Paragraphe 2 : Les droits réels de jouissance sur le
domaine national susceptibles de garantie
Le domaine national est constitué des terres qui ne
sont pas classées dans le domaine public ou privé de l'Etat et de
ses démembrements ainsi que de celles qui n'ont pas fait l'objet d'une
appropriation ayant menée à la délivrance d'un titre
foncier. Les modalités de gestion de ce domaine sont l'affectation aux
personnes publiques, le bail et la concession104. Le bail
emphytéotique comme assiette de garantie a été vu
précédemment.
S'agissant de la concession, elle est une technique par
laquelle l'Etat reconnait aux particuliers à travers un acte
administratif déterminé105 un droit de jouissance
voire un droit de propriété sur des terres. Les modalités
de gestion du domaine national qui l'instituent ne la définit pas mais
en explique amplement le mécanisme. Comme évoqué ci-haut,
la concession est double. Elle est définitive lorsqu'elle
mène directement à la reconnaissance d'un droit de
propriété définitif au profit du
bénéficiaire. Mais avant la concession définitive,
l'aspirant à la propriété des terres doit d'abord
bénéficier d'une concession provisoire qui lui permet de mettre
en valeur et faire des investissements sur lesdites terres. La concession
provisoire constitue une technique conférant un droit réel de
jouissance des terres susceptible
104 Article 17 de l'ordonnance fixant le régime
foncier.
105 Un arrêté du Ministre des Domaines, du
Cadastre et des Affaires Foncières lorsqu'il s'agit de moins de 50
hectares ou un décret du Président de la République
lorsque la superficie est de plus de 50 hectares.
28
Jouissance des terres et garantie
de garantie (A) pendant sa durée. Cette voie menant
à la propriété définitive constitue la voie de
l'immatriculation indirecte. La voie de l'immatriculation directe est offerte
aux occupants et exploitants du domaine national avant le 05 août 1974.
Avant l'immatriculation, leur droit est un droit réel de jouissance des
terres susceptible de garantie (B).
A. La concession provisoire : droit susceptible de
garantie
La concession provisoire est « octroyée pour
des projets de développement entrant dans le cadre des options
économiques, sociales ou culturelles de la nation106
». Au regard de cette disposition, il est clair que les
investissements pour lesquels les concessions provisoires sont octroyées
ne sont pas limités. Et notamment, les terres pouvant être
accordées en concessions provisoires peuvent servir aussi bien pour des
besoins d'usage et d'habitation des familles que pour des besoins commerciaux
et économiques de toute catégorie.
Les concessions provisoires constituent aujourd'hui la
principale voie d'accès à la propriété
immobilière sur les vastes terres du domaine national. 15% à
peine des terres occupées au Cameroun étant immatriculées,
la voie de la concession provisoire qui s'impose aux occupants et exploitants
du domaine national devient une technique majeure de reconnaissance des droits
réels107.
En effet, lorsque les terres concernées par la demande
de concession provisoire sont de moins de 50 hectares, la concession est
attribuée par arrêté du Ministre en charge des Domaines.
Lorsqu'il s'agit plutôt des terres dépassant la superficie sus
évoquée, l'attribution est faite par un Décret du
Président de la République. Dans tous les cas, un cahier des
charges détermine les droits et les obligations du concessionnaire.
La concession prend fin à l'expiration du délai
de 5 ans pour lequel elle est attribuée et exceptionnellement à
l'expiration du délai de renouvellement. Le décès du
titulaire met fin à la concession lorsque ses héritiers n'ont pas
demandé la cession à leur profit du droit de jouissance dont
bénéficiait le de cujus. Le non-respect des obligations
contenues dans le cahier des charges, l'aliénation sans le consentement
de l'administration, la mise sous
106 Article 2 du décret n°76-166 du 27 avril 1976
fixant les modalités de gestion du domaine national.
107 A lire l'article 4 du décret suscité, il
peut en être conclu que seules les terres non occupées ou
exploitées peuvent faire l'objet de concession provisoire. Il y a lieu
d'envisager que l'occupation et l'exploitation dont il s'agit ne peuvent pas
valoir dans le sens où il s'agit des terres vierges. En
réalité, ce texte vise à écarter de l'assiette de
la concession provisoire les terres déjà immatriculées au
profit de l'Etat ou des particuliers et celles ayant été mises en
valeur avant le 4 août 1974. Sont également exclus les terres
relevant du domaine public.
29
Jouissance des terres et garantie
procédure collective en cas de cessation de paiements
ainsi que la concession définitive sont d'autres modes d'extinction du
droit de jouissance que constitue la concession provisoire.
Il s'évince de ce qui précède que la
concession provisoire est très précaire puisqu'elle ne dure que
cinq (05) ans et exceptionnellement plus. Mais elle constitue un droit
réel aliénable, sous quelques conditions, d'où son
admission comme susceptible d'être objet de garantie. Elle peut
même être un objet de garantie efficace pour des crédits de
court terme et de faible valeur. La concession provisoire est
érigée en droit réel susceptible de garantie aux termes de
l'article 18 alinéa 2 du décret sus évoqué fixant
les modalités de gestion du domaine national. Les dispositions dudit
article sont reprises par le décret n°2015/3580/PM du 11 août
2015 en son article 21. Toujours sur le domaine national, un autre droit
réel de jouissance est admis, pourtant aucun titre ne le constate. Il
s'agit d'une prérogative légale qui reconnait la jouissance
à certaines personnes et leur permet d'obtenir un titre foncier en vertu
de leur simple jouissance.
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