Pour se replacer dans les cadres explicatifs du
fonctionnement des transactions dans les entreprises présentées
plus haut, quels pourraient être les apports de la Blockchain dans la
dynamique contractuelle ?
40
Avec la publication de sa théorie de l'évolution
économique en 1911, l'autrichien Schumpeter définit le concept
d'innovation et de développement économique comme un processus
« de destruction créatrice » (King, Levine, 199356
ou Archibugi, Filippetti, Frenz, 201357). Ceci constitue une
combinaison nouvelle propre à perturber tout un système et
à renverser son échelle des valeurs. Certes nous avons
changé d'époque, mais il y a des similitudes avec cette nouvelle
technologie. Cette dernière pourrait bouleverser un système
existant (structure horizontale, remise en cause des tiers de confiance,
création de relations automatisées). La nouveauté serait
son caractère disruptif au sens de remise en cause des conventions et
des contraintes juridiques (JM Dru, 199658).
En 1975, Williamson établit la théorie des
coûts de transactions ; ils sont déterminés selon trois
éléments : spécificités des actifs, incertitude et
fréquence. Son analyse permet de mieux maîtriser le coût des
échanges sans toutefois parvenir à une fluidité
satisfaisante et sécurisée des transactions.
En 1976, Jensen et Meckling définissent la
théorie de l'agence comme une approche innovante des relations
contractuelles. Elle repose sur la délégation d'une partie de
l'autorité de prise de décisions et sur l'asymétrie
informationnelle ce qui a des conséquences en termes de coûts
d'organisation et de transaction.
L'analyse de ces deux dernières théories fait
apparaître des failles, des faiblesses, voire des blocages qui
empêchent, ralentissent et entraînent systématiquement des
coûts juridiques, de contrôles ou de règlement de
contentieux.
L'utilisation de l'automatisation inhérente à
la technologie de la blockchain et à ses extensions optimisera-t-elle la
fluidité, l'efficacité et la sécurisation des transactions
? La formalisation des relations contractuelles qu'elle entraînera
remettra-t-elle en cause les relations entre les différents acteurs,
voire l'existence de certains (tiers de confiance par exemple) tout en offrant
la possibilité à certains d'émerger (ceux qui mettront en
oeuvre cette technologie) ?
56 King R., Levine R. (1993), Finance and growth : Schumpeter
might be right ?, Quarterly Journal of Economics, 108, 717737
57 Archibugi D., Filippetti A., Frenz M. (2013), The impact of
the economic crisis on innovation : evidence from Europe", Technol.
Forecast. Soc. Change, 80 (7), 1247-1260.
58 Dru, J.M. (1996), Disruption - Overturning conventions
and shaking up the marketplace, Wiley, 256 p.
41
Aussi, pouvons-nous nous interroger sur les impacts de la
désintermédiation que cette technologie va induire dans les
rapports entre les actionnaires et les dirigeants. En d'autres termes, les
apports de blockchain permettront-ils de réduire certains coûts
d'agence liés à la gouvernance de l'entreprise ?
Dès la prise de décision, la blockchain modifie
les rapports traditionnels entre les actionnaires et les dirigeants. La
totalité des informations est disponible en temps réel pour tous
les membres concernés par le projet. La blockchain est une application
transversale renversant le système hiérarchique traditionnel. Les
modes de gouvernance seront donc amenés à changer. La diffusion
des informations de manière automatique et transparente permet la prise
de décision de manière décentralisée et
automatique.
Toutefois la validation de l'ensemble des décisions
individuelles équivaut-elle à préserver ou à
développer l'intérêt commun ?