3.2.2-Le suivi-évaluation et la gestion des affaires
locales
Il faut noter ici que 7% de nos enquêtés disent
avoir participé au suivi-évaluation et à la gestion des
affaires locales en matière de participation au développement
endogène. La communauté met en place dans certains cas une
commission composée essentiellement des jeunes et des sages pour le
suivi des travaux d'intérêt collectif. Un agent participe
auprès de la communauté rurale à l'élaboration et
à la mise en oeuvre des projets communautaires. Il s'agit de l'agent de
développement local (ADL) qui est sous la supervision du Chef de service
préfectoral de Plan.
Le suivi, l'évaluation et la gestion des affaires
locales sont tenus par les sages de la communauté, les chefs coutumiers
et les élus locaux.
Ces problèmes sont également mentionnés
par certains acteurs villageois interrogés qui les considèrent
même comme le principal obstacle à la pérennité des
actions de développement menées dans leur village : « La
viabilité des projets est une question
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de bonne gestion. Les gens doivent faire une bonne gestion
et ne doivent pas se dire que c'est le projet qui a fait car alors ils ne vont
pas bien gérer.»15
Selon notre analyse, l'insuffisance du dispositif d'appui et
de formation ainsi que l'absence d'un programme d'alphabétisation
fonctionnelle explique la faiblesse de ces comités.
Pour le directeur exécutif de l'ONG VITALITE PLUS, les
comités de gestion mis en place ne sont toujours pas en mesure d'assurer
la pérennité des actions menées :
« La plupart des comités ont encore besoin de
formation et de sensibilisation. On doit obligatoirement mettre l'accent
là-dessus puisque la finalité des projets ce n'est pas
l'école ou la case de santé en tant que telle mais plutôt
de créer une dynamique qui favorisera une prise en charge à long
terme du développement par les populations locales. Le problème
actuel est vraiment le manque d'appropriation. On construit des écoles
et des puits et ensuite ça se perd. Les gens parlent de l'école
du projet, du puits du projet alors que celui-ci ne devrait être qu'un
simple outil. Présentement, il n'y a pas suffisamment d'efforts qui sont
faits pour leur expliquer que ça leur appartient. Très souvent,
on voit des villages qui attendent que l'État ou le projet vienne pour
faire les réparations sur une infrastructure. Il faut vraiment oeuvrer
à changer les mentalités. En ce sens, les activités de
formation et de renforcement des capacités jouent un rôle majeur.
»
3.2.3-La prise en compte des attentes de la population
A la lumière de cette étude, 13% de nos
enquêtés nous ont confirmé que leurs aspirations ont
été prise en compte. L'analyse de la manière dont
s'effectue le choix des actions de développement qui sont
réalisées dans les villages, dans le cadre du
Développement Local (DL), confirme l'écart entre la perception
des villageois et celle des agents de projet. L'analyse de ce processus de
prise de décision nous permet
15 Prise de position d'un membre du comité de
gestion du village Kongbo, entretien le 15 juin 2016.
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en fait de constater la persistance d'un modèle
descendant en ce qui concerne le choix des priorités et actions de
développement.
Cette logique de développement de haut en bas se
dégage clairement du discours des acteurs villageois interrogés.
Lors de nos entretiens avec des membres de Comités Villageois de
Développement, nous avons demandé comment s'est effectué
le choix des projets réalisés dans le village. Pour la
majorité d'entre eux, le choix entre telle ou telle infrastructure s'est
fait en fonction de l'information que les délégués
villageois ont obtenue sur le DL :
« C'est au cours d'une assemblée que nous
avons appris qu'avec le DL nous pouvions faire telle ou telle
chose16. »
« Lors de l'assemblée de zone, on voit ce que
le projet peut offrir, on revient avec l'information au village et ensuite
si ça nous intéresse, on fait une demande17.
»
« C'est le comité villageois de
développement qui capte les informations et convoque une
assemblée. Il informe alors tout le monde que selon les informations
qu'ils ont reçues lors de l'assemblée communale, qu'il y aurait
telle ou telle possibilité. Et c'est sur cette base qu'ils vont
décider de ce qu'ils vont faire18. »
Contrairement aux perceptions villageoises, les agents
communautaires mentionnent à l'unanimité que c'est lors d'une
assemblée villageoise que se discutent et se définissent les
«vrais besoins» et les priorités de développement d'un
village. Toutefois, nos entretiens avec les villageois révèlent
que cette assemblée est alimentée selon une logique de haut en
bas où des informations recueillies par des
délégués déterminent le choix des projets qui
seront subséquemment présentés au DL pour fins
d'approbation. Plutôt que d'être un espace d'échange et de
négociation des priorités, cette assemblée villageoise
représente donc davantage un espace d'information où le choix des
villageois se fait à partir de ce qu'offre le projet.
16 SABELENGA Eric membre du groupement, village
Yambelé entretien le 26 juillet 2016 à 10h 15Mn)
17 AZOUKANDJE Constantin Délégué
Technique, village de Yangoungba 2, entretien le 30 juillet 2016 à14h
50Mn
18 POUNOUTROUMON Gustave membre d'une Organisation
paysanne village Kocha, entretien le 22 juillet 2016 à 15h 15Mn
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Au même titre que le choix des projets villageois soumis
au Comité de Gestion de Commune, le choix des priorités et
orientations de développement de chaque zone est perçu par les
acteurs villageois comme étant descendant. L'assemblée de zone,
telle que mentionnée plus haut, a le rôle formel d'effectuer le
choix des priorités de développement de la zone, par voie de
consensus, en fonction des besoins exprimés par les villages. Toutefois,
aucun des acteurs villageois interrogés ne fait mention d'un espace
d'échange et de débat en ce qui concerne la définition des
priorités de la zone. En effet, plusieurs d'entre eux croient que le
choix des activités de la zone se fait non pas en fonction de leurs
besoins mais plutôt à partir de la programmation du comité
cantonal de développement.
La plus faible proportion représente 13,60% de nos
enquêtés qui mettent l'accent sur la prise en compte des attentes
de la population. On revanche, la prise en compte des savoirs locaux demeure
problématique.
Notre recherche sur la participation au développement
local dans la commune de Bria, nous a permis de constater un écart entre
le rôle formel attribué aux différentes structures de
participation mises en place et leur rôle tel que perçu par les
différents acteurs villageois interrogés. Ainsi, ce constat rend
compte de la présence d'un processus au sein duquel les villageois se
sont appropriés à leur manière les structures mises en
place. Bien que d'un projet à l'autre, il semble y avoir d'importantes
similitudes en ce qui concerne les rôles et responsabilités
attribués aux structures de participation.
La participation des populations est essentielle pour les
projets afin de s'assurer de leur volonté et de leur engagement à
faire de ces actions un succès. Cette participation prend la forme d'une
contribution matérielle, financière et physique et permettrait,
selon l'idéologie participationniste, une appropriation locale des
actions entreprises.
Selon l'un des responsables de l'ONG OXFAM, «
dès qu'il y a réalisation d'une infrastructure, il y a toujours
une contrepartie physique et .financière que doit fournir la population
pour la rendre consciente que la réalisation est en fait sa
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propriété. Elle doit se rendre compte que le
projet lui appartient. C'est la seule manière pour qu'elle porte
attention à son bien et qu'elle en assure l'entretien19.
»
Au sein du modèle de participation à Bria, la
participation physique prend quant à elle la forme d'une contribution
des villageois aux travaux en échange d'un perdiem visant à
compenser l'arrêt des activités quotidiennes
génératrices de revenus.
II est intéressant ici de remarquer que plusieurs des
acteurs villageois interrogés font référence à la
présence de rédacteurs alphabétisés venus des
villages voisins afin d'élaborer leur demande.
Notre recherche sur le terrain nous a permis de constater que
les villageois avaient acquis une perception très différente du
rôle associé à cette structure. En fait, ils attribuent aux
membres de ce groupement un rôle essentiellement de circulation
d'information :
« Les délégués collectent les
informations au niveau du projet. Ensuite, ils les divulguent aux membres du
groupement pour que chacun dans leurs hameaux en fasse part à leur
communauté20. »
« Maintenant, avec le Comité villageois de
développement (CVD), s'il y a de l'information par rapport au projet,
les délégués la ramènent et convoquent une
assemblée. C'est le seul changement que cela a
apporté21. »
Au sujet de la fréquence des rencontres, plusieurs
membres des organisations paysannes nous ont affirmé qu'il n'y en a
jamais eu. C'est juste pour faire circuler l'information sur le Projet. Dans ce
contexte, on suppose que la maîtrise d'ouvrage n'est pas l'oeuvre
collective de ce comité. En effet, aucun des acteurs interrogés
n'attribue un tel rôle au CVD. La prise de décision en ce qui
concerne l'approbation des microprojets qui seront réalisés dans
les villages s'effectue au niveau de la zone. Tout d'abord, une
assemblée de zone composée des trois
délégués de chaque village a pour rôle
d'élire les 10 membres (6 hommes et 4 femmes) appelés à
constituer le
19 Point de vue d'un responsable de
suivi-évaluation à l'ONG OXFAM à Bria
20 Opinion d'un membre de groupement au village
Ngoubi, entretien le 14 Août 2016.
21 Opinion d'un membre de groupement au village
Ngoubi, entretien le 14 Août 2016.
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Comité d'Octroi Zonal. Tout dépend du nombre de
villages par zone, cette assemblée peut regrouper de 33 à 75
personnes. Cette assemblée a également pour
responsabilité de définir les priorités et orientations de
développement de la zone et d'élire les
délégués qui seront présents au niveau communal.
Ainsi, on observe de manière générale,
à travers l'analyse des projets, un écart entre le rôle
formel attribué aux structures de participation par les acteurs
extérieurs et celui perçu par les villageois. On remarque par
ailleurs que les structures de développement villageois, plutôt
que d'être un lieu de prise de décision tel que prévu par
le projet, représentent dans la pratique un espace d'information.
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