La blockchain, une révolution de l’intermédiation. Un gain pour les entreprises au détriment des tiers de confiance ?par Jean-Louis LATHIERE Université Paris-Dauphine - Master finance d'entreprise et pilotage de la performance 2018 |
2.3.1 L'aventure BitcoinC'est dans ce contexte que fin 2008 une personne ou un groupe de personnes connu sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto rejoignit le groupe de cyberpunk et publia son « livre blanc sur le Bitcoin » 26. Celui-ci proposait de créer une nouvelle monnaie virtuelle basée sur une architecture décentralisée pour s'affranchir des institutions centrales et financières27. Nous pouvons voir la différence entre les deux modèles à l'aide des schémas présentés ci-dessous. Une architecture centralisée à gauche où une autorité centrale contrôle l'ensemble de l'organisation et une architecture décentralisée à droite qui se caractérise par l'absence de contrôle central et où toutes les entités composant l'organisation communiquent entre elles d'égal à égal. Source : https://www.goffi.org 26 Nakamoto, S. (2008), Bitcoin : A Peer-to-Peer Electronic Cash System, consulté le 15 janvier 2018. 27 Chevalier M., Vrignolles B. (2014), Le Bitcoin : défi à la souveraineté monétaire des Etats et ressource pour le blanchiment d'argent, Regards croisés sur l'économie, n° 14, La Découverte, 122-125. 27 Satoshi Nakamoto définissait le Bitcoin comme « un modèle de paiement électronique de pair-à-pair, permettant d'envoyer directement de l'argent d'une personne à une autre, sans passer par une institution financière »28. Il est basé sur la preuve cryptographique pour réaliser des transactions sans le recours à un tiers de confiance. « L'absence de banques centrales et commerciales, de systèmes de paiement et de chambres de compensation réduit les coûts de transaction supportés par les utilisateurs et constitue un avantage décisif du Bitcoin vis-à-vis des monnaies traditionnelles »29. Il faut noter que cette preuve cryptographique, calculée par des regroupements d'ordinateurs, nécessitait, d'après l'Agence internationale de l'Energie (sept. 2017), une consommation électrique équivalente à celle d'un pays comme la Hongrie30. D'autres estimations évaluent plutôt cette consommation à 18 TWh/an31, soit 2,5 fois moins et qui correspondrait à la consommation électrique de l'Islande. La réalité se situe sans doute entre les deux et reste considérable. Cette consommation est parfois comparée à celle du réseau Visa, mais elle n'est pas vraiment pertinente car le Bitcoin est autonome alors que Visa 28 Durana, G. (2015), Bitcoin : bulle ou révolution ?, Esprit, juin, 88-96. 29 Figuet, J-M (2015), Le Bitcoin : une monnaie ?, Larefi. Université de Bordeaux. 30 IEA (2017), Key world energy statistics, International Energy Agency, September, consulté le 16 janvier 2018. 31 http://blog.zorinaq.com/bitcoin-electricity-consumption/ - estimation au 11 janvier. 28 doit s'appuyer sur les infrastructures de l'ensemble de ses banques clientes pour effectuer ses transactions de bout en bout. La création de bitcoins n'est pas illimitée, Nakamoto avait fixé le nombre maximum pouvant être créés à 21 millions par opposition à la politique des Banques Centrales qui a généré d'énormes quantités de liquidités. Ce principe rappelle le fonctionnement des monnaies à l'époque où elles étaient adossées à une ressource existant en quantité limitée, l'or. Le Bitcoin qui, dans l'esprit de son concepteur, était avant tout la preuve pratique d'un concept, va s'avérer avoir une évolution explosive que ce soit d'un point de vue médiatique ou financier. Ainsi, selon Google Trends, le nombre de recherches ayant pour sujet le Bitcoin a été multiplié par 20 entre fin 2016 et fin 2017, pendant que son cours était multiplié par 14. D'après Investing .com32, 1.375 « crypto-monnaies » auraient été créées à ce jour (jan. 2018), la 1ère différente du bitcoin, la NameCoin ayant apparu mi-2011. Elles représentent une capitalisation totale de 700 Mds de $ avec un volume d'échange quotidien de 50 Mds de $. Il faut cependant noter que les 25 « crypto-monnaies » les plus importantes pèsent 87% de cette capitalisation et que les 5 premières en représentent 70% à elles seules. 32 Investing, Toutes les crypto-monnaies, consulté le 20 janvier 2018. 29 Source : Investing.com Divers scandales ont émaillé le parcours de la plus importante de ces « crypto-monnaies » : faillite de certains intermédiaires ou vols sur des plates-formes d'échange (MtGox en 201433, Coincheck en 201834, ...) insuffisamment sécurisés, blanchiments d'argent qui ont d'ailleurs donné lieu à des poursuites judiciaires. Il faut noter que certaines utilisations pour du commerce illégal ont répandu l'idée que les transactions en bitcoin bénéficiaient d'un anonymat complet. Ceci n'est vrai que pour un nombre très restreint de « crypto-monnaies » (Monero, Zcash). En effet dans la grande majorité des cas, il est possible de remonter à l'identité réelle des utilisateurs ce que les autorités judiciaires ont eu l'occasion de faire dans certains cas comme lors de la fermeture par le FBI du site Silkroad. Ce site a été condamné par la justice américaine pour avoir favoriser le commerce de produits illicites pour un montant équivalent à 1,2 Mds de $ (Le Monde, 3 octobre 2013). 33 Ali, S.T. et al. (2015), Bitcoin : Perils of an Unregulated Global P2P Currency, Technical Report Series, 1470, Newcastle University. 34 La Tribune du 29 janvier 2018 30 |
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