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La blockchain, une révolution de l’intermédiation. Un gain pour les entreprises au détriment des tiers de confiance ?


par Jean-Louis LATHIERE
Université Paris-Dauphine - Master finance d'entreprise et pilotage de la performance 2018
  

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4.2 L'élaboration d'une réflexion

Afin de réduire les dysfonctionnements, quelles solutions proposées par les outils de gestion traditionnels auraient pu être mises en place ?

Le plus évident aurait été de développer les contrôles. Pour ce faire, le recrutement de personnel encadrant aurait été nécessaire, ce qui aurait engendré des coûts très importants de surveillances supplémentaires.

Une autre solution aurait pu consister à recourir à un tiers de confiance : un audit extérieur pour évaluer la fiabilité du travail effectué (jour et heure de sortie des conteneurs).

Il aurait été envisageable également de commander une étude à un expert pour définir précisément le volume des déchets et leur nature. Dans le meilleur des cas, les économies réalisées par la suppression des amendes et par une réduction du montant des factures d'enlèvement des déchets (factures au réel et non plus au forfait) auraient été absorbées par une augmentation des coûts de contrôle et de réorganisation. Ces solutions n'auraient sans doute pas apporté d'amélioration de la performance de l'entreprise. De plus, il s'agit de mesures coercitives qui ne sont pas le meilleur moyen de motiver les différents intervenants pour résoudre un dysfonctionnement.

Une autre hypothèse pourrait apparaître comme facilement réalisable. Au sein de sa structure, la gare aurait pu mettre en place un système de pesée afin de vérifier que le poids des déchets transmis correspondait bien à celui que le prestataire facturait. Se poserait alors le problème de la transparence de l'information.

En effet, pourquoi le prestataire accepterait-il d'établir sa facture sur la base d'une information fournie par le client sans autre élément de preuve ? Toute transaction reposant sur la confiance, il faut donc que celle-ci soit recréée. Tant que le risque de contentieux lié à l'asymétrie d'information est élevé, le prestataire craindra pour son chiffre d'affaires. Seul le recours à un tiers de confiance tel un avocat ou tout intermédiaire reconnu comme « neutre » sera rendu nécessaire afin de réduire les différends entre les parties. Mais là encore, l'économie liée à la réduction du montant des factures aurait, au mieux, été absorbée par les frais de production d'éléments justificatifs.

La réaction la plus évidente des services financiers a été de proposer ces deux solutions visant à renforcer les contrôles. La première, qui nécessite le recrutement d'encadrants qualifiés

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et / ou d'experts onéreux ne se justifiait pas sur le plan économique. La seconde, en apportant certes une information tangible (le poids des déchets), n'était considérée comme fiable que par l'une des parties et jugée contestable par l'autre. Or la défiance est un élément incompatible avec la bonne réalisation d'une transaction. Ces options n'ont donc pas permis de déboucher sur un processus satisfaisant d'amélioration des difficultés rencontrées à la gare de Massy TGV. Dès lors, de nouvelles approches sont recherchées par AREP.

Au cours d'un concours d'innovation interne dans le cadre d'un « design thinking » (ou design créatif, concept créé par Rolf Faste, désigner américain à la fin des années 80), les collaborateurs de différents horizons d'AREP se sont intéressés à la problématique des déchets et de la complexité de leur gestion dans une gare. L'objectif du « design thinking » est de faire réfléchir une petite équipe constituée de membres aux origines diverses, cassant ainsi les préjugés afin d'émettre des idées novatrices. Il faut ensuite les tester pour arriver, de proche en proche, mais sans rien s'interdire, à l'émergence d'un nouveau concept.

Quelles sont les origines des dysfonctionnements constatés ? Quels écueils faut-il surmonter ?

AREP a testé plusieurs idées peu contraignantes dans le but de renouer les maillons de la chaîne de tri. La logique de l'expérience est de « générer et faire circuler l'information pour une amélioration quantitative ». Il faut être sur tous les fronts et mener la réflexion avec les clients, les employés d'entretien, le personnel de la gare et les entreprises de collecte.

A destination des clients : une signalétique correspondant aux trois couleurs des bacs et visible dès l'accès à la gare, style kakémono (affiche plastifiée suspendue à des portants) a été mise en place. En cas de doute le client peut même envoyer un message via le canal Slack afin de faire le bon choix de poubelle. Slack est une plate-forme de communication collaborative permettant d'échanger des messages et des documents. Elle est organisée en canaux, chacun étant dédié à un sujet spécifique, un projet ou une équipe. Ces échanges ont apporté des solutions ponctuelles. Mais, par exemple, la question récurrente relative à la caractérisation des gobelets de café est restée sans réponse satisfaisante. Or leur nombre est conséquent comme dans toute gare, et ceux-ci, trop souvent jetés à tort dans les poubelles jaunes au lieu du bac ordures ménagères, invalident la qualité du tri.

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A destination des employés : Afin de dépasser la barrière de la langue et de les informer très précisément de l'instauration de nouvelles pratiques, un système de code couleurs associé à chaque nature de déchets est créé. Un code QR (type de code-barres plus sophistiqué composé de carrés noirs sur un fond blanc94) est installé sur chaque bac qu'ils doivent flasher à l'aide de leur smartphone à chaque sortie. Parallèlement, l'utilisation d'un semainier en liaison avec le code couleur des bacs permet aisément d'associer la couleur du bac avec son jour de sortie.

A destination des prestataires : Le code QR est également scanné par la société de ramassage indiquant ainsi qu'elle a bien collecté les déchets et à quel moment.

A ce stade, AREP constate que le premier maillon composé des agents de terrain fonctionne de manière fiable et qu'une bonne collaboration s'est installée. L'utilisation des smartphones au quotidien a permis de contourner les difficultés de lire les textes en français. Ces agents apparaissent désormais comme des partenaires clés qui apportent des idées d'amélioration. Le déploiement des outils de connexion simples d'accès et peu onéreux sur les bacs permet rapidement d'avoir des informations transmissibles en temps réel.

En effet, des capteurs beacons bluetooth (balises sans contact) dédiés à la logistique, ont été installés sur les bacs. Ces boîtiers d'un coût relativement modeste (inférieur à 50 €) sont peu énergivores ; ils émettent à intervalle régulier des signaux qui sont alors transmis aux smartphones. La fiabilité de ce système est quasi assurée, alors que l'enregistrement manuel par flash des codes QR était susceptible d'erreur (oubli, doublon). Le risque d'une balise défectueuse est très faible. Les agents disposent ainsi d'informations sur la localisation de la poubelle. Il devient désormais possible de connaître en temps réel et à tout moment où se trouve un bac et à fortiori de savoir s'il se trouve à l'endroit approprié.

Simultanément, la pesée manuelle des déchets sera désormais remplacée par un dispositif de pesée automatique au sol sur le passage des bacs.

On peut considérer que le cheminement d'un bac de son lieu de stockage à son lieu de ramassage est désormais connecté.

En revanche, la dernière phase du trajet des bacs au moment de leur ramassage est encore problématique. Les différences entre les quantités facturées et celles réellement produites sont encore trop importantes : il reste encore des passages à vide des camions qui sont facturés.

94 Exemple de Code QR :

Mais le bilan de ces prototypes permet de disposer de données nouvelles en temps réel qui permettront de réduire le montant des factures tout en améliorant le bilan environnemental.

AREP s'est alors attaché à résoudre les deux questions liées à la surfacturation des déchets. La première cause est due à l'absence de leur pesée. Le prestataire établit sa facture sur la base d'un prix forfaitaire par nombre de bacs. AREP a commencé par peser manuellement les déchets pendant une semaine et a constaté sur le terrain qu'il existait un écart important entre le poids des sacs pesés et le poids forfaire facturé. Ponctuellement, au vu de cette information, le prestataire a accepté de réajuster le prix des factures en éditant un avoir qui s'élève à 2 000 euros pour un mois.

La seconde origine de la surfacturation est l'absence de tri des déchets ; après une semaine de manipulation de sacs pour la pesée, AREP a visuellement constaté que la majorité des déchets sont recyclables, ce qui représente entre 60 et 120 kilos par jour. Cette catégorie recyclable sera source dans le futur d'une facturation revue à la baisse.

Un autre point positif notable est que l'ensemble des intervenants (employés, commerçants et personnel de gare) ont été largement associés et informés de ce nouveau dispositif dans le but de réduire l'asymétrie d'information et de rétablir la confiance sur l'ensemble de la chaîne. Chacun a pris connaissance et partagé les mêmes consignes.

De cette concertation, il apparaît que le différend entre les acteurs ne provenait pas du non-respect des consignes ou d'une mauvaise interprétation de ces dernières. Certains bacs sont pleins avant leur heure de sortie, il devient par conséquent impossible de respecter la consigne de sortir les poubelles pleines tout en se conformant au semainier.

Cette démarche a permis de mettre en lumière l'inopérabilité des directives avec le quotidien de la gare. L'intérêt des agents étant divergent dès l'origine, un bon fonctionnement était largement compromis

AREP ne peut que constater que ces tests concernant le désengorgement des trottoirs, la fin des amendes et la reconnexion avec les camions de ramassage, montrent que ces objectifs n'ont été qu'en partie atteints et cela grâce à un investissement humain conséquent. Ce type de fonctionnement n'a de sens que pendant une courte période de test, mais maintenu sur le long terme elle serait beaucoup trop consommatrice de temps et de ressources.

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AREP se pose alors la question de la cohérence des consignes.

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L'origine du problème vient vraisemblablement des contrats passés. La fréquence de passage était devenue inadaptée à l'activité réelle de la gare ; la quantité de déchets était estimée trop approximativement et leur nature n'était pas valorisée. A ce stade de sa réflexion, AREP s'intéresse à l'examen des contrats passés avec chaque prestataire.

L'objectif est de recréer une adéquation entre les termes de nouveaux contrats et des nouvelles réalités de la gare de Massy TGV. Le concept de tri étant devenu la priorité de la gestion des déchets, celui-ci doit apparaître comme tel dans le contrat à rédiger.

S'agissant des activités soumises aux aléas des mouvements humains (vacances, grèves, météorologie...), les termes des contrats doivent aussi garantir une certaine souplesse et une grande réactivité.

Un nouveau paramètre à prendre en compte est l'application d'une législation récente, innovante et en évolution permanente qui nécessite de toute évidence des ajustements très fréquents dans les termes des contrats.

Les champs du tri et de la valorisation des déchets ont fait l'objet de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015. Des orientations et des recommandations étaient clairement éditées à l'attention des entreprises. Désormais, un décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 vient rendre obligatoire, à partir du 1er juillet 2016, le tri à la source et la valorisation de 5 flux de déchets pour toutes les entreprises productrices ou détentrices de déchets. L'obligation porte sur le papier / carton, le métal, le plastique, le verre et le bois. La finalité de cette réglementation est de toujours réduire plus la consommation de nouvelle matière première et l'émission de CO2 en renforçant le recyclage des déchets.

La réalisation de ce tri se voit matérialisée par la délivrance, par le prestataire chargé de la collecte, d'une attestation annuelle justifiant les quantités exprimées en tonnes, la nature des déchets et leur destination finale. La SNCF est dans l'obligation de se doter des moyens et de l'organisation pour s'y conformer dans un délai très contraint.

Et si le big data, traitement de données massives et complexes, pouvait contribuer à l'émergence de nouvelles solutions ? Une des pistes de réflexion mène à l'utilisation offerte par une nouvelle technologie : la Blockchain.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus