Processus d'autonomisation des jeunes pris en charge au titre de l'ase et accès aux droitspar Clément Reussard Askoria (Rennes) - Diplôme d'Etat d'Educateur Spécialisé 2014 |
1. Contexte :a) Evolution de la jeunesse d'hier à aujourd'hui Quelques constats actuels Une catégorie difficile à identifier Qu'est-ce qu'un jeune ? La « jeunesse », ou « les jeunes » sont « des catégories complexes à définir, l'abondance de la littérature sur la question en témoigne14 ». En France, traditionnellement, les instituts de statistiques utilisaient la tranche d'âge 16-24 ans pour identifier « les jeunes » dans leurs enquêtes. Pourtant, on peut observer que l'homogénéité des nomenclatures statistiques se fissure puisque l'INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) a introduit récemment via ses enquêtes une nouvelle variable « jeune » qu'il définit par la tranche d'âge des 16-29 ans15. Il est possible également de rencontrer la tranche d'âge « jeune adulte » qui s'étend cette fois de 18 à 29 ans. Il apparaît donc difficile de poser des limites d'âge sur la « jeunesse ». Toutefois, ce qui est communément admis, c'est que la jeunesse est la période de la vie entre l'adolescence et l'âge adulte. Une catégorie d'âge qui tend à s'allonger Cet élargissement de la catégorie « jeune » reflète la difficulté de plus en plus accrue pour accéder à l'âge adulte ces dernières années. Déjà, en 2000, le rapport Charvet16 a permis de mettre en évidence une réalité commune à bon nombre de jeunes : « l'allongement de la période de la jeunesse, la prolongation des études et les difficultés d'accès à l'emploi et au logement ». Un rapport de l'Observatoire Nationale de l'Enfance en Danger (ONED) datant de 200917 souligne que la crise économique actuelle n'a fait qu'accentuer cette tendance. Les causes de cet allongement : de plus longues études et l'instabilité du marché du travail Pour Céline Jung, sociologue, la question de l'allongement de la jeunesse s'explique par une « plus longue dépendance familiale due à l'allongement des études et une vie active stable plus tardive due aux difficultés d'accès au marché du travail18 ». Les sociologues Nathalie Guimard et Juliette Petit-Gats notent quant à elles que cette difficulté d'accès au marché du travail est « la conséquence de la crise de la société salariale » qui a pour effet de « reporter l'indépendance financière et résidentielle » des jeunes puisque celle-ci est fortement liée à leur stabilisation sur le marché du 14 Nicole-Drancourt C., Roulleau-Berger L., L'insertion des jeunes en France, PUF, 2006, p.3-6. 15 Ibid., p.3-6. 16 Charvet D., Jeunesse, le devoir d'avenir, Rapport pour la commission jeunes et politiques publiques, 2000. 17 Rapport ONED, Entrer dans l'âge adulte. La préparation et l'accompagnement des jeunes en fin de mesure de protection, 2009, p.10-11. 18 Jung C., L'aide Sociale à l'Enfance et les jeunes majeurs. Comment concilier protection et pratique contractuelle ?, L'Harmattan, 2010, p.48-49. 22 travail19. Céline Jung note à cet égard que les jeunes sont actuellement les « premiers concernés par l'effritement de la norme du contrat à durée indéterminée et de certaines protections statutaires20 ». Pour traduire ce changement de contexte de l'emploi, Olivier Galland observe qu'il paraît « aussi normal à un jeune aujourd'hui de commencer sa vie post-scolaire par un stage qu'il apparaissait normal il y a 20 ans [...] de se faire embaucher dans l'entreprise où travaillait son père21 ». En effet, aujourd'hui, l'accès des jeunes à l'emploi est souvent marqué par « une période transitoire plus ou moins longue où alternent des périodes de chômage, des petits boulots, ou des statuts intermédiaires. Une situation en quelque sorte entérinée par la politique pour l'emploi des jeunes [...]22. » Cette multiplication des statuts intermédiaires est aussi le fruit d'une modification des politiques d'embauche des entreprises, qui « cherchent dorénavant à tester les compétences des jeunes qu'elles recrutent durant des périodes d'essai ou des phases probatoires qui ont [elles aussi] tendance à s'allonger »23. Les conséquences Dans ce contexte de crise, où il devient de plus en plus difficile d'accéder à un emploi stable sur le marché du travail, il semble que les jeunes soient, avec les séniors, les premiers à être touchés par des phénomènes de pauvreté. En effet, entre 2004 et 2009, la pauvreté (au seuil de 50 %) pour l'ensemble de la population a subi une augmentation de 16 %, passant de 3,9 millions de personnes à 4,5 millions. Sur la même période, celui des jeunes adultes (18-29 ans) a subi une augmentation impressionnante de 40 %: leur taux de pauvreté est passé de 7,9 % à 10,9 %, faisant passer le nombre de jeunes adultes sous le seuil de pauvreté de 670 000 à 941 00024. Comme le montre le rapport Charvet, ces évolutions ont aussi contribué à favoriser « l'association, dans les représentations collectives, entre jeunesse et problèmes ». Or, comme le souligne et le rappelle à juste titre ce rapport, « loin de démontrer l'existence d'un problème jeune, les transformations de la période de la jeunesse apparaissent à bien des égards comme un effet et un aspect de ces mutations économiques, sociales et culturelles » et renvoient avant tout à des choix collectifs25. Pour illustrer ce propos, il était d'ailleurs assez amusant, au moment où j'écrivais ces lignes, de lire Pierre Gattaz, à la tête du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF), proposer la création « d'un smic intermédiaire », inférieur au smic, « pour un jeune ou quelqu'un qui ne trouve pas de travail26 ». Une tentative de précariser encore davantage la jeunesse, comme le fut en 2006 le Contrat Première Embauche. 19 Guimard N., Petit-Gats J., Le contrat jeune majeur. Un temps négocié., L'Harmattan, 2011, p.21. 20 Jung C., Op. Cit., p.54. 21 Galland O., Sociologie de la jeunesse, Armand Colin, 2007, p.91. 22 Jung C., Op.Cit., p.54. 23 Galland O., Op. Cit., p.165. 24 « La pauvreté augmente chez les jeunes mais aussi chez les séniors », Inégalités.fr, publié le 23 février 2012 : < http://www.inegalites.fr/spip.php?article373> 25 Rapport ONED, Op. Cit., p.11. 26« Le Medef s'empare de l'idée d'un salaire minimum « transitoire » », Le Monde.fr, publié le 15 avril 2014 : < http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/04/15/pierre-gattaz-souhaite-l-instauration-d-un-smic-transitoire.html > 23 Eclairage historique : du sujet jeune à la catégorisation sociale du jeune majeur L'émergence du sujet jeune Céline Jung rappelle que « si l'Ancien Régime voyait le jeune sous l'angle de la filiation, l'esprit des Lumières introduit une dimension éducative : le jeune est celui qui apprend27 ». Le 19ème siècle met quant à lui l'accent sur le rapport des générations. Pendant le 20ème siècle, avec le développement de la psychologie, on pense la jeunesse comme un « processus de maturation28 » ou comme une période de crise, « un moment d'adaptation fonctionnelle29. » Enfin, à partir des années 60, c'est la sociologie qui va s'intéresser au sujet jeune en retenant davantage l'idée de passage et de transition, que proposait déjà la psychologie, mais en y incluant d'autres paramètres. Elle invite à regarder la jeunesse comme un « processus de socialisation », « une phase de préparation aux rôles adultes30 ». Depuis les années 1980, des évolutions majeures sont à prendre en considération, comme on l'a vu plus haut du fait de l'allongement de la jeunesse avec « des seuils qui l'encadrent qui se sont désynchronisés31 » et qui ne sont plus franchis de façon irréversible, que ce soit sur « l'axe scolaire-professionnel [ou] l'axe familal-matrimonial32 » L'émergence du sujet jeune adulte Comme le souligne Vincenzo Ciccheli, sociologue, l'expression « jeune adulte » unit deux éléments apparemment contradictoires et permet de « classer idéalement les jugements portés sur l'allongement de la dépendance entre les parents et les jeunes, en saisissant ce qu'ils partagent »33. Le « jeune adulte » renvoie donc tant à une position de manque qu'à une notion d'acquis, au moins partiels, nouvelle donne dans les rapports intergénérationnels34. Selon lui, « le rapprochement permet de juger le jeune pour ce qu'il n'est pas encore, mais qu'il aurait déjà dû être : mûr, indépendant, responsable, bref, tous les mots associés au champ sémantique du mot adulte35 ». Cette analyse semble transposable à l'expression « jeunes majeurs », même si dans ce cas de figure, la dépendance de ce public est moins familiale qu'institutionnelle36, dans la mesure où la prise en charge du jeune majeur relève d'une collectivité territoriale : le département. L'émergence du sujet jeune majeur Depuis quand utilise-t-on l'expression « jeunes majeurs » ? Historiquement, il faut tenir compte de l'importance de la loi du 05 juillet 1974 qui a abaissé l'âge de la majorité de 21 à 18 ans. Avec 27 Jung C., Op.Cit., p.45. 28 Galland O., Op. Cit., p.56. 29 Ibid. 30 Ibid., p.127. 31 Galland O., Ciccheli V., « Les nouvelles jeunesses », La Documentation Française, n°955, déc. 2008, p.8. 32 Ibid. 33 Ciccheli V., « Les jeunes adultes comme objet théorique », Recherche et Prévisions, n°65, septembre 2001, p.40. 34 Jung C., Op.Cit., p .49. 35 Ibid. 36 Kunhapfel R., Le dispositif du contrat jeune majeur comme d'accompagnement et de prise en charge après le placement. Comment fabrique-t-on l'autonomie des jeunes ?, 2012, p.12. 24 l'abaissement de la majorité, la question s'est posée des jeunes de toute cette classe d'âge devenus majeurs et qui bénéficiaient jusque là de l'assistance de l'Etat. C'est afin de s'adapter à cette nouvelle situation que des textes sont apparus permettant de prolonger la prise en charge jusque 21 ans : « - un décret de février 1975 instaurant une mesure judiciaire d'aide aux jeunes majeurs, (mesure PJM, protection jeune majeur). Il s'agit d'un public relevant essentiellement de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) ; - un décret de décembre 1975 instaurant une mesure administrative concernant le public relevant de l'ASE. C'est ainsi que l'on assiste à la construction d'une nouvelle catégorie sociale, les « jeunes majeurs». Il semble donc que dans le champ de la protection de l'enfance, l'expression « jeune majeur » correspond à une catégorie bien définie : les jeunes de 18 à 21 ans sans ressources ou soutien familial suffisants qui bénéficient d'une mesure d'aide37. » Le seuil de la majorité introduit en 1974 découpe clairement la population jeune en deux. « Elle établit un statut de majeur, opposé à celui de minorité. Aux premiers se rattachent automatiquement tous les attributs de l'adulte : autonomie et responsabilité. Le mineur, considéré comme vulnérable, doit être protégé, d'abord par son milieu ; mais éventuellement de ce milieu, c'est ce qui fonde l'assistance éducative. Toutefois ce passage d'un statut à l'autre est organisé par une acquisition progressive de certains droits. Pour F. Labadie, « cette situation induit des incertitudes concernant le statut de mineur et de majeur, et en conséquence créé des tensions entre les démarches à visée de protection et d'autres à visée de responsabilisation38 », qui ne peuvent pas se régler d'elles-mêmes à la date des 18 ans, et doit sans doute perdurer au-delà de la minorité. »39 La jeunesse comme temps d'expérimentation Selon Olivier Galland, « la jeunesse peut être définie sociologiquement comme la phase de préparation à l'exercice de ces rôles d'adultes, ce que les sociologues appellent la socialisation40 ». Sans s'y réduire complètement, il semble que l'entrée dans la vie d'adulte peut, en partie, être perçue comme le moment où certains marqueurs ou seuils de transition ont été atteints (comme le départ de sa famille d'origine, le premier logement, l'indépendance financière etc.). Pourtant, on l'a vu, avec les évolutions sociétales (telles que l'allongement de la durée des études, l'évolution du contexte socio économique, des moeurs et de la structure familiale) toutes les études insistent sur le déclin de la fonction intégrative tenue par certaines institutions comme l'école, la famille, le mariage, le service militaire. Les conditions d'entrée dans la vie d'adulte semblent donc se modifier41. Ainsi, comme le résume Olivier Galland, le modèle actuel se caractérise par « deux traits majeurs : un retard de plus en plus marqué de franchissement des principales étapes qui permettent d'accéder au statut adulte et une 37 Kunhapfel R., Op. Cit., p.12. 38 Labadie F., « L'évolution de la catégorie jeune dans l'action publique depuis 25 ans », Recherche et Prévisions, n°65, 2001, p.22. 39 Jung C., Op. Cit., p.45. 40 Galland O., Op. Cit.., p.127. 41 Kunhapfel R., Op. Cit., p.3-4. 25 désynchronisation de ces seuils42». Ce dernier évoque par ailleurs l'apparition d'une nouvelle forme de socialisation avec le passage « d'un modèle de l'identification à un modèle de l'expérimentation43 ». Il ressort que la référence au modèle identificatoire de ses parents ou référents éducatifs ne suffit plus pour se construire en tant qu'adulte, cela sous-entend que la socialisation « se fait par des temps d'expériences constitués d'essais, de succès ou d'échec jusqu'à parvenir à une définition de soi satisfaisante sur le plan de la self-esteem et crédible aux yeux des acteurs institutionnels 44». Ce temps d'expérimentation tendrait lui aussi à s'allonger. La jeunesse prend donc aujourd'hui la forme d'un passage marqué par la préparation et la mobilisation de soi pour acquérir une position de moins en moins programmée et prévisible puisque « le changement est devenu la règle45». Dubet parle lui d' « épreuve de la jeunesse » qui s'impose comme « l'expérience moderne par excellence quand rien n'est donné et que tout est acquis par les acteurs eux-mêmes46 ». Une jeunesse ou des jeunesses ? Enfin, il convient de prendre en compte que la jeunesse n'est pas un ensemble homogène et qu'elle peut être plurielle. Pierre Bourdieu fut d'ailleurs le premier à nous mettre en garde par sa célèbre expression « la jeunesse n'est qu'un mot »47. Pour lui, le concept de jeunesse constitue ainsi un abus de langage sous lequel on peut dissimuler des univers sociaux qui peuvent être très différents. Il parle même d'un enjeu de manipulations : « Il n'y a rien là que de très banal, mais qui fait voir que l'âge est une donnée biologique socialement manipulée et manipulable ; et que le fait de parler des jeunes comme d'une unité sociale, d'un groupe constitué, doté d'intérêts communs, et de rapporter ces intérêts à un âge défini biologiquement, constitue déjà une manipulation évidente. Il faudrait au moins analyser les différences entre les jeunesses, ou, pour aller vite, entre les deux jeunesses48». Bourdieu induit ici l'existence de différentes conditions d'existence au sein de la jeunesse française. C'est aussi l'occasion de rappeler que les grandes évolutions évoquées plus hauts impactent de façon différenciée les différentes catégories de jeunes, et plus particulièrement, les jeunes pris en charge par les services de la protection de l'enfance. Natalie Guimard et Juliette Petit-Gats notent à ce titre que l'indépendance de plus en plus tardive et l'incertitude qu'elle génère « ne s'effectuent pas avec les mêmes modalités pour tous les jeunes, et renforcent des inégalités déjà persistantes49 », citant Marc Bessin : « le brouillage des étapes du cours de vie n'accompagne pas un brouillage des classes : cette faculté de faire face aux incertitudes restant déterminée socialement, ces dérégulations accentuent 42 Galland O., Op. Cit., p.133. 43 Ibid., p.165. 44 Ibid. 45 Recherche-action effectuée avec la DDCS du Maine et Loire et quatre opérateurs du dispositif, Accompagner les jeunes vers l'autonomie dans le dispositif ville-vie-vacances, Résovilles, 2012, p.20. 46 Dubet F., « La jeunesse est une épreuve », in Comprendre, n°5, PUF, 2004, p.280. 47 Bourdieu P., Questions de sociologie, Éditions de Minuit, 1992, p.143-154. 48 Ibid. 49 Guimard N.,et Petit-Gats J., Op. Cit., p.21-22. 26 les inégalités50 ». Elles rappellent à ce titre que « les événements précarisants au sein de la cellule familiale (baisse de revenus, divorce, décès d'un parent, problème de santé) » auxquels sont plus souvent exposés les jeunes pris en charge par l'ASE, peuvent aussi « avoir des conséquences néfastes sur l'insertion professionnelle des enfants51 ». A titre d'exemple, « être orphelin à moins de vingt ans d'un ou de ses deux parents rend plus difficile l'accès à un diplôme, influençant alors le parcours professionnel52. Lorsque le jeune cumule plus de trois facteurs de précarité (problème de santé des parents, baisse de revenu des parents, éclatement familial durant l'enfance), le risque de rester à l'écart de l'emploi pendant les cinq premières années de la vie active est deux fois plus élevé.53 » Elles notent également54 l'impact du processus d'inflation des diplômes55 qui « affecte également les parcours scolaires et professionnels. Un jeune sortant du système éducatif sans diplôme a 26% de chances de rencontrer un parcours professionnel dominé par le sous-emploi contrairement à un jeune sortant avec un diplôme (2% de chances)56 » L'accession différée à l'âge adulte dans la population générale résulte de mutations familiales, sociales et économiques profondes et renvoie à la manière dont la société articule les responsabilités entre la famille, l'Etat et l'individu dans la transition vers l'âge adulte. Comme le pointe le rapport de l'ONED, ces mutations sont lourdes de conséquences pour le public spécifique de la protection de l'enfance, puisque déjà « fragilisé et disposant de moins de ressources familiales et sociales57 ». Les pouvoirs publics, qui ont été amenés à jouer un rôle de suppléance familiale vis-à-vis de ces enfants, ont donc, à ce titre, « une responsabilité particulière à leur égard58 ». Le chercheur québécois Martin Goyette a d'ailleurs travaillé sur le passage à la vie autonome pour les jeunes sortants des dispositifs de protection de l'enfance, qu'il qualifie de « rapide et brutal ». Pour lui, ces jeunes sont « confrontés à des injonctions paradoxales et leurs trajectoires sont des suites d'avancées et de reculs59 ». Contrairement aux jeunes de la population générale, ces jeunes là « doivent faire face à toutes les transitions en même temps plutôt que graduellement60 », et ce, alors même qu'ils y sont peu préparés et « qu'ils disposent de moins de supports et de compétences sociales 50 Bessin M., « La compression du temps : une déritualisation des parcours de vie ? », Education permanente, n°138, « les âges de la vie », 1999, p.75-85, p.4. 51 Lopez A., Thomas G., « l'insertion des jeunes sur le marché du travail, le poids des origines socioculturelles », Données Sociales, La Société Française, 2006. 52 Blanaïn N., « perdre un parent pendant l'enfance : les effets sur le parcours scolaires, professionnel, familial et sur la santé à l'âge adulte ? », Etudes et résultats, n°668, DRESS, oct. 2008. 53 Lopez A., Thomas G., Op. Cit. 54 Guimard N., Petit-Gats J., Op. Cit., p.22. 55 Passeron J-C., « L'inflation des diplômes », Revue française de sociologie, 23 (4), 1982. 56 Gasquet C., Roux V., « les sept premières années de vie active des jeunes non-diplômés : la place des mesures publiques pour l'emploi », Economie et Statistique, n°400, 2006. 57 Rapport ONED, Op. Cit., p.6. 58 Ibid., p.5 59 Goyette M., Projet d'intervention en vue de préparer le passage à la vie autonome et d'assurer la qualification des jeunes des centres jeunesse du Québec, Rapport final d'évaluation, 2007. 60 Stein M., Munro E.R, Young People's Transitions from Care to Audulthood, International Research and Practice, Child Welfare Outcomes, Jessica Kingsley Publishers, 2008. 27 que les jeunes de la population générale61 ». Emilie Potin, sociologue, explique dans ses travaux que « les inégalités de passage à la vie adulte sont autant dues au réseau social qu'à des critères plus visibles comme le logement ou l'emploi62 ». Céline Jung observe également que, arrivés à leurs 18 ans, « les jeunes sont rarement en mesure de quitter l'ASE. Les rares qui décident de se passer de l'aide éducative semblent voués à des parcours difficiles63 ». Elle rapporte les observations des partenaires qui les rencontrent dans des services sociaux du droit commun ou d'urgence : « ils ont d'abord eu recours au réseau familial, ce qui s'est rapidement montré inefficace, puis ont sollicité des aides amicales ; quand ce réseau arrive à épuisement, les jeunes se présentent dans ces services avec des besoins vitaux qui rendent le projet d'insertion prématuré : déscolarisation, addiction, prostitution, mauvaise santé physique et psychique, qui s'ajoute aux difficultés particulières liées aux changements induits par cet âge de la vie64 ». b) Les politiques sociales à destination des jeunes pris en charge au titre de l'ASE Un dispositif législatif à destination des mineurs : On l'a vu, pendant leur minorité, les jeunes sont situés dans le cadre de l'assistance éducative qui, rappelons le, énonce via l'article 375 du code civil que des mesures peuvent être ordonnées « si la santé, la sécurité, ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ». Article qui s'applique « sur le territoire français à tous les mineurs qui s'y trouvent, quelle que soit leur nationalité ou celle de leurs parents65 ». Il peut s'agir également d'un accueil provisoire définit par l'article 222-5 du Code de l'Action Sociale et des Familles concernant « les mineurs qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel, modulable selon leurs besoins en particulier de stabilité affective, ainsi que les mineurs rencontrant des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement ou dans un service (...)66 ». Un dispositif législatif à destination des jeunes majeurs : La France fait partie des rares pays, avec la Norvège, la Suède, la Finlande, les Etats-Unis et l'Angleterre, qui ont une législation spécifique en direction des jeunes majeurs dans le cadre de la Protection de l'Enfance (contrairement à l'Allemagne, l'Espagne et la Suisse notamment) 67. On l'a vu, cette législation repose historiquement sur le décret n° 75-96 du 18 février 1975 créant la mesure judiciaire d'aide au jeune majeur (PJM) suite à l'abaissement de l'âge de la majorité. 61 Goyette M., Op. Cit., 2007. 62 Potin E., Enfants placés, déplacés, replacés : parcours en protection de l'enfance, Erès, coll. « Pratiques du champ social », 2012. 63 Jung C., Op. Cit., p.142. 64 Ibid. 65 Code Civil, Dalloz, 2009, p.606. 66 Code de l'Action Sociale et des Familles, Dalloz, 2010, p.181. 67 Rapport ONED, Op. Cit., p.14. 28 C'est à peu près au même moment que la protection administrative pour les jeunes majeurs est instaurée sur les fondements du décret n° 75-1118, du 2 décembre 1975, relatif à la protection sociale de l'enfance en danger, qui permet de demander au département un placement approprié ou une action éducative, en cas « de graves difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisant ». L'aide administrative, mobilisée en cas de graves difficultés d'insertion, peut prendre la forme d'une aide éducative, d'un placement, du versement d'une aide financière ponctuelle ou d'une allocation mensuelle. Pendant longtemps ces deux types de mesures ont cohabité. En effet, avec les lois de décentralisation de 1982 et 1986, le département prend en charge les jeunes majeurs au titre de l'ASE alors que l'Etat prenait lui en charge les jeunes majeurs de la PJJ Mais depuis 2008, ce dernier s'est désengagé progressivement des mesures de Protection Jeune Majeur (PJM)68, afin de centrer son action exclusivement sur les mineurs délinquants. « Cela a pour conséquence un transfert de charge vers les départements qui peinent actuellement à absorber toutes les mesures (les jeunes issus de la PJJ sollicitant aujourd'hui l'ASE) d'autant que ce retrait de l'Etat ne s'étant accompagné d'aucun transfert financier. Ce cas qui n'est pas propre aux jeunes majeurs s'inscrit dans un contexte plus général de tensions entre l'Etat et les départements concernant la répartition de la dépense sociale69 » comme le souligne Régis Kunhapfel. Dans le même temps, la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance est venue confirmer la possibilité de poursuivre dans le champ administratif la mesure de protection pour les jeunes de moins de 21 ans « connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ». En France, en 2007, 21 565 jeunes âgés entre 18 et 21 ans sont pris en charge ou accompagnés par l'ASE. Ils représentent 0,84% de la population de cet âge70. Constat : de nombreux paradoxes Nombreux sont les ouvrages ou rapports qui relèvent les nombreux paradoxes de l'aide aux jeunes majeurs en France. Le caractère facultatif de l'aide aux jeunes majeurs L'ONED considère que si la loi réformant la protection de l'enfance de 2007 a confirmé le principe d'un soutien aux jeunes majeurs qui incombent aux départements, le caractère obligatoire n'a pas été affirmé et les conditions de mise en oeuvre suscitent le débat dans la mesure où « l'article L222-5 du code de l'action sociale et des familles relatif aux prestations de l'Aide Sociale à l'Enfance prévoit la prise en charge des jeunes majeurs comme une possibilité, mais laisse imprécis les critères d'attributions du Contrat Jeune Majeur avec notamment un flou autour de la notion « en difficulté »... 71» L'aide aux jeunes majeurs est donc bien une « possibilité » et « en aucun cas une 68 Helfter C., « Quel devenir pour les jeunes adultes », ASH, n°8690, avril 2010, p.25. 69 Kunhapfel R., Op Cit., p.12. 70 Rapport annuel de l'ONED, avril 2010. 71 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p.13. 29 obligation72 ». Cette mesure ne s'inscrit pas sur un mode binaire, « c'est-à-dire celui ou la demande de l'usager est satisfaite ou non en référence strictement aux conditions prévues par les textes73 ». De ce fait, « l'interprétation de l'agent prend une place importante et prend le risque d'un arbitraire74 ». La mise en oeuvre du CJM pose donc la question du positionnement des départements puisque le législateur met à leur disposition une mesure inscrite dans la loi, mais à « inventer dans la pratique.75 » La contractualisation : un processus de sélection Une autre évolution marquante du dispositif d'aide aux jeunes majeurs, probablement en lien avec le développement des politiques d'activation et marquant « le passage d'un modèle solidariste du risque à un modèle responsabiliste du risque76 », est le recours systématique à la contractualisation. En effet, d'après Petit-Gats et Guimard77, avant on ne parlait pas de « contrat », mais uniquement « d'aide aux jeunes majeurs », il s'agissait d'un droit quasi-automatique sans une formalisation d'exigences en contrepartie. Désormais, le jeune doit s'engager par l'intermédiaire d'un contrat avant d'obtenir un APJM, ce qui pose la question : quid des jeunes « en difficulté » mais incapables de contractualiser ? Effectivement, comment atteindre les jeunes les plus en difficulté avec des dispositifs qui ont tendance à s'adresser aux jeunes les plus à même de construire et de porter des projets cohérents et à laisser de côté les jeunes les plus en difficulté ?. Le recours aux contrats jeunes majeurs semble ainsi « partiellement déterminé par la manière dont le professionnel perçoit la situation autour de deux axes : la capacité d'insertion du jeune, et la qualité de la relation éducative. Se dégage notamment une situation que les qualifiée « d'idéale » où le processus d'insertion semble déjà engagé et où la relation éducative est jugée « satisfaisante ». Bref, il s'agit d'une situation au sein de laquelle le jeune est perçu comme un adulte responsable ayant déjà fait l'acquisition d'une forme d'autonomie... Le recours au dispositif paraît alors être proposé prioritairement aux jeunes qui sont les moins en difficulté78. » Pourtant, le rapport de l'ONED souligne que, « face à une contractualisation de la vie du jeune adulte souvent pensée comme « devant être un parcours sans fautes », le « droit à l'erreur doit rester possible comme pour tout autre jeune citoyen »79. L'incohérence des limites d'âge Enfin, c'est aussi l'incohérence des âges du passage à l'âge adulte et d'entrée et sortie dans les dispositifs d'aide qui est pointée avec une fin de scolarité obligatoire à 16 ans, une majorité civile à 18 ans, une fin de prise en charge officielle à 21 ans et des démarrages des minimas sociaux à 25 ans, auxquels « s'ajoutent des âges et des conditions spécifiques d'entrée dans les dispositifs d'aide à la 72 Jung C., Op. Cit., p.73. 73 Commaille J., Martin C., Les enjeux politiques de la famille, Bayard, 1998, p.113. 74 Jung C., Op. Cit., p.75. 75 Ibid., p.69. 76 Soulet M-H., « une solidarité de responsabilisation », in Le travail social en débat, sous la direction de Ion J., La Découverte, 2005, p.86-103. 77 Petit Gats J., Guimard N., « Ecrit de jeune en quête de statuts », Recherche familiale, n° 7, 2010, p.120. 78 Guimard N., Petit-Gats J., Op. Cit., p.9. 79 Rapport de l'ONED, Op. Cit., p14. 30 formation ou l'insertion qui engendrent des effets de seuil et de frontière préjudiciables pour les jeunes.» 80 Comme le souligne Régis Kunhapfel81, on peut légitimement « se demander en quoi et dans quelle mesure, l'âge seuil des dispositifs de protection de l'enfance peut contribuer à conditionner leur « devenir adulte » voire les conduire à être adulte beaucoup plus tôt ? ». De plus, cadrer cet accompagnement en termes de limite d'âge présuppose que chaque jeune acquiert une maturité et une autonomie selon la même temporalité alors que chaque individu se construit à son rythme et selon les ressources qui sont les siennes. Céline Jung regrette d'ailleurs que « la dimension symbolique liée au passage à l'adulte soit éludée dans le discours et la pratique du CJM82 ». Hétérogénéité des pratiques selon les territoires On observe une forte hétérogénéité des pratiques selon les territoires comme le souligne en 2007 Jean Michel Rapinat, directeur à l'Assemblée des Départements de France (ADF)83. Pour ce dernier, cela génère des inégalités entre les départements, qui ont tendance par ailleurs à limiter le nombre de Contrats jeunes majeurs même si les publics qui ont connu une mesure de protection durant leur minorité demeurent prioritaires. Pour les autres, décrocher une mesure de prise en charge par le département devient encore plus difficile. Face aux limites du dispositif, à l'hétérogénéité des pratiques territoriales, au désengagement de l'Etat sur des mesures de prise en charge et en l'absence ces dernières années de politiques publiques générales concernant les jeunes majeurs, les associations et professionnels de terrains manifestent une certaine inquiétude. L'hétérogénéité des pratiques est même constatable au sein d'un même département... c) Quelques constats actuels à l'échelle du département 80 Ibid. 81 Kunhapfel R., Op. Cit., p.5. Dans le but de mieux m'imprégner du contexte territorial, à l'échelle du CDAS de Fougères et à l'échelle du département, j'ai rencontré la Responsable Enfance-Famille du CDAS de Fougères, ainsi qu'une chargée de mission à la protection de l'enfance, en charge de la réflexion sur l'aide aux jeunes majeurs. Ces rencontres se sont tenues fin mars 2014 et m'auront permis, d'une part, de consolider les constats que j'avais pu faire à une plus petite échelle, et, d'autre part, d'enfin avoir accès à des documents expliquant les différents dispositifs spécifiques jeunes majeurs et de pouvoir en échanger avec des responsables de l'ASE. L'étude84 réalisée par Pauline Girardot à l'échelle du département constitue d'ailleurs un document riche d'informations. 82 Jung C., Op. Cit., p.150-151. 83 Dihl M., « Quel avenir pour le Contrat Jeune Majeur ? », Lien social, n°853, septembre 2007, p.8. 84 Girardot P., Processus d'autonomisation des jeunes pris en charge au titre de l'ASE : étude de parcours, 2013 31 Une préoccupation départementale Considérant que « tous les jeunes ne disposent pas de soutiens familiaux pour les guider et les soutenir dans un processus d'accès à l'autonomie85 », le département, semble s'interroger actuellement sur l'efficience des accompagnements proposés. En outre, il se questionne sur la portée des actions qu'il mène en direction des jeunes « dans une volonté de s'assurer de l'accès à ses services par les jeunes en situation de vulnérabilité86». Cette préoccupation « s'inscrit dans le cadre de travaux engagés par la collectivité et ses partenaires autour de l'élaboration du schéma départemental de protection de l'enfance 2013/2017. Elle prend place dans le volet : « le renforcement de la place et l'implication des enfants et des familles dans les accompagnements » au sein duquel se décline l'objectif opérationnel « Favoriser l'accès aux dispositifs de droit commun en tant qu'alternative ou en complémentarité avec une mesure ASE87. » Un recours massif à l'APJM, au détriment d'autres dispositifs existants Quelques données statistiques L'aide accordée aux jeunes majeurs au titre de l'ASE peut s'effectuer sous différentes formes : une prise en charge physique (APJM), une action à domicile (AED, TISF, accompagnement budgétaire) ou encore une aide financière.88 Au 31 mars 2013, « le département comptait 392 jeunes bénéficiant d'une mesure APJM, soit 14% du nombre total des prises en charges physiques. Ces jeunes sont accueillis pour 30% en famille d'accueil, 60% en établissement89, et 10% en FJT, chez un tiers, ou en logement autonome. À cette même date, le nombre de mesures d'Aides Educatives à Domicile (AED) jeunes majeurs était, quant à lui de 51, soit moins de 5% du nombre total des mesures d'action éducative à domicile. Concernant les allocations mensuelles, le département comptait 68 bénéficiaires sur les six derniers mois de 2012. Enfin, aucune mesure de Technicienne en Intervention Sociale et Familiale (TISF) et d'accompagnement budgétaire n'ont été mis en place sur ces mêmes périodes90 ». En outre, il est constaté une utilisation hétérogène des dispositifs selon les territoires. Par exemple, « la part des APJM peut représenter de 5 à 34% des prises en charges totales en fonction des CDAS91. » L'APJM Sur le territoire de l'Ille-et-Vilaine, il est constaté une « augmentation notable du nombre de prises en charge des jeunes majeurs dans le cadre de l'APJM92 ». Plusieurs raisons viennent éclairer ce 85 Ibid., p.1. 86 Ibid., p.2. 87 Ibid. 88 Ibid., p.26. 89 La part des jeunes majeurs accueillis en établissement est variable d'un CDAS à l'autre : de 14 à 86%. Cf. Innover pour l'autonomie des jeunes majeurs, Conseil Général 35, 2013. 90 Girardot P., Op. Cit., p.7. 91 Ibid., p.1. 92 Ibid. 32 recours massif à l'APJM, notamment « l'aspect sécurisant de cette mesure au travers des garanties qu'elle donne et de son cadre légal bien défini, ainsi qu'une certaine méconnaissance des autres dispositifs93 ». L'AED Jeune Majeur La mesure d'Action Educative à Domicile (AED) constitue une réponse à des difficultés d'ordre éducatif. Cette mesure vise à proposer à un jeune majeur un accompagnement éducatif à partir de son domicile et/ou de son environnement, qu'il vive dans sa famille ou qu'il soit déjà en logement autonome, y compris en foyer de jeunes travailleurs94. « La mesure d'AED peut être accordée aux mineurs anticipés et aux majeurs âgés de moins de vingt et un ans confronté à des difficultés sociales. Elle peut venir prolonger une mesure décidée pendant la minorité ou répondre à une situation de jeune majeur en difficultés. La mesure d'AED peut également venir soutenir un jeune après un contrat jeune majeur particulièrement lorsque le besoin d'une aide financière n'est plus que ponctuel. Le jeune majeur est signataire de cette mesure. »95 Pauline Girardot note que « cette mesure semble permettre aux professionnels de bénéficier de marges de manoeuvre sur les modalités de sa mise en oeuvre (fréquence des rencontres) ». Elle reste pourtant sous-utilisée dans le département puisque seulement 51 mesures étaient exercées au 31 mars 201396. Ce non-recours peut s'expliquer par un « manque de visibilité sur la mesure mais aussi par un manque d'automatisme de la part des professionnels à passer d'une mesure à une autre97 ». L'allocation mensuelle Jeune Majeur « Les aides financières au titre de l'ASE représentent aussi une possibilité offerte aux jeunes majeurs qui rencontrent des difficultés. Elles répondent à la nécessité d'une aide matérielle et ne constituent pas une intervention éducative. Ainsi, une allocation mensuelle peut être attribuée à un jeune majeur autonome. Est considéré comme jeune majeur autonome tout jeune répondant aux critères cumulatifs suivants: - Tout jeune qui réside à titre principal dans un logement indépendant tel que chambre, appartement, FJT, cité universitaire. Ne sont pas concernés les jeunes qui suivent une scolarité en internat ; - Tout jeune indépendant financièrement L'allocation versée est destinée à couvrir les frais à l'entretien, aux transports, aux loisirs, à l'habillement, à la scolarité, au logement du jeune98 ». 93 Ibid., p.26. 94 Ibid., p.31. 95 Extrait du Cahier technique de la vie sociale, « l'action éducative à domicile », n°207, novembre 2011, Conseil Général Ille et Vilaine. 96 Girardot P., Op. Cit., p.32. 97 Ibid. 98 Extrait du Cahier technique de la vie sociale, « L'accompagnement des jeunes majeurs de moins de 21 ans au titre de l'Aide Sociale à l'Enfance ». 33 Les allocations mensuelles sont « sous-utilisées, et lorsqu'elles sont utilisées il s'agit d'aides ponctuelles. Or, cette mesure prévoit la possibilité d'un accompagnement de plus longue durée, au travers de contrats d'accompagnement99 ». Les mesures de TISF ou AESF « Parmi les actions à domicile il existe également dans le département les interventions des Techniciennes en Intervention Sociale et Familiale (TISF) et les accompagnements budgétaires (AESF). Un des objectifs suivis par l'intervention d'un TISF est de favoriser l'insertion sociale ou l'intégration des personnes dans leur environnement (faciliter la mise en relation avec les institutions, favoriser l'insertion sociale - transports en commun, ...) sous formes d'actions individuelles ou collectives. Ces mesures qui pourraient être mises en place pour des jeunes majeurs ne sont pas ou peu actionnées dans le département. »100 Un faible accès aux dispositifs de droit commun Les réflexions départementales ont mis en évidence le fait qu'à partir du moment où les jeunes entreraient dans un dispositif spécifique, « ils bénéficieraient très peu ou pas des dispositifs de droit commun ». Le risque serait donc « d'enfermer » ces jeunes dans un système spécifique qui ne peut être que provisoire. L'étude propose d'interroger « dans quelle mesure les professionnels amènent les jeunes à bénéficier des dispositifs de droit commun, et si oui, par quel(s) moyen(s) et à quel(s) moment(s) de leur accompagnement101 ». Des réflexes et postures professionnels qui ne favoriseraient pas toujours l'autonomie Pauline Girardot estime qu'on peut en effet « s'interroger sur l'influence des pratiques professionnelles sur le processus d'autonomisation102. » Elle relève à travers son étude « un manque de connaissance et aussi de visibilité autour des autres mesures hors APJM, mais également des représentations quelques fois erronées de l'usage de ces mesures, ce qui ne permet pas une réelle adaptation des dispositifs et outils par les professionnels qui se les approprient peu103. » De même, elle interroge également des comportements de protection de la part des éducateurs de service pour appuyer une demande d'APJM d'un jeune, par exemple au moment de la majorité : « le professionnel qui exerçait dans le cadre d'une mesure de protection pendant la minorité du jeune, se doit désormais d'exercer dans le cadre d'une mesure d'aide éducative et considérer le jeune comme un jeune adulte. Lorsque l'accompagnement est installé dans la durée, ce changement peut s'avérer plus compliqué, et parfois, certains professionnels peuvent continuer à protéger le jeune, rendant alors plus difficile son accès à l'autonomie. Cette transition devrait alors se faire de façon lente et anticipée avant la majorité 99 Girardot P., Op. Cit., p.33. 100 Ibid., p.32. 101 Ibid., p.34. 102 Ibid. 103 Ibid., p.33. 34 du jeune afin d'amener la relation de protection vers une relation qui relève davantage du soutien et de l'accompagnement104. » Une nuance à apporter : la contrainte budgétaire Le département semble vouloir développer une diversification des dispositifs d'aide à l'attention des jeunes majeurs. Bien que la plupart des propositions préconisées semblent assez louables, il convient toutefois, à mon avis, de se rappeler que nous sommes dans un contexte de maîtrise de la dépense publique qui s'impose aux départements. Une AED Jeune Majeur ou une Allocation Mensuelle Jeune Majeur coûte en effet moins cher qu'un APJM. C'est ce que j'ai pu questionner durant mon échange avec la chargée de mission à la protection de l'enfance, qui reconnaîtra que le département a, dans un premier temps, interrogé très fortement le coût de la prise en charge jeune majeur, c'est pourquoi il a impulsé une étude sur cette aide départementale. En fait, il est apparu au cours de cette étude que les dispositifs mis en place par le département ne sont pas exploitées de façon optimales, du fait entre autre d'un manque de visibilité par les travailleurs sociaux et de postures professionnelles ne favorisant pas toujours l'autonomisation des jeunes. Je partage ce constat à certains égards, et pense également que de nombreuses améliorations sont possibles. Mais, il faut rester vigilant sur la forme que va prendre l'aide aux jeunes majeurs dans le cadre du nouveau schéma départemental dans les années à venir en l'absence d'un véritable dispositif de droit commun, tel qu'un revenu universel, ou un Revenu de Solidarité Active 105 garantie à cette tranche d'âge pourtant durement touchée par la crise économique. Ayant posé le contexte sociétal, législatif, institutionnel et territorial de notre intervention en tant qu'éducateur spécialisé auprès de ce public spécifique, il convient maintenant de se demander comment répondre à la commande de la prise en charge, à savoir : comment favoriser l'autonomie des jeunes pris en charge physiquement par l'ASE au sein d'un service d'accompagnement progressif tel que le service extérieur ? On commencera par interroger ce que signifie le terme « autonomie » avant de se poser la question plus spécifique de ce mémoire, à savoir : comment aider le jeune à mobiliser des ressources afin de favoriser son autonomie et son accès aux droits ? 104 Girardot P., Op. Cit., p.30. 105 Pour l'instant accessible presque qu'aux plus de 25 ans au vu des conditions d'accès (très restrictives) du « RSA-Jeune ». 35 |
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