01-3- La composition des tribus :
Les résultats des enquêtes
réalisées au niveau de la commune de Zaafrane
révèlent que notre zone d'étude est exploitée
principalement par trois tribus :
- La tribu d'Ouled si Ahmed - La tribu d'Ouled Mhani - La tribu
d'Ouled Aissa
La tribu d'Ouled si Ahmed est la tribu autochtone de la
région. Elle est divisée en plusieurs fractions : Ouled Sherif,
Ouled Salem, Ouled Slim, Ouled Kaki, Ouled Djaballah et Ouled Mrizek. 86 % de
notre échantillon (43 /50) appartient à cette tribu. Le recours
à des bergers pour la conduite des troupeaux explique la présence
des tribus d'Ouled Mhani et Ouled Aissa dans cette commune, elles sont
représentées respectivement par 12 % (6/50) et 2 % (1/50) (voir
figure N° : 09).
Figure N° 09 : La composition des tribus au
niveau de notre échantillon enquêté
01-4- L'élevage et les modes d'acquisitions du
cheptel :
L'élevage est l'activité économique
prédominante de la population de la commune de Zaafrane, malgré
la différenciation entre les systèmes et les types
d'élevages, l'élevage ovin reste le plus dominant dans la
région. C'est l'une des caractéristiques ayant prévalue
dans le choix de la commune de Zaafrane comme zone d'étude.
A- Les types d'élevages et la taille des
troupeaux :
Despois (1958) qui affirme que depuis la haute
antiquité l'Algérie a été principalement une
région d'élevage, et que toute son histoire
agro-économique parait avoir été marquée par une
lutte entre les populations sédentaires, adonnées à la
culture, et les populations nomades, se livrant à l'élevage. Un
élevage qui s'est toujours adapté aux conditions diversement
arides du climat, en restant extensif et en utilisant diverses formes de
transhumance : c'est par la transhumance et la vie en plein air que
l'élevage s'est adapté à l'aridité ajoute l'auteur.
Démontés (1930), en rappelant l'histoire du pastoralisme en
71
Algérie, explique que les pasteurs du Sud, venus des
régions steppiques et sahariennes, ont toujours essayé
d'empiéter sur les terres de labour du Nord, et que constamment les
cultivateurs du Nord, autochtones ou immigrants originaires des régions
proches de la méditerranée, se sont efforcé de refouler
vers la steppe les conducteurs de troupeaux. Selon cet auteur, les migrations
des pasteurs à la recherche de pâturages ont commencé dans
cette région du monde dès que l'élevage est devenu commun
chez les Gétules (anciens peuples berbères nomades d'Afrique du
Nord) et chez les Libyens (peuples habitants l'Afrique du Nord avant
l'arrivée des phéniciens). Et il ajoute que pour les peuples
situés au voisinage des déserts, le nomadisme qui n'a pas
seulement une cause pastorale est aussi lié aux échanges entre
régions.
La plupart des spécialistes de l'histoire de l'Afrique
du Nord sont d'accord sur le fait que l'exploitation des terres dans cette
région est entrée dans l'histoire il y a bien plus de trois mille
ans. Depuis, la région ne paraît pas avoir connu de changement de
climat, sinon des fluctuations de brève durée (Julien, 1952).
En décrivant les conduites d'élevage pendant la
colonisation, Diffloth (1924) a expliqué que celles-ci différent
selon les régions : « dans le Tell c'est la vie en plein air avec
possibilité de stabulation, dans d'autres régions c'est la
demi-transhumance avec déplacement saisonnier dans un rayon de peu
d'étendue, dans la steppe c'est la transhumance, qui s'exerçait
sur les 3/5 des effectifs se déplaçant au désert pendant
l'hiver et remontant sur les hauts plateaux en été, d'où
la nécessité de conserver l'existence nomade et en plein air pour
la sauvegarde des bêtes ». A cette époque, l'élevage
en Algérie était entre les mains des algériens. Avec un
effectif qui variait entre 4 et 10 millions de têtes, l'élevage
des ovins en Algérie l'emportait, et de loin, sur celui des caprins
(entre 4 millions et 1,8 millions de têtes) et celui des bovins (entre
600 000 et 1,1 millions de têtes). « L'élevage du mouton est,
au point de vue pastoral, la plus importante source de richesses des nomades
qui possédaient 93% de l'élevage Algérien »
(Diffloth, 1924). Il est important de rappeler ici que, pendant la
période coloniale, une grande partie des produits ovins était
destinée à la métropole où l'élevage de ces
animaux était en régression, les exportations ovines
s'élevaient jusqu'à 1 500 000 têtes en 1910. Sur les terres
servant traditionnellement à la transhumance d'été
(achaba) le cheptel des colons est passé de 351 430 en 1887 à 805
880 têtes en 1910 (Annuaire statistique du gouvernement
général 13, cité par Boukhoubza, 1982). Selon le
même auteur la transhumance vers le Tell devient en 1923
surveillée par un administrateur dans chaque commune et en 1927 les
tribus devaient obtenir une autorisation pour se déplacer alors que pour
louer leurs chaumes, les colons devaient passer par l'administration.
Boukhoubza (1976) a indiqué que suite a la diminution
de l'aire de déplacement, le chargement en bétail des parcours
durant cette période s'est considérablement accru. En même
temps les pasteurs ont perdu ce qui était, dans le passé, le
principal de leur revenu : perte d'une partie des parcours, perte du monopole
des transports. Suite à ces changements l'économie de troc s'est
transformée en économie marchande monétarisée et
l'équilibre qui existait par la complémentarité entre le
Tell et la steppe s'est rompu, augmentant ainsi la pression sur les parcours
steppiques.
La transhumance vers le Tell avait un peu repris après
l'indépendance (dans les années soixante). Mais par la suite de
l'application de la révolution agraire (1971), qui remaniait les droits
de pâturages, et le code pastoral (1975), et qui précisait que les
terres de parcours steppiques appartiennent juridiquement à l'Etat, puis
la loi portant accession à la propriété foncière
agricole (1983) ont été mal acceptées par les populations
locales. Elles ont contrarié les règles tribales anciennes et
elles ont précipité le phénomène d'appropriation
des terres steppiques, sub-steppiques et sahariennes par tous les moyens
possibles : labour hors saison, défrichement des parcours pour marquer
la présence et mise en défens saisonnière. « Le
résultat de cette situation est une privatisation officieuse des terres
officiellement étatiques ». Résument en quelques mots
Benrebiha et Bouabelah (1992). En conséquence de ces transformations les
superficies pastorales ouvertes et les couloirs de passages des troupeaux
transhumant vers le Nord et vers le Sud se sont considérablement
restreints, ce qui a obligé les éleveurs à utiliser le
plus souvent des camions pour se déplacer. De plus l'augmentation des
effectifs ovins s'est traduite par une sévère concurrence sur les
chaumes dans le Tell. La surenchère sur les prix de location des chaumes
et des camions est alors apparue, contraignant ainsi les éleveurs
à se sédentariser et à étendre les cultures de
céréales fourragères.
72
Les résultats de notre enquête
révèlent qu'il y a trois principaux types d'élevages qui
sont pratiqués dans la commune de Zaafrane :
- L'élevage sédentaire qui représente 40
% (20 /50) de l'ensemble de notre échantillon, les enquêtés
sédentaires ne se déplacent pas durant toute l'année et
les animaux pâturent autour des lieux d'habitation. L'existence de
l'agriculture en sec et l'appropriation illicite des parcours pastoraux sont
à l'origine de la sédentarisation des éleveurs de la
commune de Zaafrane, avec le sentiment que la propriété des
terres devient la meilleure base garantissant le pouvoir et l'enrichissement de
ces derniers.
- L'élevage transhumant qui est le plus répandu
dans la commune de Zaafrane avec un taux de 50 %. Les éleveurs
pratiquent des déplacements oscillant entre 30 à 100 km des lieux
d'habitations. Les troupeaux sont accompagnés par un membre de la
famille ou un berger.
- L'élevage nomade compte seulement 10 % ; les
déplacements de ces derniers sont effectués surtout dans la
période estivale en direction des wilayas de Tiaret et Ghardaïa. Le
transport des animaux est assuré par la location des camions (voir
figure N° : 10).
Figure N° 10 : Le type d'élevage
pratiqué au niveau de notre échantillon
enquêté
En ce qui concerne la taille des troupeaux dans notre zone
d'étude, on trouve qu'il est un peu erroné de prétendre
connaitre l'effectif réel des animaux car en réalité les
éleveurs de la région ne déclarent jamais leurs vrais
effectifs. Dans notre zone d'étude les cheptels sont principalement
composés d'ovins de races locales : Ouled Djellal, Taâdmit, Hamra,
parfois croisées avec la Rumbi et éventuellement d'autres races.
Ils comportent aussi des caprins de races locales, des bovins, des ânes
et plus rarement des chevaux ou des dromadaires. Des chiens de garde
accompagnent la plupart du temps les agropasteurs. Les principales races
rencontrées dans notre zone d'étude pendant la réalisation
des enquêtes sont :
La race Ouled Djellal : est aussi
appelée race arabe, race blanche, ou la race d'Ouled Naïl. C'est la
plus importante par son effectif en Algérie : taille haute, grand format
(poids moyen égal à 80 kg chez le mâle et à 60 kg
chez la femelle) ; tête assez fine, un peu longue sans cornes ; oreilles
longues et pendantes ; cou et membres longs ; peau et laine blanche fine
descendant jusqu'au jarret et aux genoux, alors que le ventre et la partie
inférieure du cou sont nues.
73
La race Rumbi : dont le nom provient
probablement de l'arabe « L'arenabi » qui signifie couleur de
lièvre : de grande taille et corps massif (elle a les mêmes poids
moyens chez le mâle et chez la femelle que la race d'Ouled Djellal,
pattes robustes, terminées par des sabots gris foncé et
très durs, laine blanche couvrant tout le corps. Chez les mâles,
les cornes sont spiralées et massives et elles sont de petites tailles,
quand elles existent, chez les femelles.
La race Hamra : ce qui signifie race rouge,
est de petite taille (71 kg de poids moyen chez le mâle). Adaptée
aux terrains plats, exigeante, sélectionnant avec soin ses aliments,
cette race, peu adaptée aux pâturages maigres, est en
régression.
La race Taâdmit : issue du croissement
par les zootechniciens français du bélier Mérinos d'Arles
et de la brebis de la race d'Ouled Djellal, elle est très peu
répandue.
Les effectifs bovins : la wilaya de Djelfa
est constituée essentiellement d'animaux de race locale.
Généralement localisé en montagne, elle a une taille
très réduite. Leur production laitière, très
faible, est destinée à la consommation familiale.
Les effectifs caprins : pendant la
réalisation de nos enquêtes, on a constaté que les caprins
sont toujours présents dans les troupeaux parce qu'ils assurent la
production laitière pour l'autoconsommation des éleveurs. Leur
production qui est généralement autoconsommée participe
aussi à la réduction des coûts de production. En plus de la
race local, il existe d'autre race : la race française (la Saanen,
l'Alpine), l'espagnole (la Murcia), la syrienne (la Chami) et la race Angora
qui est très rustique, d'une meilleure qualité de viande que la
race locale et d'une laine très appréciées
mondialement.
Les résultats de l'enquête ont
révélé que l'effectif du cheptel au niveau de notre
échantillon varie d'une tête à plus de 2.000 têtes
selon le statut de l'éleveur (voir figure N° : 11). A cet effet,
nous avons rencontré au cours de la réalisation de nos
enquêtes de terrain dans la commune de Zaafrane les trois
catégories suivantes :
- La première renferme ceux ayant chacun un cheptel
dont l'effectif varie de 1 à 250 têtes ; c'est la catégorie
des petits agents économiques. Cette catégorie est la plus
répandue dans notre zone d'étude avec un taux de 66 %, soit 33
enquêtés sur 50. La sécheresse qui touche la région
depuis plusieurs années, suivi de l'augmentation des facteurs de
production expliquent aujourd'hui cette situation qui est marquée par le
passage des statuts de moyens et gros éleveurs aux petits
éleveurs : c'est la paupérisation des moyens et gros
éleveurs qui deviennent de petits éleveurs. Selon le dictionnaire
de la langue française, le concept paupérisation signifie
l'appauvrissement d'une population ou d'une classe sociale. Cette classe
regroupe principalement les sédentaires et les transhumants : les
sédentaires ne transhumant pas, ils sont obligés de vendre une
bonne partie de leurs animaux (même les reproductrices) à bas prix
pour pouvoir acheter du fourrage, très cher, destiné à
alimenter ce qui reste du troupeau. En voyant leurs revenus s'effondrer,
certains (surtout les petits éleveurs) vendent précipitamment
leurs animaux et changent, si possible, d'activité. Concernant les
transhumants, ils arrivent à maintenir de bons revenus grâce au
fourrage grossier (gratuit) fourni par les parcours sahariens et telliens.
- La deuxième renferme les éleveurs ayant chacun
un cheptel dont l'effectif est compris entre 251 et 500 têtes. C'est la
catégorie des agents économiques moyens dans la commune de
Zaafrane. Elle représente 24 % (12/50) de l'ensemble de notre
échantillon. Elle est formée principalement par les transhumants.
Durant la période coloniale, les colons ont occupés la zone
tellienne afin de produire des céréales destinées à
l'exportation vers la métropole, ce qui a provoqué une amputation
de l'aire d'extension de l'élevage ovin, et la réduction des
déplacements du cheptel. Alors les labours ont commencé à
se développer dans la steppe afin de produire des grains
nécessaires à l'alimentation des nomades et à la
complémentation de l'alimentation de leurs animaux. Après
l'indépendance, l'Etat algérien, a essayé de
sédentariser les éleveurs de la steppe par la création de
coopératives, la nationalisation des terres et des troupeaux et les
importations d'orge. Ce qui a beaucoup réduit les déplacements
des troupeaux vers le Nord et vers le Sud « les nomades sont devenus des
transhumants » et provoqué une sédentarisation
accompagnée d'une extension des superficie cultivées en
céréales fourragères afin de compenser la perte
74
des fourrages que fournissaient précédemment les
parcours steppiques, telliens et sahariens lors des déplacement
réguliers. De plus, selon les déclarations des
enquêtés lors de la réalisation des enquêtes
informelles, les bas prix des céréales fourragères des
années 1980, 1990 et début 2010 ont incité les
éleveurs à compléter largement l'alimentation de leurs
troupeaux avec des céréales fourragères,
généralement importées. Mais ce que nous ont montré
les enquêtes informelles, c'est que : si la transhumance n'était
plus pratiquée lorsque le prix de fourrage était bas et lorsque
l'état des parcours de la steppe le permettait, les déplacements
pouvaient reprendre lorsque le prix du fourrage était
élevé et que l'état des parcours du Tell et du Sahara le
permettait. Les agropasteurs qui appartiennent aux agents économiques
moyens dans notre échantillon enquêté peuvent donc changer
de conduite, selon les circonstances économiques et écologiques :
ce sont des agropasteurs transhumants ou pas, selon ces circonstances.
- La dernière catégorie est celle des grands
agents économiques ayant chacun un effectif qui dépasse 501
têtes. Cette troisième fraction qui tend à disparaitre dans
notre zone d'étude à cause du changement climatique et de la
hausse des prix du fourrage représente une infime partie qui est de 10 %
(5/50). Cette partie regroupe les nomades qui se déplacent
fréquemment du Sahara vers le Tell, soit du Tell vers le Sahara à
la recherche du fourrage gratuit. Mais Avant de prendre la décision de
la transhumance, l'éleveur vit dans une tension encore plus grande que
dans la steppe. Il ne peut pas cacher son anxiété. Il s'interroge
sans cesse, avant de décider, s'il vaut mieux partir ou rester. Il se
demande, quelle est la meilleure stratégie à adopter, qui lui
permettra d'augmenter ses gains et de réduire ses pertes et ses
dépenses ? Arrivé sur place, il cherche tout le temps d'autres
parcours à exploiter, et il se demande : combien de temps ceux-ci vont
assurer l'alimentation de son troupeau ? Il est donc toujours tendu,
méfiant, et sur ses gardes. Toutefois, avant de prendre la
décision de transhumer, l'éleveur effectue des prospections pour
voir l'état des pâturages telliens ou sahariens et pour en
négocier les prix de location. Et il récolte le maximum
d'informations possibles sur les marchés, en passant par les villes et
en croisant d'autres personnes qui sont liées de près ou de loin
au métier.
Le départ vers le Sahara se fait
généralement en automne au cours des mois d'octobre, novembre et
parfois en décembre à cause de la rareté du fourrage en
grains souvent indisponible, de la faiblesse des fourrages grossiers produits
par la steppe et suite à une pluviométrie abondante en hiver dans
le Sahara qui a permis une forte repousse végétale. Le
déplacement se fait rarement à pied, uniquement quand les
troupeaux se trouvent déjà au sud, prés du Sahara, et que
les endroits à traverser sont riches de végétation. Il se
fait le plus souvent en camion, car le passage des troupeaux vers le Sud est
bloqué par les éleveurs locaux qui pratiquent la mise en
défens saisonnière « gdall ». Les parcours choisis sont
ceux qui ont bénéficié d'une bonne pluviométrie en
automne et qui ont commencé à produire une quantité de
biomasse verte satisfaisante, riches en espèces de bonne valeur
fourragère et le plus près possible des points d'abreuvement pour
éviter l'achat de citernes d'eau. Une fois la destination choisie et les
moyens de transport trouvés, la date de départ sera fixée.
Le jour du déplacement, les animaux ne sont pas alimentés pour
éviter qu'ils ne soient pas malades et qu'ils ne se salissent pas les
uns les autres. Si le déplacement prévu doit être
très long, les animaux sont transportés la nuit de
préférence, en prenant le soin de mettre un gardien dans la
remorque pour les surveiller. Et ils seront relâchés directement
sur les parcours dès leur arrivée, le lendemain matin, afin de
faciliter leur adaptation. Si le déplacement doit être court, le
transport se fait à n'importe quel moment de la journée ;
généralement l'éleveur emmène sa famille avec lui.
Arrivés au Sahara, la tente est installée et les animaux sont
lâchés sur les parcours avoisinants. Lorsque ces derniers ne
peuvent plus satisfaire les exigences des animaux, suite à un passage
répété, l'éleveur cherche de nouveaux parcours en
bon état et déplace fréquemment son troupeau. Si tous les
parcours proches sont totalement pâturés, le troupeau sera
déplacé par camion vers des parcours plus éloignés.
Vers le début du printemps, la chaleur commence à se faire
sentir, les plantes annuelles commencent à se dessécher et les
animaux ont besoin de s'abreuver chaque jour. Le fourrage manque et l'eau
aussi, la chaleur devient insupportable pour les animaux. Mais, avant de
retourner dans la steppe ou de prendre le chemin du Tell ou des pâturages
du Nord, les animaux sont débarrassés de la laine qui devient
étouffante. Ensuite, une fois la date et la destination choisies, le
transport, vers le Nord, du troupeau, de la tente et des affaires personnelles
se fait par camion. En transhumance, la répartition des tâches
journalières entre les membres de la famille se fait comme dans la
steppe : les agneaux nouveau-
nés sont gardés par les femmes et les enfants,
le troupeau, en pâturage est gardé par le père ou le fils
assez âgé. Mais toutes les tâches sont plus ardues du fait
des distances parcourues quotidiennement par le troupeau et ses gardiens, et
des déplacements de tous, bêtes et personnes, plus
fréquents et plus longs pour trouver de nouveaux pâturages, plus
riches. A chaque déplacement, la famille doit démonter la tente,
plier les bagages, charger le tout sur camion, et, une fois arrivée,
décharger, remonter la tente et déplier de nouveau ses bagages.
Enfin quand les conditions le permettent (climat favorable, moyen de transport
disponible, courte distance à parcourir, préférence de
partir en groupe), il faut, aller en ville pour procéder à
quelques achats indispensables. Le départ vers le Tell se fait
généralement au mois de juin, soit à pied quand les
moutons se trouvent assez au nord, soit en camion (c'est le cas le plus
fréquent) quand ils sont loin au sud, ou qu'ils viennent directement du
Sahara. Dans le Tell, l'éleveur choisit, après
négociations, les pâturages d'été les plus riches et
les moins chers, sans considération pour l'eau d'abreuvement qui est
beaucoup plus largement disponible et facile à trouver. Pendant leur
séjour dans le Tell, les moutons passent toute la journée sur les
chaumes loués ou sur les parcours forestiers ou autres qui se trouvent
à moins de 5 km du lieu de campement de l'éleveur. Une fois ces
chaumes et parcours complètement pâturés par les troupeaux,
la plupart des éleveurs, qui recourent alors aux aliments achetés
sur place, prennent le chemin du retour par camion vers la fin de
l'été, à un moment où les pâturages telliens
et steppiques sont très pauvres en herbe.
On peut dire alors que le mode d'affouragement du
bétail a beaucoup changé ces dernières décennies
et, de nos jours, il varie d'un endroit à l'autre et d'une année
à l'autre selon l'état des parcours et selon la production locale
et le prix des céréales fourragères. Nous savons aussi
qu'autrefois, le mode d'affouragement pratiqué consistait à
subvenir aux besoins alimentaires du bétail seulement à partir
des fourrages naturels grossiers fournis par les parcours de la steppe, du Tell
et du Sahara. Ce mode d'alimentation du bétail basé sur la double
transhumance est devenu rare de nos jours : lorsque les aliments de
bétail sont abondants, et à bas prix, le fourrage grossier
produit par les parcours de la steppe est complété par les grains
produits sur place ou achetés. Par contre, lorsque ces aliments sont
chers et non disponibles, le mode d'affouragement éventuellement
pratiqué consiste à alimenter le plus largement possible les
troupeaux par le fourrage fourni par les parcours steppiques, telliens et
sahariens, en complétant (mais le moins possible et en cas de
nécessité) par des céréales fourragères
produites ou achetées.
Figure N° 11 : Les types d'agents
économiques au niveau de notre échantillon
enquêté
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