Chapitre II - Les bouleversements du cadre ancien
Francine DEMICHEL situe de façon magistrale la
problématique et les enjeux de l'incidence du legs colonial sur
l'organisation des universités africaines. Elle dit en substance :
« Le modèle scientifique et technologique
français a été plus ou moins exporté et a
été imité. Or, ce modèle présente des
avantages mais aussi un certain nombre d'inconvénients et il est
relativement complexe. Avait-on besoin de reproduire la division
université/grande école dont nous sortons difficilement en France
? Avait-on besoin de reproduire de façon aussi rigide la division
organisme de recherche/organisme d'enseignement. Avait-on besoin de reproduire
de façon aussi rigoureuse la distinction filières
sélectives/filières non sélectives ? Avait-on besoin de
transposer la thèse qui est par essence le summum de
l'académisme, quand on sait, [..], que la distinction entre recherche
appliquée-recherche fondamentale est des plus fragiles, et que bon
nombre de recherches dans beaucoup de disciplines montrent qu'elle ne tient pas
?
Donc, on a transplanté, sans les avoir mûri
suffisamment, nos propres complexités, nos propres difficultés
[..] Nous avons un système [..] qui correspond à une histoire
nationale, [..] mais qui en tout cas, [..] n'était pas obligatoirement
transposable dans des pays qui n'avaient pas nécessairement cette
histoire ni ces traditions [..]
Donc ces retards ont eu un effet
accélérateur dans les pays africains puisque nous avons
exporté notre modèle qui était un modèle de
formation relativement généraliste et non pas professionnalisant,
et que la formation continue était pensée comme dans les
universités françaises, un peu aux marges du système,
à la frange, mais non pas au coeur du système [..].
Ce qui cause une crise polymorphe dans les universités
africaines, dont les facteurs sont historiques, économiques,
institutionnels et même sociopolitiques. Ce qui pose le problème
de la définition des finalités de l'enseignement supérieur
africain, ses buts, l'élaboration de ses programmes, l'esquisse du
profil de ses produits et leurs modalités de mise en oeuvre. Tels
semblent, aujourd'hui, les enjeux pour les universités africaines.
L'action doit donc porter, particulièrement sur des
rendements et l'efficacité de l'enseignement supérieur, puis les
conditions d'encadrement et la qualité de la formation et enfin les
infrastructures.
Section 1. Les rendements et l'efficacité de
l'enseignement supérieur
L'enseignement supérieur est porteur de
bénéfices économiques et sociaux potentiels, diffus et
difficiles à appréhender de manière exhaustive. Les
bénéfices potentiels pour les individus comprennent, par exemple,
des salaires plus élevés et une plus grande capacité
à épargner et
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investir. Ces avantages conduisent à une meilleure
santé et une meilleure qualité de vie en instaurant un cercle
vertueux dans lequel les améliorations de l'espérance de vie
permettent aux individus de travailler de façon plus productive pendant
une plus longue période. Les gains individuels profitent à toute
la société. Des gains plus élevés augmentent en
effet les recettes fiscales des gouvernements, la consommation, et donc,
potentiellement, la croissance économique.
L'enseignement supérieur a donc potentiellement des
effets directs sur l'économie et la société, en alimentant
en talents et en travailleurs hautement qualifiés divers secteurs de la
vie économique, sociale et politique.
1. Les rendements de l'enseignement supérieur
africain
Les effets de l'enseignement supérieur ne se
matérialisent que s'il est de bonne qualité et que les
diplômés de l'enseignement supérieur trouvent effectivement
un emploi ou exercent une quelconque activité sociale ou productive dans
laquelle ils expriment pleinement leurs talents. Ainsi, la pertinence de
l'enseignement supérieur est contingente du contexte de chaque pays. Par
exemple, si un système éducatif forme sans aucune prise en compte
des caractéristiques du marché du travail et du tissu
économique national, dans lequel la plupart des formés
s'insèrent, la valeur effective des formations offertes est faible pour
ceux qui s'impose un emploi « à faible qualification » ou
n'ont pas d'emploi du tout. » (UNESCO, 2008).
Le défi de l'enseignement supérieur africain
consiste à changer de paradigme ; pour procéder à un
recadrage. Ce recadrage, qui est un bouleversement du cadre
ancien passe par l'utilisation des TIC
(Banque Mondiale, 2013). Il est à noter à cet
effet que les TIC sont un phénomène transversal,
mondial et irréversible ; permettant des transformations
en profondeur (Banque Mondiale, 2016) :
- Les organisations et les relations entre les
acteurs ;
- Le cadre spatio-temporel de l'activité
économique, éducative et sociale.
Pour y parvenir, certains préalables restent à
remplir :
- Maîtriser les technologies et favoriser
leurs usages pour développer l'innovation et la
compétitivité des établissements
d'enseignement supérieur ;
- Former les spécialistes et les
utilisateurs des TIC ;
- Favoriser le développement des
établissements d'enseignement supérieur innovantes ;
- Évaluer les fragilités et
assurer la robustesse des systèmes d'information et de
communication.
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La vocation de l'institution universitaire est - entre autres
- de produire des diplômés pour le marché de l'emploi. Il
est ainsi logique que c'est à l'aune de cet objectif qu'en
l'espèce les rendements de l'enseignement s'apprécient.
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