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La blockchain, une révolution de l’intermédiation. Un gain pour les entreprises au détriment des tiers de confiance ?


par Jean-Louis LATHIERE
Université Paris-Dauphine - Master finance d'entreprise et pilotage de la performance 2018
  

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1 Cadres explicatifs : le fonctionnement actuel des transactions dans les entreprises et le rôle des tiers de confiance

Une notion fondamentale irrigue toute la problématique des relations entrepreneuriales : « la confiance ». C'est une espérance de fiabilité dans les conduites humaines qui précède et détermine la possibilité de l'échange (E. Laurent, 20127). Cette idée débattue lors d'un colloque à Lyon en 1998, « Confiance et gestion », mettait en exergue les travaux de A. Breton et R. Wintrobe (19828). Ce facteur comportemental, hautement psychologique, doit pour autant s'étayer concrètement au travers du chaînage contractuel.

Actuellement, tous les systèmes qui reposent sur la confiance impliquent la présence d'un tiers de confiance. Ce dernier s'assure que toutes les conditions sont réunies pour réaliser la transaction et son exécution en conformité avec les contrats signés et la législation en vigueur. Les banques sont probablement les tiers de confiance les plus connus avec les avocats, les notaires et les experts comptables. Etant donné l'importance de leur rôle dans l'économie, les tiers de confiance sont eux-mêmes agréés par un régulateur (l'AMF - Autorité des Marchés Financiers - certifie des salariés des banques, l'administration fiscale agrée des tiers de confiance parmi les membres de professions réglementées d'avocat, notaire ou expert-comptable - article 170 ter du code Général des impôts9). Tout en haut de la chaîne de confiance, l'Etat est le garant de la cohérence et de la stabilité de l'ensemble du système.

Ainsi, inscrits dans l'architecture conceptuelle des échanges des entreprises visant à satisfaire leurs besoins financiers, tout en réduisant leurs coûts, les tiers de confiance se trouvent au coeur de deux théories économiques. Elles se sont efforcées de répondre à ces enjeux de manière optimale : la théorie de l'agence et la théorie des coûts de transaction.

7 Laurent, E. (2012), L'économie de la confiance, Ed. De la découverte, Paris.

8 Breton A., Wintrobe R. (1982), The Logic of Bureaucratic Conduct, Cambridge University Press, 1982, 325 p.

9 Article 170 ter, Modifié par Décret n° 2011-645 du 9 juin 2011 - art. 1, II. - La mission de tiers de confiance est réservée aux personnes membres des professions réglementées d'avocat, de notaire et de l'expertise comptable.

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1.1 La théorie de l'agence

Il faut entendre le terme « agence » dans le sens étymologique d'agent « celui qui fait », « qui s'occupe ».

Dès 1976, Michael C. Jensen et William H. Meckling10 définissaient la relation d'agence comme un nouveau type de relation contractuelle par laquelle un groupe d'acteurs dit « le principal » (soit les actionnaires d'une entreprise) engage une personne dite « l'agent » (soit le dirigeant) pour agir en son nom. Il lui délègue une partie de l'autorité de la prise de décision. En outre, l'application contractuelle se complexifiera avec le comportement potentiellement divergent des deux acteurs : si chacun veut maximiser ses propres intérêts, une des parties (l'agent) peut être tentée de tirer profit de l'incomplétude des contrats (G. Charreaux, A. Couret, P. Joffre, 198711). Un contrat est incomplet quand il n'est pas possible de prévoir ce qui va se passer dans tous les cas de figure potentiels. Dès lors, quand une circonstance imprévue se produit, peut s'ouvrir une nouvelle négociation afin de fixer une interprétation ou de redéfinir des termes contractuels. Cette renégociation constitue le concept central de la théorie des contrats incomplets. En effet, personne ne serait capable de vérifier ex post l'état de certaines variables, du fait notamment de l'imperfection de l'information. (O. Hart et J. Moore, 199012). Ce postulat peut s'apparenter à celui posé par O.E. Williamson sur la rationalité limitée des agents (examinée infra avec les coûts de rédaction liés à la rédaction de contrats). Notons toutefois que les fondements de la théorie des contrats incomplets sont toujours en débat (E. Maskin et J. Tirole, 199913, O. Hart et J. Moore, 199914).

En tout état de cause, l'ambivalence des acteurs s'invite dans l'exécution littérale contractuelle : la divergence de leurs intérêts conduit le principal (actionnaire) à valoriser ses dividendes, alors que l'agent (dirigeant) peut tenter de s'approprier les ressources de l'entreprise pour servir son développement, voire également la satisfaction de ses besoins personnels.

L'opportunisme de l'agent quant à lui constitue la dérive évoquée, consubstantielle à l'évidente asymétrie informationnelle. Elle est inhérente à cette relation contractuelle, puisque

10 Jensen M.C., Meckling W.H. (1976), Theory of the Firm, Managerial Behavior, Agency costs Ownership structure, Journal of Financial Economics, Vol. 3, 345-360

11 Charreaux G., Couret A., Joffre P., (1987), De nouvelles théories pour gérer l'entreprise, Paris, Economica

12 Hart O., Moore J. (1990), Property Rights and the nature of the Firm, journal of Political Economy, 98 (6), 1119-1158

13 Maskin E., Tirole J., (1999), Unforeseen contingencies and incomplete contracts. Review of Economic Studies 66, 83-114

14 Hart O., Moore J. (1999), Foundations of Incomplete Contracts, Review of Economic Studies, 1999, vol. 66, issue 1, 115138

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le principal estime l'agent mieux placé que lui pour la gestion. Mais aussi pour bien d'autres co-contractants, ce que l'on appelle la sélection adverse. (P.Y. Gomez, 199615).

Ces éléments comportementaux contribuent directement à l'existence des problèmes d'agence. C'est ainsi que les incertitudes intrinsèques à la délégation de pouvoir entraînent des coûts liés à chaque risque potentiel.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille