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La redynamisation des "assistés" par le support du sport. Le rôle des encadrants comme possible inflexion d'une logique portée par l'institution ? le cas d'une action atypique de remobilisation par l'activité physique.


par Clément Reussard
Université de Bretagne Occidentale - Master 2 SSSATI 2012
  

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2. L'approche simmelienne de la pauvreté et de l'assistance

« La pauvreté ne peut [...] être définie comme un état quantitatif en elle-même, mais seulement par rapport à la réaction sociale qui résulte d'une situation spécifique. [...] Ce groupe ne reste pas unifié par l'interaction entre ses membres, mais par l'attitude collective que la société comme totalité adopte à son égard.40 »

Georg Simmel

Définition simmelienne de la pauvreté

Georg Simmel, sociologue allemand, est le premier à s'intéresser à l'assistance et au phénomène de paupérisation du début du XXe siècle dans son ouvrage « Les pauvres » (1907). L'idée principale qui ressort de cet ouvrage pionnier en matière de sociologie de la pauvreté est que « la pauvreté naît d'un rapport social41 » auquel le sociologue doit avant tout s'intéresser plutôt que de donner un apport qualitatif sur les définitions institutionnelles. À ce titre, Paugam, adoptant la définition de Simmel, souligne lui, que « la sociologie de la pauvreté ne peut se satisfaire d'une approche descriptive et substantialiste des pauvres. Elle doit privilégier l'analyse des modes de construction de cette catégorie sociale et caractériser les relations d'interdépendances entre elle et le reste de la société.42 » Pour reprendre la définition originale de Simmel : « Les pauvres en tant que catégorie sociale, ne sont pas ceux qui souffrent de manque et de privations spécifiques, mais ceux qui reçoivent l'assistance ou devraient la recevoir selon les normes sociales. Par conséquent la pauvreté, ne peut dans ce sens, être définie comme un état quantitatif en elle-même, mais seulement par rapport à la réaction sociale qui résulte d'une situation spécifique. [...] C'est à partir du moment où ils sont assistés, peut-être même lorsque leur situation pourrait normalement donner droit à l'assistance, même si elle n'a pas encore été octroyée, qu'ils deviennent parti d'un groupe caractérisé par la pauvreté. Ce groupe ne reste pas unifié par l'interaction entre ses membres, mais par l'attitude collective que la société comme totalité adopte à son égard43. »

40 Simmel G., Op. Cit., p. 96-98.

41 Paugam S., Duvoux N., La régulation des pauvres. Du RMI au RSA., Paris, PUF, 2008, p.10.

42 Ibid., p.17.

43 Simmel G., Op. Cit., p. 96-98.

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Dans cette définition que donne Simmel de la pauvreté, il faut également prendre la mesure du caractère culturellement relatif de la pauvreté puisqu'un pauvre est considéré comme pauvre uniquement par la société ou le groupe dans lequel il évolue « selon les normes sociales » en vigueur. La notion de pauvreté n'est donc pas universelle. Le Yondre résume très bien cette idée ainsi : « Un pauvre est pauvre relativement à la culture de la société, au niveau de besoin qu'elle génère44 ».

Paugam distingue lui plusieurs types de pauvreté selon les sociétés : pauvreté « disqualifiante » (France), pauvreté « intégrée » (pays pauvres), pauvreté « marginale » (pays scandinaves)45. La pauvreté intégrée décrit la situation de pays ou de régions économiquement en retard. Comme cette dernière est depuis longtemps largement répandue, les pauvres ne sont pas stigmatisés et bénéficient de la solidarité familiale ou de la socialisation par une pratique religieuse qui reste intense. La pauvreté marginale correspond à la pauvreté d'une petite partie de la population au sein d'une société prospère. Ces pauvres, considérés comme des « cas sociaux » inadaptés au monde moderne sont fortement stigmatisés. La pauvreté disqualifiante concerne les sociétés postindustrielles touchées par des difficultés économiques. Les pauvres sont considérés à travers l'image de la chute ou de la déchéance. L'angoisse du chômage et de l'exclusion touche une grande partie de la société.

Fonctions de l'assistance aux pauvres

A travers son analyse de la pauvreté, Simmel a été le premier à déconstruire la vision philanthropique que l'on est tenté d'avoir sur le traitement de celle-ci par la société. Dans nos représentations, l'assistance serait une pratique altruiste et vertueuse. Pourtant, il est aisé de démontrer que l'assistance aux pauvres s'attache davantage à satisfaire le donateur que le receveur, et ceci dans l'intérêt premier de la collectivité. Simmel ne manque pas à cet effet de souligner que « la collectivité sociale récupère indirectement les fruits de sa donation46. » L'intérêt pour la nation qui vient en aide aux pauvres est en effet réel à bien des égards : « La fonction de l'assistance est dans ce cas, tout à la fois, de réhabiliter leur activité économique, de les rendre plus productifs, de préserver leur énergie physique, de réduire le risque de dégénérescence de leur progéniture, et enfin, d'empêcher leurs impulsions à user de moyens violents dans le but

44 Le Yondre F., Vrais chômeurs et vrais sportifs..., 2009, p.163.

45 Paugam S., Les formes élémentaires de la pauvreté, Paris, PUF, 2005.

46 Simmel G., Op. Cit., p. 57.

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de s'enrichir. [...] L'assistance est un facteur d'équilibre et cohésion de la société. Elle est un moyen pour elle d'assurer son autoprotection et son autodéfense47

Suivant l'analyse que fait Simmel sur les fonctions de l'assistance, Paugam lui attribue également une fonction économique, morale et culturelle. Au niveau économique, l'assistance permet de préserver la société du « risque d'abaissement des salaires que le pauvre pourrait engendrer en acceptant de travailler pour trop peu »48. Quant à sa fonction morale et culturelle, « l'existence des pauvres permet de garantir un statut social à ceux qui ne le sont pas, ou pas encore. ». De plus, l'existence de pauvres au sein de la société « encourage les autres catégories à faire preuve de vertus morales comme le travail, la constance dans l'effort, la volonté, la responsabilité individuelle pour se tenir à distance de la déchéance et continuer si possible à gravir l'échelle sociale49. »

Plus désenchantant encore, Simmel n'hésite pas à faire ressortir la fonction résolument conservatrice de l'assistance : « L'assistance se fonde sur la structure sociale, quelle qu'elle soit ; elle est en contradiction totale avec toute aspiration communiste ou socialiste, qui abolirait une telle structure sociale. Le but de l'assistance est précisément de mitiger certaines manifestations extrêmes de différenciation sociale, afin que la structure sociale puisse continuer à se fonder sur cette différenciation. Si l'assistance devait se fonder sur les intérêts du pauvre, il n'y aurait, en principe, aucune limite possible quant à la transmission de la propriété en faveur du pauvre. Une transmission qui conduirait à l'égalité de tous50. » En clair, c'est bel et bien l'assistance qui permet de maintenir les inégalités de la société. Pour Robert Castel dont le sens de la formule est toute aussi désenchantant, on pourrait dire en fin de compte qu'il s'agit de « faire du social pour éviter le socialisme51 ».

À ce titre, l'analyse de Simmel renverse le rapport de causalité généralement perçu entre la pauvreté et l'assistance. Le Yondre le schématise ainsi: « l'assistance n'est plus une réponse mais la cause de la pauvreté dans la mesure où c'est l'action vers la pauvreté qui la fait exister52. »

47 Paugam S., Duvoux N., Op. Cit., p.20.

48 Le Yondre F., Vrais chômeurs et vrais sportifs..., 2009, p.167.

49 Paugam S., Duvoux N., Op. Cit., p.23.

50 Simmel G., Op. Cit., p. 49.

51 Cité par Vilbrod A. in Bouve C., L'utopie des crèches françaises au XIXe siècle : un pari sur l'enfant pauvre, Peter Lang, 2010.

52 Le Yondre F., Vrais chômeurs et vrais sportifs..., 2009, p.166.

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