2.3. Les techniques de collecte de données
En sciences sociales, il existe plusieurs techniques
d'investigation permettant ainsi de collecter des informations sur le terrain.
Pour mieux recueillir et analyser le discours de nos enquêtés
autour de notre objet d'étude, nous avons fait recours aux techniques de
collecte des données suivantes : la pré-enquête, la
recherche documentaire, l'observation préparée,
l'échantillonnage, les entretiens directifs et semi-directifs.
2.3.1. La pré-enquête
La pré-enquête est une étape
préalable et essentielle au commencement de toute recherche en sciences
sociales. Elle nous a donné l'opportunité de faire la
connaissance de notre champ d'étude, mais aussi de prendre contact avec
le Maire de la commune de Bria, les populations riveraines et les acteurs
institutionnels afin de collecter les premières données se
rapportant à notre objet d'étude. Elle nous a aussi permis de
voir les réalisations relevant des participations au
développement local et de tester la pertinence et la clarté des
questions formulées. Aussi, est-il que son intérêt
réside dans la connaissance du milieu d'abord et ensuite de l'ensemble
social sur lequel l'enquête s'est portée.
Page - 36 -
concernés par notre étude. Nous pensons aux
Directeurs Régionaux N°5 de Bria, notamment celui de l'Agence
Centrafricaine de Développement Agricole (ACDA) et celui des Affaires
Sociales, ainsi que les acteurs institutionnels de développement et les
autorités locales.
2.3.2. La recherche documentaire
Dans une logique de recherche scientifique, on est rarement le
premier à entreprendre cette étude. Alors la question qui fait
l'objet de cette étude aurait été partiellement ou
intégralement traitée par nos prédécesseurs ou par
des structures nationales et/ou internationales dans les zones ayant les
mêmes caractéristiques géographiques et sociales. Cette
phase a couvert toutes les étapes de notre recherche et a visé
dans un premier temps à capitaliser les connaissances utiles pour
l'orientation théorique de notre travail. En bref, nous avons
procédé à une revue de la littérature en lien avec
le sujet d'étude. Cette revue critique permet de faire une fouille
approfondie des théories et approches qui ont déjà
été émises par des chercheurs sur le
phénomène que nous cherchons à expliciter afin de montrer
leurs points de convergence, de divergence et d'en faire la synthèse.
Ainsi, nous avons recensé un certain nombre d'ouvrages susceptibles de
fournir des informations en rapport avec l'étude que nous avons
entreprise. Par conséquent, nous avons organisé cette revue de
littérature autour de deux (2) grands axes thématiques
suivants.
a) Axe thématique traitant de la
participation
Nous avons utilisé le document de Jean-Pierre CHAUVEAU,
Philippe LAVIGNE DELVILLE et un groupe de chercheurs de l'APAD intitulé
la participation en pratique. Ce document traite le problème de
la participation cachée dans les projets participatifs ciblés sur
les groupes ruraux défavorisés, sous l'angle de pessimisme
méthodologique.
En abordant le problème de la participation ces auteurs
se proposent de dégager les faits en précisant que ni
l'ajustement supposé des stratégies de développement rural
aux problèmes réels des populations, ni la dynamique de
l'autopromotions ne suffisent à transformer rapidement les
réalités socioéconomiques et les pratiques
Page - 37 -
réelles du développement. Ces chercheurs
montrent que les situations de projets participatifs orientés sur les
groupes les plus vulnérables cumulent à priori les sources
d'incertitudes quant à leurs effets réels. Ils nous montrent
aussi qu'une forte participation de l'ensemble des acteurs aux
différentes phases des projets peut être contradictoire avec la
prise en compte privilégiée de la situation des groupes les plus
vulnérables, car elle peut renforcer les dynamiques sociales
inégalitaires qui préexistent ou créer de nouvelles
inégalités. Selon eux « Sans la participation active des
ruraux, notamment des groupes défavorisés, il n'y a guère
de chance pour que les initiatives soient viables à long terme et que
les injustices dans les campagnes puissent être corrigées ».
Tout en adhérant à ce postulat, ils ont jugé plus
productif d'adopter une attitude de « pessimisme méthodologique
» afin de mieux identifier les obstacles et les malentendus auxquels peut
se heurter la stratégie du développement participatif
orienté sur les plus pauvres.
François DOLIGUEZ (2005), quant à lui, a
écrit l'ouvrage intitulé : la participation : un cadre
d'analyse ». Avec l'approche empowerment, l'auteur retrace
l'évolution au niveau du concept de participation de l'animation rurale
dans le cadre des indépendances à l'empowerment des politiques
actuelles de lutte contre la pauvreté, de faire le point sur les
pratiques réelles et de contribuer aux débats en cours sur les
conditions et les enjeux, de sa mise en oeuvre opératoire dans le cadre
actuel de la coopération au développement.
Par ailleurs, DOLIGUEZ (2005) souligne que la «
participation » est un thème récurrent qui existait
dès la mise en valeur coloniale ; et de ce fait, plusieurs objectifs
peuvent être relevés derrière la participation car certains
sont expressément utilitaristes. Ensuite, il nous fait savoir que dans
les interventions de développement, « il y a un décalage,
quasiment inévitable, entre les populations visées et celles qui
sont touchées : certaines « participent » sans être
prévues, d'autres sont exclues par le projet parfois sans qu'ils s'en
rendent compte, d'autres enfin ne sont pas intéressées et restent
à l'écart ». Il a également mis l'accent sur le
placage des valeurs occidentales, souvent inconsciemment de la participation un
idéal du comportement citoyen. Mais, force est de constater que,
souvent, cela n'est pas le
Page - 38 -
cas et que certains se contentent d'user les droits et
services que d'autres ont conquis par la lutte sociale. Pour finir, l'auteur
met un accent sur la question de la relation entre participation et le statut
social, selon lui dans les sociétés sahéliennes (et
d'autres), la participation est liée au statut social. D'où le
questionnement sur la « représentativité » dans la
participation.
CHAMBERS et CERNEA (1998) dans leur ouvrage intitulé
le développement rural et la pauvreté cachée, en
abordant le problème de participation avec l'approche participative ces
auteurs ont beaucoup insisté sur l'importance que les populations
défavorisées deviennent actrices de leur propre
développement. C'est dans cet ordre d'idées que CHAMBERS demande
aux intervenants qu'il appelle «outsiders», de changer leurs
pratiques afin d'écouter ce qu'on à dire les «exclus»
et d'utiliser leur marge de manoeuvre à leur profit. Il recommande aux
intervenants d'arrêter de mépriser les pauvres et d'apporter les
changements nécessaires dans la relation qu'ils entretiennent avec eux.
Enfin, il met l'accent sur la nécessité de découvrir les
connaissances et savoir des populations et de se «mettre à
l'école des pauvres».
Nous avons exploité aussi l'ouvrage de Philippe LAVIGNE
DELVILLE 2003) intitulé « De la participation à
l'animation rurale ». L'auteur fait recours au populisme
méthodologique pour aborder le thème de la participation à
l'époque de la création de l'IRAM à la fin des
années 50. Pour lui, c'est un thème récurrent du
développement. Ainsi, il précise que la participation permet
d'avoir de la main d'oeuvre gratuite ou à coût réduit et
une intervention plus « efficace », parce qu'elle part des «
besoins exprimés » (avec tous les biais connus) et non des
idées préconçues des « développeurs »,
parce qu'elle corrige l'action en fonction des opinions (effet « feed back
» du suivi-évaluation), parce qu'elle informe correctement les
populations et évite les rumeurs (dimension communication, plus ou moins
manipulée). En bref, la participation relève de la fameuse
«Participation, piège à con» ou la caricature si
souvent dénoncée, mais encore pratiquée par de nombreuses
ONG et projets, notamment vis-à-vis des « paysans » ou des
« femmes ». Ces derniers « participent » en amenant les
matériaux, en cotisant, en s'inscrivant dans les organisations ad-hoc,
en balayant les points d'eau, voire en
Page - 39 -
préparant les repas lors de stages, sous le regard
complaisant des techniciens et des cadres intermédiaires. On conclut que
ces auteurs dans leur analyse ont mis l'accent sur la manière dont les
paysans participent au développement.
b) Axe thématique abordant le problème de
développement local
Dans l'ouvrage de Damien TALBOT (2003) intitulé «
la gouvernance locale, est-elle une forme de développement local et
durable ? », l'auteur aborde le problème de la gouvernance
locale qui peut présenter des caractéristiques de
durabilité. Dans son analyse, il définit le développement
durable comme un mode de développement qui répond aux besoins des
acteurs présents sans compromettre la capacité des
générations suivantes à répondre aux leurs en
démontrant que les principes fondateurs d'interdépendance et
d'éthique du développement durable sont partiellement
appliqués. Toutefois, le caractère durable des pays est
limité par nombre de difficultés. Les principes de
prévention, de précaution et de participation des acteurs sont au
coeur d'un mode de développement qui se veut solidaire et
partagé. Et toujours selon lui, la gouvernance renvoie au système
de décision publique préconisant une diminution de l'intervention
étatique et/ou une affirmation de la participation des acteurs
privés à la définition et à la mise en oeuvre de
l'action publique.
LAMOTHE D. (2010) dans son mémoire de DEA
intitulé « l'évolution des initiatives par les acteurs
locaux de la commune à travers des projets de développement
exécutés dans la région d'Haïti », explique que
les initiatives du développement de la commune d'Haïti était
sous le contrôle des acteurs individuels jusqu'à la fin des
années 70. Des acteurs religieux et certains notables ont essayé
d'apporter leur contribution à l'amélioration et à la
création de quelques services de base au profit de la communauté.
Ces associations ont essayé d'avoir une vision du développement
plus large par rapport à celle des acteurs individuels. Pour atteindre
leur objectif, elles ont entamé de nouvelles formes de mobilisation leur
permettant d'intégrer davantage la population locale dans ce processus
de développement. Cette forme de regroupement de la population sous
forme associative a suscité une
P a g e - 40 -
harmonisation vers un objectif unique qu'est le
développement de leur territoire. Les apports de l'État central
via les représentants des collectivités territoriales se sont
révélés faibles pour aider à satisfaire les besoins
primaires de la population. Les résultats publiés par ce jeune
chercheur, ont montré que la plupart des initiatives de
développement prises par les associations communautaires sont à
caractère social. Dans ce cas, l'auteur a souligné l'insuffisance
d'activité de création d'emplois pouvant contribuer à
l'autopromotion des acteurs locaux.
En conclusion nous pouvons dire que ces auteurs ont
abordé le même problème avec des visions qui
diffèrent de l'un à autre. Le premier a mis l'accent sur
l'approche de développement durable. Par contre, le second a mis en
avant l'approche de développement communautaire pour aborder le
même problème.
En nous référant à la thèse de
doctorat de Fritz DORVILIER dont le sujet porte sur « l'apprentissage
organisationnel et dynamique de développement local en Haïti
», l'auteur a précisé qu'une dynamique associative entre
les paysans crée du développement communautaire par la
valorisation des secteurs d'ordre économique, social et politique. Leur
modèle de production vise l'augmentation de la productivité
agricole et se construit autour « des principes éthiques promouvant
l'égalité et la solidarité ». Cette pratique leur a
permis d'assurer de par eux-mêmes l'autosuffisance alimentaire. Autrement
dit, les paysans s'investissent dans une dynamique socio-organisationnelle leur
permettant de consolider les liens entre eux. Cette forme d'organisation
pratiquée par ces acteurs locaux a incité une dynamique
collective pour le développement territorial. Ce système
d'apprentissage a permis aux paysans de mieux comprendre leur
réalité de vie en milieu rural. Ils définissent de par
eux-mêmes plusieurs formes d'organisation du travail de manière
collective.
A travers cette dynamique associative, les «
acteurs-paysans »visent la gestion durable de leur territoire tout en
évitant les erreurs commises par le mouvement populaire associatif du
XIXème siècle et début du
XXème. Toutefois, les « acteurs-paysans » restent
vigilants vis-à-vis des acteurs nationaux afin d'éviter que leur
mouvement soit désorienté pour des raisons purement
politiques.
P a g e - 41 -
Par ailleurs, Y. SAINSINE dans sa thèse de doctorat en
développement-environnement-population porté sur « la
mondialisation, développement et paysans au
Sénégal : proposition d'une approche en terme de
résistance », a précisé que les
communautés paysannes des sections communales du Sénégal
étudiées pratiquent un modèle de «
développement autocentré ». Ce modèle se
définit à travers des initiatives de développement
à caractère social, politique, économique et culturel.
Cette pratique permet à la communauté locale de
satisfaire ses besoins fondamentaux avec l'utilisation des « ressources
humaines et matérielles locales ». Les paysans s'organisent en
associations et arrivent à mettre en place des stratégies
d'autofinancement, d'épargne collective, de prêts et dons
d'intrants agricoles, etc., pour essayer de résoudre en particulier les
problèmes de productivité agricole. Chaque communauté
s'emploie à redéfinir des règles de vie en
collectivité et prônent l'interdépendance de ses membres
afin de lutter contre l'enrichissement individuel. La réussite
individuelle est souvent mal perçue et vue comme un risque potentiel de
désagrègement de la communauté et des solidarités
prônées comme valeurs primordiales.
Il faut conclure que de par son courant de pensée,
Fritz DORVILIER met l'accent sur « l'approche du développement
local » pour défendre sa thèse. Par contre Y.
SAINSINE faisait recours à l'approche de développement
autocentré pour défendre sa théorie. En bref, les
modèles du développement défendus par tous les auteurs
présentent des limites, car en dépit de l'intégration des
facteurs sociologiques, il est question de voir leur influence sur le
développement local. A titre d'exemple, dans le cas spécifique de
la RCA, la prise en compte de ces modèles de développement
nécessite un dispositif de recueil et d'actualisation d'informations sur
la vie socio-économique locale. Cela signifie que le champ d'application
de ces modèles est limité à des pays
développés avec une configuration économique
maîtrisée, ce qui fait défaut dans les pays moins
avancés dont le Centrafrique fait partie.
P a g e - 42 -
|