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Société rurale face aux enjeux et défis de la participation dans les projets de développement local. Cas des communautés paysannes de Bria dans la haute Kotto.


par Ali Guy ABOUKAR
Université de Bangui - Master 2 de sociologie 2017
  

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3.3- Les diagnostiques participatifs dans le cadre des projets de développement local

La participation est au coeur des pratiques de conception et de mise en oeuvre des projets de développement. Ainsi, la participation des «bénéficiaires» à l'élaboration d'un projet passe par la réalisation de diagnostics ayant pour objectif l'identification de leurs besoins. Ces diagnostics sont le plus souvent réalisés selon les Méthodes accélérées de recherche participative (MARP) devenues bien souvent une exigence des principaux bailleurs de fonds subventionnant des projets de développement en

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Afrique. Ainsi, les MARP sont très populaires et largement utilisées par la majorité des intervenants du développement.

Ce type de diagnostic constitue une étape incontournable des actions de développement local à un tel point qu'une confusion existe entre MARP et approches participatives du point de vue de plusieurs acteurs interrogés. Ayant pour objectif d'évaluer de manière rapide les «vrais besoins» des populations et de fournir une « image fine et pertinente de la réalité»27, ces méthodes permettraient aux paysans de participer activement à la réalisation des projets de développement local. A l'ambition de rapidité, s'est vite ajoutée une exigence de dialogue avec les paysans, de prise en compte de leur point de vue dans l'analyse des situations et dans le choix des priorités. Ces méthodes de diagnostic seraient censées redéfinir les relations entre intervenants et populations puisque ces dernières deviennent actrices du changement social avec l'appui d'agents de projet jouant uniquement un rôle de facilitateur.

Nous nous intéresserons dans cette rubrique, à la façon dont ces MARP sont perçues par les différents acteurs du développement dans la commune de Bria pour ensuite dégager la manière dont ces exercices sont concrètement mis en pratique dans les projets de développement local. Mais débutons d'abord par dresser un bref survol des principes de base de ces méthodes dont les vertus semblent faire l'unanimité au sein de la communauté du développement.

3.4. Processus de mise en place des structures de participation

L'ensemble des structures de participation présentes aux différentes échelles d'intervention (villages, groupement, commune) sont de manière générale composées de plusieurs membres ainsi que d'un président, d'un vice-président, d'un secrétaire et d'un trésorier. Le processus de sélection des membres de ces structures est particulièrement important à analyser puisqu'il permet de rendre compte en partie de la représentativité des différents groupes sociaux au sein de celles-ci. À l'unanimité, les villageois interrogés affirment que le choix des personnes qui

27 Chambers et Cernea, op cit p.45

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assumeront ces postes se fait par consensus lors d'une assemblée villageoise convoquée à cet effet. Il est intéressant de souligner que la majorité des acteurs extérieurs avec lesquels nous avons discuté font, quant à eux, référence au vote comme moyen utilisé afin d'assurer une représentation des différents groupes sociaux au sein des structures de participation.

Cette culture du vote prônée par les projets se heurte à des réalités villageoises bien différentes où le choix des représentants se fait sur la base, non pas des compétences, mais plutôt de critères tels que l'âge, le statut, l'équilibre ethnique ou territorial. Une étude menée par le DRAS sur les Dynamiques Sociales et le Développement Local à Bria a permis de recueillir des témoignages de villageois très révélateurs à cet effet :

« Personnellement, j'étais intervenu pour dire que les gens sont les mêmes et qu'il ne doit pas y avoir un vote entre deux sages. Ils doivent s'entendre pour que l'un soit président et l'autre soit vice-président. Ils se sont entendus car l'un a dit qu'il serait le vice-président. C'est comme cela qu'il n'y a pas eu de tiraillements .Quand j'ai vu qu'ils voulaient recourir au vote, j'ai préféré me retirer pour lui laisser la place. »28

Comme l'explique le Chef du projet OXFAM « les membres des différentes structures sont supposés être élus de manière démocratique par le vote lors d'assemblées villageoises. Mais, pour avoir moi-même observé comment ça se passe, ce sont toujours les personnes proches du pouvoir coutumier qui sont désignées sans que personne d'autre n'ose s'interposer. »29

Par conséquent, pour l'ONG MAHADED, « ce mode de désignation selon le statut social fait en sorte que les membres de ces comités font le plus souvent partie de l'élite locale.»30 Du moment où une personne se présente et qu'aucune autre ne veut se présenter, alors c'est révélateur. Ce sont des gens qui sont influents. Il y a deux comportements au niveau du village : soit l'activité est perçue comme étant

28 Directeur régional des affaires sociales Entretien, le 28 juillet 2016 à 14h25Mn

29 Le chef de projet OXFAM à Bria entretien le 23 juillet 2016 à 10h 00

30 CB de l'ONG MAHADED, entretien le 28 juillet 2016 à 14h 35Mn).

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importante et à ce moment ce sont les personnes influentes qui cherchent à prendre le contrôle, soit l'activité est vu banale et ça ne les intéresse pas. Alors seulement, les personnes non influentes pourront avoir des postes. Lorsque c'est important, les membres d'une organisation vont tout faire pour bloquer les changements qu'on souhaiterait apporter dans la composition du groupe par exemple. »31

Bien que les agents du développement aient sensibilisé les populations quant à la nécessité d'éviter que les chefs de village occupent des postes au sein de ces structures, la consigne semble avoir été contournée dans la mesure où le chef se trouve le plus souvent représenté par des membres de sa famille. Le président de zone avec qui nous avons discuté nous confirme cet accaparement des structures participatives par les pouvoirs locaux.

D'après un membre d'un groupement au village Boungou, « ici le chef de village ou encore un de ses frères est la plupart du temps le président des comités de village. Lorsqu'il désigne un représentant, le travail n'avance pas, ce n'est pas sérieux. Si c'est le village, alors là le travail se fait. Par exemple, pour l'entretien des pistes, ce sont tous des gens désignés par le chef32.

Du point de vue des représentations populaires relatives au rôle du chef dans les structures villageoises, dans bon nombre des cas, on constate que la présence directe ou indirecte des chefs de village «va de soi ».

En effet, bien qu'il y ait une volonté de la part des projets d'utiliser un processus d'élection démocratique fondé sur le vote, on constate la persistance d'un système de consensus villageois influencé par les élites locales. On remarque donc qu'en réalité, la culture du vote mentionnée par plusieurs des acteurs extérieurs demeure de l'ordre du discours. Nos entretiens avec les villageois confirment plutôt la présence d'un système de consensus reproduisant les rapports de force présents dans l'espace politique locale.

31 CB de l'ONG MAHADED, entretien le 28 juillet 2016 à 14h 35Mn).

32 Membre d'un groupement, village Boungou 2 entretien le 28 Juillet 2016 à 16h 35Mn)

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Le processus de mise en place des structures de participation au sein du Projet de Développement à Bria confirme l'importance qu'accordent les villageois au consensus. Lors des discussions concernant le choix des membres ainsi que celui des personnes attitrées aux différents postes, les acteurs villageois interrogés font tous référence à un choix fondé sur le consensus lors d'assemblées prévues. Par conséquent, c'est toujours la même procédure. Les gens n'aiment pas passer aux élections tout de suite. Ils préfèrent chercher un consensus en assemblée générale au moyen de discussions et de négociations. Ce qui arrive le plus souvent, c'est que quelqu'un se propose et qu'il fait partie du cercle d'influence. Alors, plus personne n'ose se porter volontaire car ils savent qu'ils n'ont aucune chance.

Lorsqu'on approfondit la notion de consensus dont font mention les différents acteurs villageois, on constate une intrusion des enjeux des pouvoirs locaux et des rapports de force. En fait, on constate que la sélection des membres de ces comités se fait par désignation.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon