2.4 L'émergence de la technologie sous-jacente :
la Blockchain et ses multiples applications
2.4.1 Les concepts et la technologie
La Blockchain est « une technologie de stockage et la
transmission d'informations, transparente, sécurisée et
fonctionnant en mode pair à pair, sans organe central de contrôle
» selon Blockchain France39, organisme né à
l'été 2015 dont l'objectif « est de démocratiser la
Blockchain en faisant comprendre ses enjeux avec pédagogie, et en
s'impliquant dans la construction d'applications concrètes. »
On peut également l'assimiler à « un grand
livre des comptes, décentralisé, dans lequel chacun des acteurs
peut vérifier les transactions réalisées par ses pairs et
les valider » (Estrade, Gaudemet, 201640), « mais elles
sont impossibles à effacer et ce livre est indestructible »
(Delahaye, 201441).
La Blockchain s'appuie sur un réseau partagé,
des algorithmes de validation et de la cryptographie asymétrique pour
sécuriser les données échangées. Ce système
crée la
37 Figuet, J-M (2015), Le Bitcoin : une monnaie ?, Larefi.
Université de Bordeaux.
38 Huet, J. (2017), Le bitcoin, dont la légalité
paraît admise, est une sorte de monnaie contractuelle, Revue des
contrats, n° 01, 1er mars, 54.
39 Blockchain France, Qu'est-ce que la Blockchain ?,
consulté le 24 janvier 2018
40 Estrade G., Gaudemet A. (2016), Blockchain : enjeux,
risques et opportunité pour les acteurs du monde bancaire et financier,
Lexbase Hebdo édition affaires n° 469 du 9 juin.
41 Delahaye, J-P. (2014), Le Bitcoin, première
crypto-monnaie, Bulletin de la société informatique de
France, n° 4, octobre, 67-104.
.
32
confiance entre des participants qui ne se connaissent pas
puisqu'ils ne sont identifiés que par pseudonymes. C'est la
résolution du paradoxe des généraux byzantins qui consiste
à envoyer des informations de manière fiable à une autre
partie sans la rencontrer. La réponse traditionnelle consistait à
faire intervenir un tiers de confiance42.
L'ensemble des transactions créées et
validées depuis la création d'une blockchain est regroupé
dans des blocs de taille fixe, chaînés entre eux au fur et
à mesure de leur création via un code spécifique qui
dépend du bloc précédent. C'est cette structure qui a
donné son nom à la Blockchain (« chaîne de blocs
»43).
Source : Blockchain France
Cette chaîne est recopiée sur l'ensemble des
ordinateurs participants (les « noeuds ») à la Blockchain, ce
qui lui confère son caractère décentralisé, les
informations de référence n'étant plus détenues par
une autorité centrale.
La validation d'une transaction passe par plusieurs
vérifications44 : le débiteur est-il solvable, la
structure de la transaction est-elle conforme, son contenu est-il
cohérent et n'a-t-il pas déjà été
dépensé dans une autre transaction pour éviter le risque
de double dépense. Il s'agit de prévenir toute tentative de
fraude, les découverts n'étant pas autorisés. Pour cela
l'ensemble des « noeuds » participants à la blockchain va
effectuer individuellement ces vérifications et quand un consensus est
trouvé, la transaction est validée et mise en attente. A
intervalle régulier, ces transactions vont être
intégrées dans des blocs par des « noeuds »
spécifiques dénommés « mineurs » par analogie
avec l'extraction de l'or.
Pour ajouter un bloc à la chaîne, ces mineurs
doivent remplir des conditions qui dépendent de la
Blockchain45 :
42 Caseau Y., Soudoplatoff S. (2016), La blockchain ou la
confiance distribuée, Fondation pour l'innovation politique, juin.
43 Egalement désignée par l'acronyme DLT en
anglais : Distributed Ledger Technology (technologie de Grand Livre/Registre
réparti)
44 Blockchain France (2016), la Blockchain
décryptée, les clefs d'une révolution, l'Observatoire
Netexplo, mai.
45 Adam-Kalfon P., el Moutaouakil S. (2017), Blockchain,
catalyseur de nouvelles approches en assurance, PwC Société
d'Avocats.
·
33
Soit apporter une Preuve de Travail (« Proof of Work
») en effectuant des calculs extrêmement gourmands en puissance
informatique dont les résultats sont eux facilement vérifiables
par les autres noeuds. C'est le mécanisme utilisé dès
l'origine par le Bitcoin. Le 1er mineur dont le travail a été
validé par consensus, intègre ce bloc dans la chaîne avec
un horodatage crypté et reçoit une rémunération.
Elle peut prendre la forme d'une part, de coûts de transaction
facturés aux initiateurs des transactions validées et, d'autre
part d'un montant fixe de la crypto-monnaie utilisée par la Blockchain,
ce qui correspond en pratique à l'émission «
crypto-monétaire ».
· Soit apporter une Preuve d'Enjeu (« Proof of
Stake ») qui correspond au nombre de jetons détenus dans la
Blockchain, ce mécanisme étant beaucoup moins consommateur en
énergie que le précédent, mais il devra démontrer
qu'il est aussi sécurisé que la Preuve de Travail
Tout essai frauduleux de modification d'un bloc
déjà validé et intégré dans la chaîne
nécessiterait de modifier l'ensemble des blocs car leur chaînage
dépend de leur contenu et devrait donc être modifié. Ceci
demanderait une capacité de calcul gigantesque générant un
coût totalement dissuasif par rapport au gain espéré. De
plus, les autres noeuds qui possèdent une copie complète de la
chaîne détecteraient la tentative de violation du caractère
inaltérable de la chaîne et le consensus rejetterait les
modifications.
Quant à la possibilité de faire des
modifications en détenant seul plus de 50% du consensus pour nuire
à une blockchain, en dehors de son coût démesuré,
elle peut être contrée par la duplication de la chaîne
préexistante à l'attaque (« hard fork »46)
par les noeuds dont l'intérêt est de continuer à la faire
vivre en modifiant ses règles de fonctionnement pour éviter
qu'une telle attaque ne se reproduise.
Ce type d'opération a déjà
été effectué sur la blockchain Ethereum en novembre
201647. Cette technique peut également être
utilisée pour corriger des dysfonctionnements qui apparaîtraient
au cours de la vie de la Blockchain, sous réserve d'atteindre le
consensus.
46 Hard fork : Opération entraînant une
évolution majeure de la blockchain en modifiant certaines de ses
règles de fonctionnement tout en préservant la chaine de blocs
historique. Un large consensus est nécessaire à son
application.
47 Adam-Kalfon P., el Moutaouakil S. (2017), Blockchain,
catalyseur de nouvelles approches en assurance, PwC Société
d'Avocats.
34
En résumé, le traitement d'une transaction peut
se représenter de la manière simplifiée suivante :
La fonction de tiers de confiance dans une Blockchain est
donc assurée par le consensus cité plus haut, les
modalités d'établissement de ce consensus dépendant du
type de Blockchain mis en oeuvre. C'est bien à une
désintermédiation qu'aboutit ce mode de fonctionnement.
|