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Dispositif de renforcement du système scolaire conventionnel en Côte d’Ivoire. Influence des classes passerelles en zone centre nord et ouest (c.n.o.) de 2006 à  2014.


par Moussa KONE
Université Alassane Ouattara - Doctorat en sciences de l'éducation 2019
  

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2.7. Absence d'étude fiable sur l'utilisation des langues maternelles comme outil d'enseignement

Les langues maternelles à savoir le malinké, le baoulé, le koyaka et le koro n'ont fait l'objet d'aucune étude en tant que langue d'enseignement. La plupart de ces langues sont à leur première expérience dans le domaine de l'enseignement. Les animateurs qui les utilisent dans le contexte de la classe en sont des utilisateurs ordinaires et ne dispose d'aucun savoir-faire pédagogique formalisé en la matière. Ils ont juste bénéficié de conseils avisés des équipes d'encadrement pédagogique. Cette insuffisance est matérialisée par l'inexistence d'un syllabaire de langue maternelle approprié.

294 B. MAURER et al, 2010, Les langues de scolarisation en Afrique francophone : enjeux et repères pour l'action, Paris, AUF, pp. 54-66

256

2.8. Absence d'un syllabaire de langue maternelle

Le contexte d'enseignement, vu sa spécificité, requiert un langage approprié qui permet au maître de transmettre le savoir à l'élève. Ce langage doit être bien élaboré et être commune à tous les utilisateurs de la langue dans le contexte pédagogique. Dans le cas des classes passerelles, il y a eu un début de réalisation de syllabaires qui n'a pu être achevé avant la fin du projet. Toutefois, les animateurs ont eu le mérite de travailler ensemble lors des regroupements périodiques pour proposer des activités pédagogiques (leçons et exercices) aux encadreurs pour validation. Cela a sans doute contribué à réduire les écarts dans la méthode de transmission du savoir.

2.9. Insuffisance du temps de formation initiale

Dans le cadre de la formation pédagogique des animateurs, il est prévu dix jours ou deux semaines de formation initiale ; une formation continue de deux jours chaque deux mois vient en appoint. Ce temps nous semble insuffisant pour consolider les aptitudes pédagogiques. Le type d'élève et l'environnement imposent à l'enseignant un effort d'adaptation parce que la formation initiale accélérée dont il a bénéficié n'est pas toujours suffisante pour bien gérer les spécificités des apprenants.

2.10. Insuffisance du temps scolaire

Pour les classes EPT, les contenus de deux cycles (CP et CE) sont dispensés en neuf mois. De l'avis de certains pédagogues, cette pratique est techniquement intenable même si les promoteurs EPT sont rassurants sur sa faisabilité. Les résultats scolaires satisfaisants semblent conforter ceux-ci dans leur démarche.

2.11. Disparités de performance

Dans l'ensemble, l'analyse comparative des taux de réussite des classes passerelles et selon les niveaux (CP, CE et CM) permet de faire les observations suivantes :

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- les classes passerelles autant que les écoles conventionnelles enregistrent des cas de déperditions ;

- il existe des disparités de performance entre classes passerelles EPT et NRC selon l'année et la zone d'implantation ;

- il existe des disparités de performance entre les classes selon le niveau d'étude des classes passerelles ;

A l'inverse des écoles conventionnelles qui fonctionnent selon une politique éducative de promotion/abandon, les classes passerelles privilégient le maintien. Elles enregistrent néanmoins un taux de déperdition moyen (abandon et redoublement) de 07,07% pour les classes NRC et 08,10% pour les classes EPT, quand les écoles conventionnelles sont à 17,66% en 2014. Les classes passerelles affichent ainsi une supériorité de performance avérée.

A la différence de l'abandon, la question du redoublement revêt un aspect particulier qui se traduit par une admission à la dernière classe du cycle unique. C'est pour cette raison que notre intérêt porte plutôt sur les cas d'abandon. Bien que dans l'ensemble des résultats, le taux de déperdition soit insignifiant par rapport au taux de réussite, les abandons demeurent une réalité dans le dispositif des classes passerelles (03% pour les classes NRC). Il convient d'en évoquer les raisons.

Notre étude montre que les enfants abandonnent les classes passerelles pour des raisons aussi bien classiques (raisons similaires aux écoles conventionnelles) que spécifiques auxdites classes. Les raisons classiques sont d'ordre socioculturel, économique et sanitaire (le besoin de travailler pour les parents, la longue maladie, les cérémonies d'initiation, le mariage précoce). Quant aux raisons spécifiques, elles sont endogènes à la classe passerelle. Le statut de déplacé rend les élèves instables. Ils pourraient, en fonction de la situation des parents, se rendre dans une autre contrée. En outre, le fonctionnement en classe unique fait que les élèves les plus âgés sont sujets à moquerie de la part de leurs pairs.

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Ces facteurs de la déperdition sont également confirmés par une évaluation faite par CHELPI-DEN (2015)295. Autant de raisons qui méritent d'être analysées davantage pour estimer leur niveau d'impact sur la scolarité. Cela permettra de mieux cerner la question de la déperdition des classes passerelles. Pour ce faire, un monitoring des abandons est nécessaire. Une autre question connexe à la déperdition est le devenir des enfants qui abandonnent les classes passerelles supposées être leur seconde chance de scolarisation.

Les résultats montrent une amélioration de la réussite chez les élèves des classes passerelles EPT au fil des années. Des taux variant de 73,87% à 99,82%. C'est l'expression d'une forte disparité entre élèves de différentes zones au fil des années. L'on note que les plus bas chiffres sont enregistrés pour les deux premières années de la mise en oeuvre des classes passerelles dans la zone de Bouaké. Cette situation traduit les difficultés liées au lancement du projet. Il est important de dire qu'à cette période, les classes passerelles sont mal connues et ne disposent pas d'un curriculum validé par les acteurs. C'est l'atelier de Grand Bassam tenu en 2007 qui lança les bases de la réflexion sur le concept « classe passerelle ». L'atelier réunit tous les acteurs concernés, notamment les ONG et le MEN. Il déboucha en mai 2008 sur la validation des curricula CPU et CEU à Abidjan. C'est à la suite de l'atelier de Grand Bassam que NRC a ouvert ses classes.

La faible disparité des taux de réussite (de 90 à 98%) observée dans les résultats des élèves des classes passerelles NRC par la suite pourrait s'expliquer par le fait que cette organisation disposait déjà d'un curriculum validé dès le départ. Les classes passerelles NRC ont enregistré les plus faibles taux de réussite pour les CMU qui se situent entre 92,04% et 92,66%. Cela s'explique par l'inexistence d'un curriculum CMU validé jusqu'en 2011 à Guiglo. Toutefois, l'adoption d'un guide de la mise en oeuvre des classes passerelles en Côte d'Ivoire en 2013 par les acteurs dudit projet, devrait en principe aider à mieux maîtriser les curricula et

295 M. H. CHELPI-DEN, 2015, op. cit., p. 28

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améliorer les résultats. Il est vivement souhaitable que le MEN, auprès duquel ledit guide attend d'être certifié, fasse preuve de diligence.

En ce qui concerne les taux de réussite dans les niveaux d'étude, on note que la tendance de réussite pour les CPU et les CEU est à la hausse alors que celle des CMU est à la baisse. Cela montre que le taux de réussite au niveau des CMU est plus faible qu'au niveau des CPU et CEU d'une part, et que ce taux s'améliore pour les CPU et CEU au fil des ans alors qu'il baisse pour les CMU d'autre part. Cependant, cette disparité doit être minimisée quand on considère les moyenne de taux de réussite par niveau (CPU= 93,68 ; CEU=92,95 ; CMU= 91,23). Même si l'on note de meilleurs taux de réussite dans les CPU et CEU, les écarts sont insignifiants. On pourrait dire que les classes passerelles tout comme les écoles conventionnelles présentent des taux de réussites qui vont decrescendo au fur et à mesure que le niveau d'étude augmente.

Le faible taux de réussite au niveau des CMU pourrait être lié à l'âge déjà avancé des élèves qui abandonnent souvent la classe à cause des moqueries de leurs condisciples. En outre, on observe que ce niveau d'étude reçoit moins d'effectifs que les deux premiers (CPU et CEU). Nous en avons tout de même recensé au compte d'EPT lors de nos enquêtes même si le cas est presqu'inexistant. La rareté des élèves de ce niveau pourrait s'expliquer, d'après nos enquêtes, par le fait que la plupart des élèves des classes passerelles sont des déscolarisés précoces (n'ayant pas dépassé les CE) ou des non scolarisés. Enfin, les parents préfèrent occuper leurs enfants ayant l'âge avancé à des travaux lucratifs puisqu'ils sont généralement issus de milieux défavorisés.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote