Conclusion
L'expérience constituée tout au long de ce stage
à responsabilité au sein de la Maison du Couesnon a
été enrichissante à de multiples égards. L'internat
m'aura permis de me confronter au quotidien de jeunes placés en foyer,
d'observer le travail qui est mené avec les familles, ou encore de
découvrir le fonctionnement relativement complexe de la protection de
l'enfance. Le service extérieur, de par sa spécificité et
la diversité du public accueilli, m'aura permis de découvrir un
champ d'intervention assez large en me permettant de travailler auprès
de partenaires issus de divers horizons et de différents secteurs. Il
m'aura permis d'élargir considérablement mes connaissances
concernant les lieux ressources qu'il est possible de solliciter en fonction
des situations (scolarité, formation professionnelle, accompagnement
administratif des étrangers, logement, santé, etc.).
De plus, cette expérience m'aura permis de me
confronter avec un concept, largement utilisé dans le secteur
médico-social, et cela, quelque soit le public : l'autonomie. Cet
objectif d'autonomie est encore plus prégnant sur le service
extérieur compte tenu de la tranche d'âge qu'il accueille et des
enjeux liés à celle-ci. En réalité, sur le terrain,
on a parfois l'impression il ne s'agit même plus d'une finalité,
d'un objectif, mais bien d'une injonction institutionnelle liée aux
politiques sociales, voire dans certains cas, d'une condition de départ
à l'obtention d'une aide.
Mes différentes lectures m'ont permis de voir à
quel point les politiques sociales qui sont menées en direction des
jeunes majeurs pris en charge au titre de l'ASE laissent apparaître un
certain nombre de paradoxes et de dysfonctionnements. Il ne nous appartient
pas, en tant qu'éducateurs spécialisés ou futurs
éducateurs spécialisés, de changer ce cadre, mais il nous
faut réfléchir à l'accompagnement que l'on peut proposer
à l'intérieur du cadre qui nous est imposé. Car au bout de
la chaîne, c'est bien les personnes accompagnées qui en subissent
directement les conséquences et qui se retrouvent parfois en situation
de vulnérabilité à la fin de leur prise en charge. Nous
avons une responsabilité importante vis-à-vis des usagers que
l'on accompagne.
Rolland Janvier dit par ailleurs à ce propos qu'«
intervenir auprès d'une personne en difficulté est un acte
politique et participe à la construction de la société. Il
est donc nécessaire d'interroger à tout instant notre fonction
politique. Ne pas le faire, c'est se priver d'un regard lucide sur nos
pratiques professionnelles et risquer de cautionner, à notre insu, des
dérives utilitaristes166 ». Car comme Maëla Paul,
déjà citée précédemment, le souligne bien :
dans l'accompagnement « c'est cette dimension de réflexivité
et de critique qui est éminemment émancipatoire. Elle
soulève avec elle les insatisfactions
166 Janvier R., Matho Y., Mettre en oeuvre le droit des
usagers dans les établissements d'action sociale, Dunod, 2002,
p.175.
et les préoccupations des acteurs, contribue à
ce qu'ils en rendent compte et, par là, modifie leur rapport à la
réalité sociale en même temps qu'elle les inscrit dans le
monde. 167 »
Enfin, au-delà du renforcement de mon positionnement
professionnel, ce travail m'aura permis de prendre la mesure que chaque
personne accompagnée est en capacité de devenir autonome. Pour
cela, il faut partir de la prise en compte des besoins et des désirs de
la personne, tout en tenant compte des temporalités. Toutefois, compte
tenu parfois du peu de ressources de départ, il faut l'accompagner
à trouver de nouvelles ressources, de nouveaux supports pour
s'émanciper de l'aide sociale.
Le rôle de l'éducateur spécialisé
est alors de faciliter la compréhension, la distanciation et
l'extériorisation, car, rappelons-le, en citant de nouveau Maëla
Paul : « plus on diversifie les modalités de décentration et
d'aide à la prise de conscience, plus on facilite l'intégration
d'une posture intérieure de prise de recul et d'analyse de son propre
fonctionnement, à la base de l'autodétermination (capacité
à prendre librement ses propres décisions),
l'autoréférenciation et l'autorégulation (capacité
à utiliser et adapter ses ressources en cours d'expérience)
168».
La personne doit être suffisamment
éclairée pour opérer individuellement les bons choix
stratégiques qui lui permettront d'éviter les difficultés
qui peuvent se dresser devant elle. C'est ce que peut permettre notamment
l'identification des différents lieux ressources, ainsi que la
connaissance des dispositifs spécifiques ou de droits communs. À
condition que cet accès aux droits ne soit pas vu comme une
finalité mais bien comme un moyen.
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167 Paul M., Op. Cit., p.36.
168 Ibid.
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