Chapitre III - Un modèle organisationnel de quel
ordre ?
En sciences de l'artificiel (où s'inscrit la
présente étude), les artefacts sont des organisations ayant un
objectif social. La communication et l'université sont des artefacts qui
s'intègrent dans le sens de la communication dans l'université.
Le problème consiste à saisir le cadre dans lequel s'inscrit la
relation entre communication et université. La question en fait est de
savoir : « Comment qualifier l'environnement qui abrite cette relation ?
» ; c'est-à-dire l'université. Comprendre le modèle
organisationnel de l'UOB impose de revenir aux fondamentaux : les
théories de l'organisation. Ces dernières ont l'avantage
d'inscrire l'objet d'étude dans un cadre épistémologique.
Le but de ce chapitre consiste ainsi à situer dans un cadre explicatif
scientifique l'organisation de l'UOB.
Avec l'application du SWOT, le cadre analytique apparemment le
plus pertinent pour saisir le mode organisationnel de l'UOB relève des
approches systémique et fonctionnaliste (Aura PARMENTIER CAJAIBA,
Marie-José AVENIER, 2013). De même, l'analyse
développée ici se focalise sur le contexte organisationnel ;
d'où, les facteurs de blocages individuels - de type cynisme,
ambiguïté, tolérance au changement... - sont
occultés. Le point d'ancrage des données collectées
relève des caractéristiques de l'organisation dans le contexte
universitaire ; afin de poser une hypothèse.
Pour la communication universitaire, localement (Gabon) si
cette méthode semble une primeur, au plan international,
l'Université Cheik Anta DIOP (Sénégal) applique cet
exercice. En l'espèce, une observation directe (sur le terrain), se
couple à l'étude de documents (officiels ou non) circonscrits,
car exclusivement relatifs à l'organisation de l'UOB. Dans l'absolu -
nonobstant les limites évoquées précédemment - des
recherches complémentaires (sondage et entretien) sont forts utiles.
Sont donc évoqués ici le matériel et la
méthode de recherche, puis le résultat et la discussion de
recherche et enfin une synthèse partielle de la recherche.
Section 1. Matériel et méthode de
recherche
La démarche consiste ici en une étude
théorique et documentaire. Il s'agit de rappeler les théories des
organisations ; particulièrement celles se rapportant aux institutions
d'enseignement supérieure. Une attention particulière porte sur
les caractéristiques du fonctionnement de l'organisation. L'objectif
à terme est de relever les situations qui intègrent le SWOT en
termes de forces, faiblesse, opportunités et menaces.
Les théories des organisations aident à situer
les universités dans leur situation communicationnelle ; d'autant que
« l'organisation doit être directement saisie comme un
système de communication,
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c'est-à-dire, comme un système
contextualisé de comportements, de discours et d'opinions. Cette «
configuration », cette « forme sociale », ce «
système de communication », est agi par ses acteurs (ils
communiquent). Il est fait d'interactions. Il est dynamique. Il est
régulé par une culture propre [...] et il tend à se
maintenir en équilibre, ce qui signifie non pas rester invariant, mais
constant en tant que système [...] » (Pierre de SAINT-GEORGES,
2010).
Présentée comme artefact, le caractère
d'organisation des universités est indiscutable. Seul le type
d'organisation est imprécis. Il est ainsi logique d'explorer les
contributions des théories de l'organisation pour s'en faire une
idée.
L'organisation, dans les sciences de la communication
complète la sociologie des organisations, s'y articule tout en apportant
un regard spécifique (Pierre de SAINT-GEORGES, 2010). Christine Musselin
affirme que : « Pour P. Blau, les universités sont assimilables
à des bureaucraties, pour Baldridge, elles sont représentatives
de situations où la prise de décision obéit à des
processus politiques, tandis que pour Cohen et March, elles sont des anarchies
organisées » (Christine MUSSELIN, 1997). Le champ des
possibilités est vaste. Reste à savoir quelle formule
s'applique.
1. L'université en tant que bureaucratie
Le terme « bureaucratie » nait sous la
Révolution française pour fustiger les abus de pouvoir des
comités révolutionnaires. C'est un type d'organisation qui
renvoie aussi au pouvoir important des scribes dans l'Égypte pharaonique
et à Frédéric II rassemblant les lois de son royaume sous
la forme du code Frédéric, dans la Prusse du 18e siècle
(ENCGT, 2007/2008).
Max Weber (1864-1920) formalise le premier la bureaucratie.
Pour lui, la théorie de la bureaucratie est une approche de management
scientifique, dont le principal intérêt est d'être
égalitaire. Elle proscrit les considérations individuelles. En
effet, l'administration prévoit des règles appliquées
à chaque employé du seul point de vue de sa fonction. La
bureaucratie porte alors des valeurs de rationalité, de bonne
organisation et de contrôle. Elle s'applique aux environnements stables
et peu complexes. Par contre, ce modèle de la rationalité montre
des limites : son formalisme renferme des sources de dysfonctionnements
(lourdeur, rigidités, lenteur quand la taille augmente).
Sous l'angle des effets, des auteurs critiquent le
modèle rationnel de la bureaucratie. Sans le remettre en cause
fondamentalement, à partir des années 40, les sociologues
américains (Robert King Merton, Philip Selznick et Alvin Gouldner)
dévoilent les dysfonctions de la bureaucratie. Ils s'intéressent
au fonctionnement interne des organisations, plus qu'aux relations qu'elles
entretiennent avec leur société. Ils envisagent la bureaucratie
dans ses dimensions rationnelles et, a
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priori, irrationnelles. D'où, ils
émettent la théorie des « cercles vicieux
bureaucratiques » (ENCGT, 2007/2008). Dans les années 50, le
terme organisation remplace bureaucratie, liée à dysfonction.
Michel Crozier élabore ainsi une théorie des formes
bureaucratiques établissant les corrélations entre système
bureaucratique et relations de pouvoir (ENCGT, 2007/2008). Pour lui,
l'organisation résulte d'alliances, toujours renégociables, entre
groupes et individus aux stratégies changeantes. Appliquée
à l'université, Henry Mintzerg nuance le propos de Max Weber en
introduisant le concept de bureaucratie professionnelle. Dans ce cadre
d'analyse, deux pouvoirs - corps professoral et administration - se livrent une
lutte à l'université, avec comme enjeu l'autonomie
professionnelle.
Ces personnes hautement qualifiées veulent conserver
une importante autonomie dans leurs décisions, plutôt que
d'être soumises à des directives précises de superviseurs.
L'enseignant d'université est un décideur dont les
intérêts s'opposent facilement à ceux de l'administration ;
qui elle se soumet aux contraintes du bailleur de fonds qu'est le gouvernement.
Alors que l'enseignant se situe au centre de la production universitaire.
Grâce au principe de la liberté académique, il limite
l'étendue des contrôles exercés sur ses services et son
emploi du temps. Il reste libre d'enseigner ce qui lui plaît, de la
façon dont il l'entend (Isabelle BARTH, 2013). La recherche va plus loin
en rejetant la validité de la théorie de la bureaucratie pour
proposer celle de l'anarchie organisée.
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