PREMIERE PARTIE : LA POSSIBILITE DECLAREE DE RECOURIR A
LA JOUISSANCE DES TERRES COMME GARANTIE
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Jouissance des terres et garantie
L'assiette des garanties peut être constituée par
les divers biens qui forment le patrimoine44 de toute personne
physique ou morale selon telle possibilité déclarée par le
droit positif. Divers objets et biens se développent et se créent
du fait de la fulgurante évolution scientifique et technologique depuis
le XIXe siècle. Selon qu'ils sont meubles pour la plupart, les biens
fruits des avancées technologiques et scientifiques entrent dans la
catégorie des biens meubles déjà déterminés
pour faire objet des garanties selon les modalités propres à
ceux-là. Certains de ces biens meubles sont incorporels45,
ces derniers ont fait émerger la garantie de nantissement. Tous les
biens meubles comme immeubles, corporels comme incorporels confèrent en
réalité deux principales prérogatives. L'une est celle de
jouir du bien constituée de l'usus et du fructus ou
parfois de l'un des deux seulement et l'autre est celle de le
disposer46, il s'agit de l'abusus.
Pour les immeubles, le droit de jouir est ce qu'il convient
d'appeler la jouissance des terres. Cette dernière s'analyse
beaucoup plus comme une approche fonctionnelle que conceptuelle du
mécanisme qui consiste à prendre possession des terres, de
les utiliser pour des besoins d'habitation ou pour des besoins
économiques comme le commerce, l'industrie, l'agriculture,
l'artisanat,...et d'en percevoir les fruits. Certaines formes de
jouissance des terres pourraient revêtir la nature d'un droit de
créance parce que ladite jouissance ne serait que la contrepartie
d'une convention synallagmatique mise à la charge du propriétaire
de l'immeuble ou de celui qui en assure la garde47. D'autres formes
de jouissance par contre relèveraient de la nature des droits
réels, la jouissance dans ce cadre confère quelques
attributs du droit de propriété.
La jouissance des terres sous ses deux formes, droit de
créance comme droit réel, amène à poser la question
de savoir si elle peut constituer une garantie au remboursement d'un
crédit. Les garanties portent généralement sur les droits
réels, ce qui exclut les droits personnels de l'assiette des garanties.
Bien que les garanties portent sur les droits réels, il se pourrait que
tous les droits réels ne puissent pas être admis pour ce faire.
Les uns sont souvent
44 MALAURIE Ph. et AYNES L., Droit civil,
Introduction au droit, op. cit, n°73
45 F. ZENATI, « Pour une rénovation de
la théorie de la propriété », RTD Civ 1993,
pp. 307 et s. ; R. M. RAMPELBERG, « Pérennité et
évolution des res incorporales après le droit romain
», Arch. Phil. Droit, t. 43, 1999.
46 C'est ce qui ressort de la définition de
la propriété contenue à l'article 544 du code civil
applicable au Cameroun qui dispose ainsi : « La
propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la
manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage
prohibé par les lois ou par les règlements. »
47 C'est le fait d'appréhender le seul
rapport entre le propriétaire et son cocontractant qui amène
à telle considération. Le rapport de la personne à la
chose est direct, il s'agit d'un droit réel.
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Jouissance des terres et garantie
soumis à condition et sont temporaires. Mais la
temporalité ne constitue forcément pas un obstacle à la
formation des garanties. Certains sont en effet inaliénables et donc
insaisissables. Les biens ayant de tels caractères ne peuvent être
utiles à un créancier puisqu'il ne pourra jamais les
réaliser et se faire payer, c'est dire que l'objectif de la garantie ne
pourra être atteint.
Ainsi, la possibilité d'utiliser un droit réel
de jouissance des terres comme garantie nécessite que les uns,
aliénables, saisissables et procurant une
utilité économique certaine, soient distingués des
autres qui sont inaliénables et insaisissables, procurant une
utilité économique certes mais sans intérêt pour un
prêteur qui ne peut les réaliser et assurer le remboursement du
crédit qu'il a consenti. Dans cette partie, il convient au
préalable d'identifier les droits réels de jouissance des terres
susceptibles de garantie (Chapitre 1). Ceci avec pour but d'entrevoir leurs
caractéristiques et donc de déterminer la nature juridique de
ladite garantie dont ils peuvent être l'assiette (Chapitre 2).
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