SIGLES ET ABREVIATIONS
APSA : Architecture africaine de paix et de
sécurité
BAD : Banque africaine de développement
CEA : Communauté économique africaine
CEEAC : Communauté économique des Etats de
l'Afrique Centrale
CEMAC: Communauté économique et monétaire
de l'Afrique Centrale
COPAX : Conseil de paix et de sécurité de
l'Afrique Centrale
FMI : Fonds monétaire international
HCR : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés
IDH : Indicateur de développement humain
NU : Nations Unies
OCDE : Organisation de coopération et de
développement économique
OIF : Organisation internationale de la Francophonie
ODD : Objectifs de développement durable
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
développement
ONG : Organisation non gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
OSC : Organisation de la société civile
PAS : Programme d'ajustement structurel
PIB : Produit intérieur brut
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
développement
RCA : République Centrafricaine
RDC : République Démocratique du Congo
UA : Union africaine
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour
l'éducation, les sciences et la culture
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
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INTRODUCTION GENERALE
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Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Les sociétés d'Afrique Centrale sont comme
celles du monde confrontées aux défis des relations
interculturelles qu'entrainent avec plus d'acuité la mondialisation, les
nombreux échanges internationaux et les déplacements migratoires
des peuples1. Par le jeu du «déplacement de l'espace
et du lieu»2 que décrit GIDDENS, on y entend de
plus en plus parler de diversité et de relations interculturelles visant
à parvenir à des sociétés sûres et
pacifiées.
Dans une configuration sous-régionale
considérée comme un «ensemble de
tensions»3, figurent parmi les vecteurs de troubles et de
violences, la relative accalmie autour de la propagation du conflit avec Boko
Haram, la fragilité constante au lendemain de la crise en
République centrafricaine, la résurgence des troubles en raison
des élections et les tensions anticipées par d'autres scrutins
récents ou à venir dans la sous- région,
l'insécurité maritime dans le Golfe de Guinée, et
l'instabilité persistante dans la région des Grands Lacs devenue
«l'Afrique Centrale de la communauté diplomatique et des
médias » etc. Dans le même temps, ces crises et tensions
découlent d'un climat mondial d'insécurité transnationale
marqué par la recrudescence de l'extrémisme violent et de
l'intolérance, mais aussi des crises humanitaires persistantes et
accentuées ayant entrainé des milliers de déplacés,
réfugiés et migrants tant aux frontières qu'à
l'interieur des Etats.
Cette «crise multidimensionnelle des
civilités»4 a des répercussions profondes
sur les trajectoires socio-politiques des Etats qui, pour la plupart sont
résolumment et inextricablement engagés dans des processus de
développement avec un succès mitigé plusieurs dizaines
d'années après les indépendances. Faisant suite à
une gouvernance déficitaire et en crise depuis lors, les
sociétés de la sous-région n'affichent que d'une
manière mollusque et frêle le sentiment d'une identité
commune et partagée en termes d'initiatives de construction de la paix
au sens d'une véritable «Pax Africana»5.
Chaque situation de conflit présente en effet, une forte
1 Jean KARINA, La gestion de la diversité :
Caractéristiques et implantation, Université de Sherbrooke,
Volume 4, N°2, Automne 2000, P 2.
2 GIDDENS définit la mondialisation comme «
une intensification des relations sociales mondiales qui relient des lieux
éloignés d'une telle façon que ce qui se passe en un lieu
porte l'empreinte de ce qui se passe dans un autre lieu éloigné
de nombreux kilomètres, et inversement» (GIDDENS 1999: 85)
3 Mwayila TSHIYEMBE, « Les principaux déterminants
de la conflictualité », in Paul ANGO ELA, La Prévention
des conflits en Afrique centrale. Prospective pour une culture de paix.
Paris, Karthala, 2001, P.14.
4 Sébastien ROCHE, « Les incivilités,
défi à l'ordre social », Projet n°238,1994,
PP.37-42.
5 Ali MAZRUI, Towards a Pax Africana, Chicago: Imprimerie de
l'Université de Chicago, 1967, P.158. Ali Mazrui, le tout premier
prophète de la «Pax Africana», fut l'un des plus
anciens analystes à articuler la
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Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
dimension d'exclusion sociale des groupes socio-culturels ou
politiques qui, longtemps marginalisés reclament de plus en plus une
place importante dans le vaste chantier de la démocratisation des
sociétés en Afrique6.
Pourtant à proprement parler, la diversité n'est
pas un phénomène nouveau en Afrique Centrale, même si l'on
a pas toujours employé les mêmes termes pour décrire des
sociétés qui renferment à l'intérieur de leurs
frontières des groupes sociaux divers. Historiquement, la sous-region
garde dans son tissu des traces multiples de migrations intracontinentales, et
de redécoupage des frontières ayant entrainé un vaste
brassage des peuples et des communautés dans des relations pouvant
justifier et expliquer l'apparition des conflits7.
Comme une réponse et une adhésion formelle des
dirigeants au processus total et irréversible qu'impose désormais
la gestion des différences au sein des sociétés modernes,
la diversité culturelle fait naître auprès des acteurs
socio- politiques et économiques interessés par la
stabilité de cette sphère géopolitique une nouvelle
conceptualisation du vivre-ensemble conciliant à la fois les
préoccupations sécuritaires et les programmes de
développement déployés en faveur des peuples8.
Cet état de faits laisse entrevoir la nécessité de
s'interroger sur les processus de construction de la paix à
l'épreuve de la diversité culturelle.
Notre introduction générale s'articulera autour
de la définition des concepts (1), la revue de littérature (2),
la problématique de l'étude (3), le bloc des hypothèses
(4), l'intérêt du sujet (5), la présentation du champ
d'analyse (6), les considérations méthodologiques (7) et la
structure de l'étude (8).
nécessité pour les Africains de prendre en
charge la responsabilité de garder, de construire et de consolider la
paix sur leur propre continent.
6 Ibrahim MOUICHE, «
Démocratisation et intégration sociopolitique des
minorités ethniques au Cameroun », Codesria Books Series, 2012.
7 On considère que des groupements sociaux et des
catégories socialement construites autour de certaines variables comme
la langue, la religion, l'ethnie, l'identité nationale ou la couleur de
la peau rendent compte de la manière dont l'existence des
différences et de leur signification dans la société
tendent à être fortement problématique et sont susceptibles
de conduire à des troubles et conflits.
8 Nations Unies, 2012, Manuel sur les affaires civiles du
DOMP/DAM, chapitre 8 ; et SHAW T. M., 2003, « Regional Dimensions of
Conflict and Peacebuilding in Contemporary Africa », in Journal of
International Development, vol. 15.
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Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
1- DEFINITION DES CONCEPTS
À en croire DURKHEIM, « la première
démarche du sociologue doit être de définir les choses dont
il traite afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est question
»9. C'est le préalable qui permet à tout
chercheur d'établir les bornes de la question qu'il veut traiter, cela
permettant de ne point embrasser tous les aspects du phénomène
social que l'on a en présence de soi10. Pour éviter de
se perdre dans le flou sémantique, l'imprécision ou l'arbitraire,
le chercheur doit lever toute équivoque sur les concepts quant à
certains termes et notions voisines, délimiter sa signification par
rapport à ce qu'il est et ce qu'il n'est pas, afin d'éviter de
graves méprises qui l'écarteraient de la voie tracée vers
de grandes découvertes11. Dans le cadre de notre travail,
seront l'objet d'un contenu définitionnel les concepts de «
politiques publiques », de «gestion de la
diversité culturelle», ainsi que ceux de «
construction de la paix ».
A-Les politiques publiques
La définition conventionnelle
généralement retenue veut qu'une « politique publique se
présente sous la forme d'un programme d'action propre à une ou
plusieurs autorités puliques ou gouvernementales
»12. Selon une formule célèbre il s'agit de
« ce que les gouvernements font, pourquoi ils le font, et ce que
ça change »13. Pour JENKINS, « les
politiques publiques refèrent non seulement à un ensemble de
décisions interreliées, prises par un acteur politique ou un
groupe d'acteurs politiques, mais aussi à la sélection des buts
visés et des moyens pour les atteindre et donc à la recherche des
solutions »14. Cette dernière définition
insiste sur le caractère interdépendant et non pas isolé
des décisions relatives aux politiques publiques d'un
9 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode
sociologique, Paris, Coll. Champs, Flammarion, 1988, PP 27-28.
10 Marc Adélard TREMBLAY, Initiation à la
recherche dans les sciences humaines, Paris, Armand Colin, 2005, P70.
11 Marcel MAUSS et Paul FAUCONNET, « La sociologie, objet
et méthode », extrait de La Grande Encyclopédie,
Vol. 30, Société anonyme de la Grande Encyclopédie,
Paris, 1901, PP.19-20.
12 Jean-Claude THOENIG, « Politique publique » in L.
BOUSSAGUET (Dir) et autres, Dictionnaire des politiques publiques,
Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques,
P.326-333.
13 Thomas DYE, « Understanding Public policy »,
Engelwood Cliffs, Prentice-Hall, 1972, P.1
14 William Leuan JENKINS, Policy analysis : A political
and organizational perspective, New-York, St-Martin Press, 1978.
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Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Etat comme étant le produit d'une serie de
décisions supposant une coordination de l'ensemble des différents
acteurs gouvernementaux impliqués.
Historiquement construite comme une «analyse pour les
politiques » au moment du New-Deal où elle émerge en
1930 aux Etats-Unis, l'analyse des politiques publiques est devenue
principalement une « analyse des politiques », une sorte de
« sociologie de l'action publique » attentive aux
transformations des conditions d'exercice du pouvoir politique ainsi que de sa
légitimation15. Cela correspond à une double fonction:
Aider les décideurs à faire les bons choix politiques, et ensuite
comprendre pour agir sur les interventions de l'État dans la
société afin d'améliorer les interactions entre tous les
acteurs qui ne peuvent pas s'organiser de la même manière dans la
défense leurs intérêts, vu qu'ils ne disposent pas tous du
même poids lorsqu'il s'agit de faire pression, voire d'influencer Ie
processus decisionnel16.
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