II- Historique de la steppe algérienne et les
différentes interventions menées par l'Etat depuis
l'indépendance pour le développement durable :
Durant la période précoloniale, les pasteurs et
les agropasteurs formaient la majeure partie de la population du pays, ils
utilisaient l'ensemble du territoire en l'occurrence la steppe pour produire
leurs substances et nourrir leurs troupeaux. Leurs migrations pendulaires entre
le Nord et le Sud à la recherche de meilleur parcours a fait d'eux des
nomades. Les communautés sociales qu'étaient les tribus se
reconnaissaient des territoires qu'elles géraient en fonctions des
règles précises et codifiées d'accès aux ressources
fourragères naturelles et aux points d'eaux. Selon les saisons ou les
années, des accords de réciprocité avec les
collectivités limitrophes permettaient de réguler l'insuffisance
ou l'excédant de fourrage (Bedrani, 1994).
La colonisation rompt l'équilibre séculaire de
la vie pastorale. On accaparant les meilleurs terres agricoles du Nord du pays,
la population a été refouler vers les montagnes et la steppe ce
qui a conduit a un bouleversement dans les systèmes de migrations
saisonnières. La croissance de la population et de leurs besoins
entrainent une mise en culture progressive des terres de parcours et une
surcharge des zones encore limitées non repensées par des
techniques nouvelles d'accroissement de la productivité (Boukhoubza,
1982).
Depuis l'indépendance, l'Etat algérien a
initié et mis en oeuvre plusieurs actions tendant à corriger les
problèmes vécus dans la steppe tout en essayons de
développer cette dernière par des actions engagées au
titre du plan triennal (1969 - 1971) et quadriennaux (1972 - 1975) et (1976 -
1979).
Le plan triennal (1969 - 1971) vise essentiellement la
reconstitution rapide du cheptel dessimé par la guerre à travers
la mise en place des structures décentralisées et la
modernisation de l'élevage par la création de 50
coopératives pastorales. Les moyens mis en oeuvre (prêt
d'équipement et travaux hydraulique) bénéficient surtout
aux éleveurs aisés.
L'objectif du premier plan quadriennal (1972 - 1975)
était de renforcer les structures technico-administratives
(délégation pastorale, centre de mise en valeur communal et
organisation des éleveurs) et de sédentarisé
définitivement la population nomade.
Le deuxième plan quadriennal (1976 - 1979) qui s'est
matérialisé par la mise en place des programmes spéciaux
dont la plus grande partie des investissements a été
orienté vers l'amélioration des conditions de vie et des
populations rurales et marque aussi l'événement de la
révolution agraire à l'époque.
D'après Bedrani (1987), les années soixante-dix
sont dominées par la révolution agraire. Cette dernière
est un phénomène qui se traduit par un code pastoral qui a la
prétention de transformer radicalement la gestion de la steppe par une
puissante intervention de l'Etat sur le plan institutionnel : limitation du
cheptel détenu par chaque famille, généralisation des
coopératives pastorales et équipement de la steppe par les
infrastructures économiques et sociales. Cette période a connu la
création de 6.000 coopératives agricoles dont la plupart
étaient des coopératives de production de la révolution
agraire (CAPRA). Un réseau de plus de 750 coopératives agricoles
polyvalentes communales de services (CAPCS) distribuait les intrants et les
services à des prix soutenus. La révolution agraire avait comme
objectif de répartir les terres appartenant à de grands
propriétaires et les terres mal exploitées entre des agriculteurs
qui avaient peu ou pas de terres. Au nom du principe que « la terre
appartient à celui qui la travaille », la révolution agraire
de 1971 énonçait que nul ne pouvait posséder ou exploiter
une terre s'il ne la travaillait pas (ordonnance n° : 7173 du 8 novembre
1971).
Cette époque, qui a été catastrophique
pour l'avenir de l'agriculture algérienne, (litiges entre les anciens
propriétaires des terres nationalisées et les
bénéficiaires, découragement et perte d'une main d'oeuvre
agricole qualifiée...) a vu le démarrage d'un gigantesque projet
national : le « barrage vert » qui visait la création d'une
biomasse boisée importante dans la zone pré-désertique par
l'implantation d'une bande d'arbre de 15 à 20 km de large, de 1 500 km
de long et couvrant 3 millions d'hectare tout au long de la
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limite Nord du Sahara. Malgré l'ampleur des moyens
financiers, techniques et humains mis en oeuvre, cette entreprise s'est
soldée par des résultats très décevants, du fait de
la conception du projet lui-même, du modèle d'aménagement,
du choix des zones d'implantation, du refus de la population dont les terres
ont été nationalisées dans le but de réaliser ce
projet, de la forme de réalisation et du choix d'une seule espèce
(pin d'Alep Pinus halepensis) ce qui l'a rendu très
vulnérable aux parasites et aux insectes. Aujourd'hui seulement 372 180
hectares ainsi boisés persistent encore, sur les 2,1 millions d'hectares
plantés, dont une grande partie est constituée d'arbres
chétifs et/ou malades.
La période (1983 - 1992) été
caractérisée par le lancement des opérations d'accession
à la propriété foncière agricole (APFA) par la loi
83- 18 du 13 aout 1983 des textes d'applications relatifs à l'APFA par
la mise en valeur dans la région steppique algérienne. En 1998
l'attribution de 151,85 ha a concerné 23.913 bénéficiaires
dont 49.281 ha réellement mise en valeur. Selon Bourbouze (2000), les
opérations d'APFA ont permis l'attribution de prés de 100.000 ha
dont 10.000 ha seulement sont mise en valeur, par contre en 1970 et 1994 les
terres cultivées et les parcours en steppe sont passés
respectivement de 1,1 à 2,7 millions d'hectares et de 14,3 à 13,1
millions d'hectares sous la pression de défrichement illégaux.
En 1981, création du haut commissariat au
développement de la steppe (le HCDS) par le décret N° : 81 -
337 du 12 décembre 1981. Cet organisme a été chargé
de mettre en place une politique de développement intégré
sur la steppe en tenant compte de tous les aspects économiques et
sociaux. En 1994, le HCDS a élaboré le programme des grands
travaux d'aménagements steppiques qui vise d'abord à faire
connaitre le milieu steppique et d'améliorer ensuite les conditions de
vie des habitants des zones rurales tout en préservant le milieu naturel
et de lutter en parallèle contre le phénomène de la
désertification.
Le bilan de l'impact des programmes menés dans la
steppe algérienne a été présenté par le HCDS
en janvier 2005 aux représentants de l'ONU, dans le cadre des
journées de lutte contre la désertification tenues à
Alger. Selon ce bilan, l'ensemble des programmes aurait conduit aux
réalisations suivantes : la mise en défens de 3 millions
d'hectares de parcours ; la réhabilitation de 300 000 ha de parcours par
des plantations pastorales ; la réalisation de 628 ouvrages de
dérivation des eaux de crues pour l'intensification fourragère ;
la réhabilitation de 4 000 ha de surface agricole ; la densification du
réseau des points d'eau de 1 pour 6 000 ha à 1 pour 3 500 ha.
Malgré la contestation de plusieurs responsables et spécialistes
du programme et des projets établis et suivis par l'HCDS, et
malgré les critiques sur la gestion des fonds et sur la
réalité des chiffres communiqués, nous estimons que
l'expérience du HCDS peut être considérée comme
bénéfique pour le développement de la steppe et d'autres
zones arides et semi-arides en Algérie.
A la fin des années 1990, un programme de mise en
valeur (épierrement, forages, bassins d'accumulation) et de concession
à des particuliers a été lancé par la
générale des concessions agricoles (GCA). Ce programme s'est
soldé par de nombreux scandales à cause de la mauvaise gestion
des fonds ainsi que des mauvais choix d'emplacements des projets (des bassins
d'accumulation d'eau ont été réalisés dans des
zones manquant d'eau, comme c'était le cas dans la région de Sid
Ladjel dans la willaya de Djelfa).
En 2000, le programme national de développement
agricole et rural (PNDAR) visait au niveau de la steppe le développement
des cultures (céréales, horticulture) et de l'arboriculture en
irrigué. Ces deux derniers programmes (mise en valeur de la GCA et
PNDAR) ont permis grâce à une importante aide de l'Etat qui
finançait parfois l'intégralité de la mise en valeur des
terres (forages, construction des bassins d'accumulation, irrigation,
plantations...) d'accroître les superficies irriguées et les
productions. En même temps beaucoup de bénéficiaires de ces
terrains mis en valeur se sont orientés vers de nouvelles productions
(arboriculture fruitière, maraîchage), dont ils avaient peu
d'expérience et ils n'ont reçu aucune formation auparavant.
Malheureusement, ces programmes n'ont été suivis d'aucun
encouragement pour la production et le stockage des fourrages, visant à
compléter l'alimentation des troupeaux.
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En 2008, le programme de renouveau rural (PRR). Les surfaces
cultivables ont été réduites ces dernières
années au profit des surfaces consacrées à l'industrie,
à l'habitat et aux projets de relance économique. Une nouvelle
réorganisation (la loi n°08/16 du 3 Aout 2008) du foncier et des
acteurs sur le terrain a été promulguée afin de garantir
la sécurité alimentaire et d'assurer une bonne organisation et un
bon encadrement du secteur agricole. Pour la préservation du foncier,
cette loi prévoit la création d'une carte de délimitation
des terres agricoles ou à vocation agricole. Elle prévoit aussi
la création d'associations professionnelles d'agriculteurs qui
bénéficieront d'une assistance technique, et de nouvelles
coopératives agricoles qui auront pour mission de faciliter les
opérations de production, de transformation, d'achat ou de
commercialisation, et de réduire le prix de revient et le prix de vente
de certains produits agricoles et de certains services. Le programme de
renouveau rural qui cible les espaces occupés par une population
d'environ 13 millions d'habitants, a pour objectif l'amélioration du
niveau de vie des ruraux à travers des soutiens économiques et
sociaux, avec un encadrement et un accompagnement.
Son outil de mise en oeuvre local est le PPDRI (projet de
proximité de développement durable rural intégré),
qui agit sur quatre axes : réhabilitation et modernisation des villages
; protection et valorisation des ressources naturelles (montagne, steppe,
forêt, oasis) ; diversification des activités économiques
en milieu rural (tourisme, artisanat...) ; protection et valorisation du
patrimoine rural, matériel et immatériel.
Concernant les contrats de performance du renouveau rural
2009-2014, dans lequel s'est engagée chaque willaya, les
prévisions tablent sur le montage de 12 148 PPDRI. « Pour 2009, on
a monté 2096 projets alors que le tableau des contrats de performance
fait état de 1949 PPDRI », déclare Fatiha Déniche
chargé du dossier de développement rural au niveau du
ministère de l'agriculture (déclaration au journal EL Moudjahid
paru le 28 décembre 2009).
La multiplication des projets de développement dans la
steppe algérienne a aboutit à une crise d'évolution, car
aucun de ces projets n'a montré son efficacité. Aucun aspect du
problème du développement de la steppe n'a pu être
résolu en profondeur. Cet échec est dû à une
série de facteur qui a pesée sur l'exécution des
programmes de développement notamment : la méconnaissance des
problèmes des zones arides et du monde pastoral, le manque d'un
programme de développement intégré et le sous
équipement (Merabet, 1989).
Mais pour Bennaoum (1996), la multiplication des
théories, des projets, des expériences et des réalisations
en matière de pastoralisme n'est pas seulement une repense à la
crise que traverse la steppe algérienne. Elle traduit aussi le
désarroi des techniciens échaudés par leur propre
échec, démunis devant un monde qui ne les comprend pas et qui
oppose une force d'inertie capable d'annihiler tous les efforts orientés
vers l'amélioration de ces capacités de production. Les
coopératives traduisent par leur stagnation l'absence de communication
entre les décideurs qui suivent des technologies apprises dans les
livres ou observées en d'autres pays et les pasteurs devenus les
exécutants de décisions qui les dépassent.
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