-33. * 103 Expression issue des travaux de Max Weber sur le monopole de la violence légitime. * 104AugustinKontchouKouomegni, Op.cit, 21. * 105DerickBRINKERHOFF, Capacity Development in Fragile States, ECDPM ,2007, p.67. * 106http://diplomatie.belgium.be/fr/binaries/dossier_etats_fragiles_tcm313-108566.pdf, consulté le 16 Octobre 2014 à 23h51. |
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