4.4 Les bénéfices pour l'entreprise
étudiée
Rappelons que le cas qui a fait l'objet de notre étude
est localisé à une gare de moyenne ampleur. Ce site est bien
représentatif de la diversité des échanges et des
interactions qui régissent la chaîne du traitement de
déchets dans ce type d'environnement à taux élevé
de fréquentation.
L'intervention de la filiale de gares et connexions AREP avait
deux objectifs majeurs : un défi opérationnel visant à
structurer la chaîne de tri défaillante et un défi
réglementaire pour respecter les textes toujours plus contraignants dans
le cadre de la loi sur la transition énergétique.
Le premier mois consacré au recensement des
améliorations possibles a débouché sur un traçage
simple du parcours des déchets : de la source de production à
leur enlèvement, grâce à des objets connectés peu
coûteux mais fiables, tel des balises. Cette phase a contribué
à reconnecter les employés d'entretien et les prestataires de
ramassage.
La poursuite du projet s'est avérée plus
ambitieuse : l'appropriation de la technologie innovante de la blockchain. Les
transactions sur Ethereum ont instauré l'utilisation de données
sécurisées. Le fait qu'à chaque transaction corresponde un
smart contract en fait une variable ajustable et une mise à jour en
temps réel de la base de données.
L'instauration d'un système de pesée
connectée enrichit et incrémente aussi la base de données
dans la blockchain d'une information sécurisée sur le poids des
déchets produits.
La transmission de ces éléments fiables non
corruptibles contribuera à réduire les risques de contentieux
potentiels. La numérisation des échanges grâce au token et
la rédaction des smart contract ont constitué une décision
déterminante pour réussir la rationalisation des
opérations. La gare constate rapidement plusieurs avantages en
fonctionnant avec ce nouveau dispositif.
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Les employés d'entretien se sont vus
intégrés dans le système par l'utilisation d'une API,
simple d'accès, sur leur smartphone. Les managers ont même
souligné un engagement constructif vis-à-vis du projet. Il n'y a
pas eu besoin de prévoir une formation du personnel. Ethereum met
à disposition une application web intuitive disponible sur un smartphone
qui indique les tâches à accomplir et les résultats obtenus
(annexe B).
Désormais connectés, les agents disposent de
consignes intangibles et cohérentes qui donnent un cadre et une
visibilité d'action qu'ils n'ont plus à justifier. Les
déplacements des agents sont de fait optimisés. Ils ont
réduit de 3 km leurs déplacements hebdomadaires. Ils
reçoivent sur leurs smartphones les consignes prévues dans le
smart contract : l'heure à laquelle ils doivent sortir tel type de bacs.
Lors de la manipulation du bac, le capteur beacons bluetooth envoie
l'information du déplacement et de la nouvelle localisation à la
blockchain. Le smart contract confirme, sans qu'il y ait besoin d'augmenter le
contrôle ou de faire appel à un organe extérieur, la bonne
exécution de la consigne. En cas de d'anomalie, l'agent est averti
toujours par son smartphone qu'il est en train de sortir la mauvaise poubelle
ou qu'il a oublié de la sortir. Ce dernier a la possibilité de
justifier qu'il ne sort pas volontairement un bac si un événement
exceptionnel se produit (grève des éboueurs, poubelle vide). Il
n'y a plus besoin de contrôle humain, c'est la blockchain qui joue ce
rôle.
De plus, la vérification de la bonne exécution
est immédiate. L'utilisation du smart contract permet une plus grande
réactivité qui engendre des gains de temps importants en
optimisant l'exécution des opérations. L'ensemble des
intervenants disposent des mêmes informations, renforçant
nécessairement l'autocontrôle et rendant la chaîne de
traitement plus dynamique. Le développement de la couche applicative n'a
nécessité qu'une vingtaine de jours pour être
paramétrée. La blockchain est complètement transparente
pour les utilisateurs, elle n'est qu'un support technologique, dont ils n'ont
finalement pas connaissance.
Sur le plan financier, l'amélioration la plus
évidente est le volume des amendes en nette diminution, du fait de moins
de dépôt de bacs en infraction sur la voie publique. Le
deuxième point, celui des surfacturations, s'est également bien
amélioré par l'ajustement des factures de ramassage
calculées sur le poids réel des déchets et non plus sur
une évaluation.
Enfin, un monitoring permet de lister toutes les
opérations de la journée, ainsi AREP et ses prestataires peuvent
lire à distance toutes les transactions de la journée : la
quantité, la nature et les mouvements des déchets produits. C'est
un élément de contrôle très appréciable,
comparé à « l'état déclaratif »
transmis annuellement de manière unilatérale par le prestataire
de ramassage. Son incidence sera notable pour l'établissement de la
facture dont le montant
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sera établi en référence à des
éléments chiffrés fiables, non contestables. Cette
transaction, via un smart contract de la blockchain, recrée de la
confiance entre les partenaires.
A ces économies déjà constatées,
s'oppose le reproche majeur fait d'emblée à la technologie
blockchain, à savoir sa consommation énergétique
onéreuse. Cet enjeu est d'importance et constitue un des sujets de
réflexion de notre travail. Notre étude de cas montre que
l'expérience de la gare de Massy TGV, à ce stade de son
développement, n'apporte pas d'éléments de réponse
déterminants à cette interrogation : le nombre trop faible de
transactions quotidiennes n'entraînant pas une consommation
d'énergie quantifiable, rend non signifiant l'appréciation de cet
élément.
Mais on relève dès à présent que
l'utilisation de la blockchain dans le domaine d'activité du tri des
déchets réduit les dépenses d'énergies liées
à son fonctionnement. En effet, les progrès
réalisés en matière de recyclage et de valorisation des
déchets rééquilibrent le bilan énergétique.
La transposition à grande échelle de cette utilisation amplifiera
assurément les gains déjà réalisés.
Dans ce cadre de la réorganisation du fonctionnement
d'une entreprise s'appuyant sur une technologie innovante, notre seconde
interrogation s'est portée sur les conséquences subies par les
vecteurs traditionnels que sont les tiers de confiance.
Dans le périmètre restreint
étudié, l'intervention de ces experts n'était pas
naturelle. La réflexion menée par AREP a été
menée à bien en développant et en articulant plusieurs
procédés offerts par l'utilisation des smart contracts de la
technologie blockchain. Les qualités de sécurité et de
fiabilité d'exécution ont été construites et mises
en oeuvre sans le recours d'un tiers de confiance. De même, les fonctions
de transparence et d'accessibilité ont su restaurer la confiance entre
les parties et réduire les coûts de contentieux.
Certes, notre étude n'a pas montré de
suppression de ces intermédiaires, mais à chaque étape de
la réorganisation, elle a mis néanmoins en évidence la
réussite du projet sans que leur intervention ne soit requise. La
conclusion bénéfique pour les entreprises est la réduction
des coûts de transactions.
Un intérêt supplémentaire de cette forme
de réorganisation est que le déploiement de cette technologie est
envisageable à l'échelle d'une gare plus grande, avec des
intervenants plus nombreux générant des transactions plus denses,
sans remettre en cause le bon fonctionnement des smart contracts. Ce nouveau
savoir-faire apportera également une nouvelle offre de service aux
concédés qui passaient individuellement un contrat avec un
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prestataire ; la gare sera désormais à
même de reprendre la gestion de l'intégralité des contrats
de déchets sur son site. L'adaptabilité des smart contracts
servira à l'ajout de maillons supplémentaires dans le
réseau. Ainsi l'industrie du déchet pour répondre à
un développement croissant des attentes pourra s'appuyer sur cette
faculté pour intégrer aisément des filières d'un
type nouveau, comme celle des bio déchets dès 2025 ou celle de la
réorganisation totale de celle des plastiques tous rendus recyclables en
2030, tel que le prévoit la Commission européenne.
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