4 Le cas pratique : d'un processus manuel et faillible
à un système autonome et sécurisé
Chaque jour, en France, ce sont 5 millions de voyageurs
(rapport d'activité 2016 de la SNCF) qui utilisent les différents
transports ferroviaires (TGV, TER, Intercités, RER...). Ces flux de
personnes ont un impact sur l'environnement. Selon l'étude sur la
fréquentation des grandes gares franciliennes réalisée en
mars 2015, la gare de Paris Saint-Lazare (station accueillant le plus de trafic
en France avec 359 200 voyageurs par jour) doit gérer 1 300 tonnes de
déchets par an (soit le poids de 3 supertankers). D'une manière
générale, la SNCF doit traiter 10 grammes de déchets par
voyageur par jour. C'est pourquoi la gestion des déchets en gare est
devenu un enjeu majeur.
Source : la fréquentation des grandes gares
franciliennes
Comme toutes les entreprises productrices et
détentrices de déchets, la SNCF doit s'adapter à la
réglementation relative à la préservation de
l'environnement et des ressources. Les déchets visés regroupent
à la fois ceux produits par l'entreprise dans le cadre de son
activité mais également ceux émanant de ses clients dans
ses installations. La loi du 17 août 2015 relative à la
transition énergétique pour la croissance verte encourage la
lutte contre les gaspillages, la réduction des déchets à
la source, leur tri et leur valorisation.
Au début de l'année 2016, AREP (filiale de la
SNCF Gares et connexions) a été missionné pour analyser et
tester des scénarios de traitement des déchets à
l'échelle de la gare de Massy
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TGV. Cette gare, bien que modeste par son nombre de voyageurs
annuel (un peu moins de deux millions et le volume de déchets à
traiter : 17 tonnes ou 4 400 m3 soit l'équivalent d'une piscine
olympique) reste significative par la diversité des déchets
qu'elle doit gérer. La gare doit faire face au traitement d'une
diversité des déchets répartie en trois types :
y' La poubelle grise : déchets ordinaires ne faisant pas
l'objet de tri ;
y' La poubelle jaune : bouteilles en plastique, boites en carton,
canettes ;
y' La poubelle bleue : journaux et magazines.
Il en résulte une complexité dans la gestion des
contrats avec les prestataires (restaurant, boutique, personnel d'entretien et
camion de ramassage). L'ampleur de la mission est réelle ; une vaste
évaluation du fonctionnement des intervenants et de leurs interactions
constituera le socle de l'étude. L'un des intérêts de ce
travail consiste à analyser la méthode utilisée par AREP,
qui a procédé par tests empiriques avant d'aboutir à
l'appropriation d'une technologie émergente. L'enjeu à terme est
aussi que les nouveaux procédés mis en place sur le site de la
gare de Massy TGV serviront de référence soit à son
déploiement soit par adaptabilité sur d'autres sites SNCF voire
extérieurs.
4.1 L'analyse de la situation initiale : constat par
AREP de dysfonctionnements graves
La première étape a consisté à
examiner les maillons de la chaîne de la collecte des déchets, de
leur tri et de leur enlèvement. Le traitement des déchets en gare
de Massy TGV est préoccupant : tous les bacs, avec des contenus
indifférenciés sont sortis tous les jours, sans
vérification des jours ou des horaires et donc sans lien avec les
tournées de ramassage.
Les employés, en première ligne, susceptibles de
rencontrer des difficultés ou de ne pas maîtriser le
français et donc de ne pas comprendre les consignes ou de ne pas les
appliquer, sortaient l'ensemble des bacs non triés dans le souci
d'éviter toute sanction ou conflit. Les producteurs de
déchets (usagers et commerçants) considéraient que
les poubelles étaient vite pleines et pas assez rapidement sorties. De
même le personnel en gare face à des poubelles pleines insistait
auprès des employés en charge de l'évacuation des
déchets pour qu'ils sortent les poubelles sans tenir compte ni de leur
contenu ni du jour. Cet environnement mal contrôlé, notamment par
le personnel de gare, laisse certainement une trop grande opportunité
à l'agent
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(la sortie des déchets peut servir de prétexte
pour prendre une pause supplémentaire) pour privilégier son
propre intérêt au détriment de celui de l'entreprise.
Le résultat de cette désorganisation aboutit
à ce que des poubelles pleines restées toute la journée
aux abords de la gare, encombrent les trottoirs et dégradent ainsi
l'image de la gare. Cette situation a deux conséquences
immédiatement perceptibles. L'encombrement de la voierie est
gênant et insalubre et au lieu d'inciter des passants ou usagers de la
gare à trier, il accroît les comportements d'incivilité.
C'est un cercle vicieux qui augmente par ailleurs la charge de travail des
employés qui doivent trier les déchets à la place des
usagers. C'est une dépense supplémentaire pour un travail non
prévu initialement. Ces bacs débordants et stagnant sur l'espace
public hors des créneaux horaires prévus sont par ailleurs
sanctionnés par des amendes : la gare de Massy TGV payait jusqu'à
200 € par jour (soit 73 000 € par an). Cette absence de tri
désorganise aussi la tâche du second intervenant du circuit : les
prestataires en charge du ramassage des déchets recyclables finissent
par ne plus s'arrêter mais continuent à facturer leur
prestation.
Ces sociétés considèrent que la gare ne
trie pas efficacement ses déchets (cartons, papiers ou plastiques) et
risque de compromettre le contenu de leurs camions. La sanction
financière est importante : il est à noter que le coût du
ramassage des déchets est différent selon leur nature, ainsi les
déchets recyclables seront facturés moins chers que les ordures
ordinaires qui sont incinérées. Ce mécanisme a pour but
d'orienter les entreprises vers la valorisation de leurs déchets et une
limitation de la pollution en CO2. Dans tous les cas de figure, la facture est
établie selon le nombre de bacs et non selon le poids exact de
déchets évacués.
L'examen détaillé du trajet d'un bac de
déchets par AREP démontre qu'aucune vérification, ni
aucune coordination n'ont été mises en place par la gare pour
s'assurer d'un résultat efficace et satisfaisant pour les parties.
L'unité gare ne disposant d'aucun élément
pour mesurer et connaître la nature et le volume des déchets
produits en gare de Massy TGV était voué à supporter les
pénalités financières. Il lui était impossible
d'apporter des arguments pour contester la surfacturation des prestataires en
charge du ramassage des déchets.
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