4.3 La solution disruptive : la mise en place de la
Blockchain : enregistrement de données et création de smart
contract sur Ethereum
Le premier travail mené par AREP a abouti à
l'identification de l'une des origines des dysfonctionnements et à la
proposition de solutions ponctuelles, mais pas encore à la
création d'outil lui permettant de stocker, utiliser et partager les
données qu'il s'est efforcé de fiabiliser.
Il existe différentes sortes de systèmes
blockchain, le plus connu étant celui de la crypto-monnaie Bitcoin. Il
serait bien trop réducteur de limiter l'intérêt de la
blockchain à cette seule utilisation. Elle possède d'autres
fonctions qui peuvent être utiles au développement d'une
entreprise.
En effet, quel que soit la Blockchain utilisée, elles
ont en commun d'avoir la fonctionnalité d'un grand registre
distribué dans lequel s'inscrivent toutes les transactions afin qu'elles
deviennent accessibles à tous les acteurs en temps réel, sans
lieu de stockage unique.
On lui attribue généralement trois fonctions qui
peuvent être mises en oeuvre simultanément ou non : une fonction
de paiement, une fonction de registre des transactions, et une fonction
d'instructions automatisées. Dans ce dernier volet, le mécanisme
permet d'édicter automatiquement un contrat adapté à la
transaction passée par un des acteurs du système, on parle alors
de : « smart contract ».
Le smart contract - contrat intelligent - est un
programme informatique mettant en application un contrat traditionnel (non
numérique). Il exécute ainsi automatiquement les clauses du
contrat dès que les conditions ont été réunies. Le
code est autonome, les parties prenantes (humaines) n'ont plus à
interagir et ne peuvent pas interférer dans son déclenchement. Ce
code informatique permet l'exécution automatique sur un réseau
décentralisé (de pair à pair) d'un ensemble de
décisions et d'actions encodées en amont de l'exécution
dudit contrat. Ces nouveaux processus appliqués à la gouvernance
des entreprises instaureront une plus grande réactivité tout en
utilisant des données fiables et sécurisées sans
l'intervention ou le contrôle d'un tiers.
Autrement dit, la technologie blockchain offrira la
possibilité à différents opérateurs de
réaliser des transactions prévues en enregistrant leurs actions
dans un système électronique programmé pour
sécuriser l'ensemble des opérations en question.
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AREP a cherché sur quel protocole blockchain il pouvait
s'appuyer pour enregistrer et traiter les informations transmises d'abord par
le procédé QR code puis remplacé par les beacons
bluetooth.
Deux options étaient possibles, soit une blockchain
publique soit privée.
Dans une blockchain publique ou blockchain « originale
», tous les noeuds (capacité de calcul, exemple : un ordinateur)
qui constituent le réseau, s'auto-contrôlent (réseau peer
to peer, « d'égal à égal). Il n'y a pas de
barrière à l'entrée, tout le monde peut lire l'ensemble
les transactions et y ajouter les siennes. Les modifications des règles
de fonctionnement ne sont possibles que si la majorité des participants
y est favorable. Tous les acteurs, qui peuvent rester anonymes,
détiennent les mêmes droits et peuvent participer à la
validation des transactions (minage : proof of work ou forgeage : proof of
stake) ; c'est notamment le cas pour la blockchain Bitcoin et Ethereum.
A l'inverse, une blockchain privée s'exécute sur
un réseau privé sur lequel une autorité centrale
crée et modifie les règles à suivre sans avoir besoin du
consentement des autres participants. Pour rejoindre cette blockchain, il faut
au préalable s'identifier et y avoir été autorisé
par l'organe décisionnel. Les droits des membres sont définis et
restreints. A titre d'exemple on peut citer le consortium R3 réunissant
les plus grands établissements financiers internationaux (Goldman Sachs,
JP Morgan, BNP Paribas...).
Compte tenu de la taille du projet (une seule gare), AREP
n'avait aucun intérêt à développer une blockchain
privée qui aurait nécessité un coût de
développement important. La blockchain publique permet une plus grande
souplesse dans la gestion des partenaires, il est inutile de gérer les
droits d'entrées et de sorties de chacun lors d'un changement de
prestataires. De plus l'aspect partage de l'accès aux données est
une fonctionnalité déterminante. La blockchain restaure la
confiance entre les partenaires en leur permettant de lire les mêmes
informations en temps réel, réalisant ainsi un partage
équilibré de l'information.
AREP choisit Ethereum qui a pour crypto monnaie l'Ether. Cette
blockchain est récente, elle a été fondée en 2014
par Vitalik Buterin95. Du point de vue de la performance
technique96, Ethereum est supérieur à Bitcoin. Il
propose des tailles de blocs (les transactions sont
95 Vitalik Buterin : programmeur canadien d'origine russe,
co-fondateur d'Ethereum.
96 Crypto-France (2016), Ethereum-vs-Bitcoin : quelles
différences entre ces deux technologies ?, consulté le 15 janvier
2018.
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enregistrées sont regroupées dans un bloc) plus
importantes (aucune limite pour Ethereum contre 1 MB pour Bitcoin) et des temps
de minage plus courts (14 secondes pour Ethereum contre 10 minutes pour
Bitcoin).
Mais la principale différence d'Ethereum ne
réside pas que dans sa performance technique. Aux fonctions de la
technologie la plus connue qui assure le fonctionnement du Bitcoin, cette
blockchain permet non seulement de certifier, horodater et sécuriser des
transactions mais aussi de structurer des échanges.
La première fonction de cette blockchain testée
par AREP fut l'horodatage afin d'enregistrer les heures et les jours de sorties
des bacs. Ce test permettait de compiler toutes les données de
mouvements des bacs et de s'assurer qu'ils étaient bien vidés.
Ethereum prouve par conséquent qu'elle dispose de tous les
mécanismes nécessaires à la logistique de flux et dans
notre cas à la gestion de chaîne des déchets : de la
collecte au ramassage jusqu'à son recyclage ou à son
incinération, en supprimant les intermédiaires et dans un avenir
proche en s'adaptant à l'accroissement des flux spécifiques des
déchets.
Ayant compris qu'Ethereum n'est pas dédiée
uniquement à la gestion de devises, AREP réfléchit
à son appropriation comme support pour d'autres activités. C'est
vers la faculté de créer un système d'enregistrement
d'actifs et de smart contracts que se focalisent les recherches d'AREP.
L'enregistrement d'actifs est une digitalisation, soit
l'intégration d'un élément physique (exemple : une monnaie
l'Ether) ou d'une action réelle (exemple : un droit de vote pour the
DAO) sur la blockchain. Cet actif dispose des mêmes
caractéristiques qu'un bien commun : une identité et un
propriétaire qui dispose de droits lui permettant de le prêter, le
transférer, le vendre ou le détruire. Il représente
l'unité de base dans la transaction. Dans l'environnement blockchain cet
élément est référencé sous le nom de «
token » (jeton). On peut distinguer deux natures de token
différentes. Il est soit créé par le protocole même
de la blockchain (les crypto monnaies) ou pour les besoins propres à un
programmeur. Ces derniers sont alors utilisables sur une application web
construite en sous-couche qui manipule la blockchain.
Dans notre situation, AREP a recréé
virtuellement des kilos de déchets en langage numérique pour
répondre à sa problématique. Il n'existe pas de limite
à son développement. Ainsi il a été possible
d'attribuer à chaque nature de déchets de la gare un token
spécifique permettant de reproduire la nature des déchets. Il est
ainsi possible d'en créer autant que l'on souhaite, donc autant que l'on
a produit de kilos de déchets.
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Cette étape représente le pivot de l'avancement
du prototype. Cela ouvre la voie à un système économique
transactionnel entre acheteurs et vendeurs sans intermédiaire.
L'article 1582 du code civil définit le contrat de
vente comme « une convention par laquelle l'un s'oblige à
livrer une chose, et l'autre à la payer »97. Le
token permet de transposer « la chose » dans le registre digital.
Dès lors le smart contract écrit à partir d'une API (une
interface de programmation applicative) va intégrer les données
représentées par le token et être construit autour des
échanges dont il fait l'objet. Lors de la programmation du smart
contract, il sera tenu compte de l'intérêt de chaque partie. Une
fois achevé, le smart contract s'exécutera automatiquement. Il
reste consultable par tous et à tout moment jusqu'à sa
suppression éventuelle. Ethereum propose des modèles de smart
contrats permettant au programmeur de disposer d'un cadre de travail qu'il
adaptera à son schéma propre.
Dans le cas d'AREP, les trajets des kilos de déchets
enregistrés et sécurisés dans la blockchain (sous forme de
token) sont d'abord suivis du local poubelle jusqu'au trottoir. Ces kilos de
déchets sont ensuite transférés via le smart contract vers
le compte du prestataire qui en deviendra le possesseur à la fois en
consultant la blockchain et en réceptionnant son camion.
Le code informatique de ce smart contract est
présenté en annexe A. Si nous ne disposons pas des connaissances
suffisantes pour le décrypter, il est cependant intéressant de se
rendre compte qu'il ne nécessite que peu de lignes de codes (100 lignes)
pour fonctionner, ce qui est peu volumineux pour un programme informatique. Le
coût d'investissement pour rédiger un smart contract est donc
négligeable et ne nécessite pas le déploiement d'un budget
important pour faire appel un prestataire informatique.
Chez AREP le smart contract relatif aux déchets a
été rédigé en une semaine. Cette période
comprend également l'apprentissage de sa manipulation et de son
fonctionnement théorique. Le smart contract étant par nature
autonome, dès que la phase de test est passée avec succès,
il n'occasionne aucune maintenance et donc aucun coût de
fonctionnement.
Les seuls coûts de transaction récurrents sont
les coûts du minage (validation d'un bloc) qui, compte tenu du faible
nombre d'opérations à valider sur ce projet (maximum 5 bacs par
jour), restent marginaux.
97 Article 1582 du code civil.
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Ici la solution de la blockchain choisie ne nécessite
ni un coût d'entrée élevé, ni une dépense de
fonctionnement important. AREP a réussi la mise en place d'un outil
d'horodatage sécurisé et incorruptible qui enregistre toutes les
transactions ainsi que la mise en place d'une base de données
accessibles facilement par une API. Le contrôle automatique des contrats
avec les prestataires assurera une efficacité, une
réactivité et une fiabilité accrues dans la chaîne
de tri. Sa réorganisation sur la technologie blockchain peu
onéreuse met en évidence les gains de temps et la réussite
du travail collaboratif en respectant les intérêts de chacun.
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