1.5. Disparités de scolarisation selon le sexe, la
région, le milieu d'habitation et le statut socio-économique
C'est ainsi qu'en 2007, au niveau du genre, il est
estimé que « le genre et la zone d'habitat constituent des facteurs
discriminants, 224» et les 30% d'une classe d'âge n'ayant
pas accès au CP1 sont constitués « plutôt des ruraux,
des pauvres et plus souvent des filles.225 » En ce qui concerne
le rapport des filles aux garçons, le RESEN 2011 relève que ce
sont :
76,6% de garçons contre 67,1% de filles d'une classe
d'âge qui ont accès à
l'école primaire. [Au niveau des régions],
en 2007, il est estimé que : « le taux d'accès à
l'école est supérieur à 80 % à Abidjan et dans la
région
Centre Ouest, alors qu'il n'est que de 35 % dans la
région Nord et 41 % dans la région Nord-Ouest. 226
Au niveau de la zone, en 2007, il est estimé que
seulement « 66 % de la classe d'âge de 6 ans en milieu rural ont
accès à l'école » contre « 83 % en milieu
222 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., pp. 11-12
223 idem, p.18
224 Banque Mondiale et al, 2011, op. cit., p. xxxii
225 idem, p. xxxi
226 idem, p. 40
178
urbain.227 » Le RESEN 2016 confirme
l'existence des disparités diverses en 2012 comme suit : « au
niveau du primaire, en considérant le milieu de résidence et le
niveau de vie des ménages, les analyses montrent que les
disparités dans les scolarisations sont générées
dès l'accès, et se creusent au cours de la
scolarité.228 » Pour le RESEN 2016 les disparités
se présentent à différents niveaux :
- au niveau des ressources allouées à
l'éducation du fait de leur parcours scolaire plus long, certains
groupes de la population s'approprient plus de ressources publiques ;
- au niveau du genre, les garçons consomment 20 % de
ressources de plus que les filles ;
- au niveau du milieu géographique, les enfants issus
de milieux urbains consomment près de 2 fois plus de ressources que les
ruraux, et un jeune scolarise à Abidjan, 3,5 fois plus qu'un jeune
vivant dans la région Nord-Ouest ;
- au niveau du milieu socioéconomique, les enfants
issues de milieu familial favorisé consomment 3,7 fois plus de
ressources que les enfants issus de milieux défavorisés ;
- et au niveau de la répartition des infrastructures
scolaires une différence
fondamentale existe entre le Nord et l'ouest et les autres
régions du pays. C'est ainsi « qu'au niveau national, il existe une
école primaire tous les 2,8 km en moyenne, [alors que dans] les
régions du Nord et de l'Ouest du pays, près de la
frontière avec le Liberia, les écoles primaires sont
séparées par une distance moyenne de 4 km. 229 »
Dans une esquisse d'explication de ces
inégalités, le RESEN 2016 précise que « La situation
défavorable des filles résulte de la combinaison de deux
phénomènes : d'un accès au cycle primaire moindre, et
d'une plus forte déperdition, notée pour l'ensemble des cycles.
Il serait intéressant de mieux comprendre ce qui bloque ainsi
l'accès des filles au primaire et leur progression au sein des
227 Banque Mondiale et al, 2011, op. cit., p. xxxiii
228 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op. cit.
p. 9
229 idem, pp.10-11
179
cycles. 230» Dans la même
démarche d'explication, se fondant sur des données de l'ENSETE de
2013, le RESEN 2016 affirme que :
(...) outre les problèmes financiers, qui entravent
de manière similaire la scolarisation des filles que celle des
garçons (42 % des cas), les tâches ménagères sont
particulièrement pénalisantes pour les filles, étant mises
en avant dans 6 % des cas (...). De manière surprenante, le jeune
âge des enfants est un problème plus couramment invoqué
pour les garçons (21 % des cas) que pour les filles (18 % des
cas)231
En ce qui concerne les disparités de lieu de
résidence en matière de scolarisation, le RESEN 2016 les justifie
comme suit :
Les centres urbains, mieux pourvus en infrastructure de
base, offrent en général davantage d'opportunités de
scolarisation (forte concentration de la population, moindre distance pour se
rendre à l'école [réduite]), contrairement aux zones
rurales qui sont moins bien dotées en infrastructure scolaire et ont une
population dispersée, ce qui induit de grandes distances à
parcourir pour les enfants. Cependant, en milieu urbain, la forte
densité de population peut contraindre les possibilités de
construction d'écoles, conduisant à de grandes tailles de classe
et/ou à exclure des élèves des opportunités
édu-catives.232
L'inégale répartition des infrastructures
d'accompagnement est également évoquée par le RESEN 2016.
Ainsi, en 2013, 35 % d'écoles sont dotées de points d'eau en
milieu rural, contre 68 % en milieu urbain ; 36 % d'écoles sont
dotées de latrines fonctionnelles en milieu rural contre 69 % en milieu
urbain et 56 % d'écoles sont dotées de cantines en milieu rural,
contre 52 % en milieu urbain.
Au niveau des manuels scolaires, les écoles sont peu
dotées et leur distribution entre écoles est inéquitable.
« Les manuels scolaires, en plus d'être insuffisants, sont
également mal repartis entre établissements. 233»
Cette absence d'équité se manifeste également entre les
différentes régions. Au niveau de la scolarisation, de
manière générale, « le phénomène de
non-scolarisation et d'abandons précoces affectent le plus les couches
les plus pauvres de la popula-
230 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit, p. 164
231 ibidem
232 idem, p.167
233 idem, p. 17
180
tion, les jeunes en milieu rural et de façon
prépondérante les jeunes des régions du Nord et du
Sud-Ouest. 234»
Au regard de ce qui précède le défi pour
l'enseignement primaire consiste à « toucher davantage les enfants
des milieux ruraux, de certaines zones administratives comme le Nord, le
Nord-Ouest et le Centre-Ouest, et les familles pauvres. 235»
l'Etat de Côte d'Ivoire inscrit la question des inégalités
de scolarisation dans le cadre de l'équité en éducation.
C'est une problématique qui, au-delà de l'enjeu éducatif,
a des enjeux économiques et de développement. Relativement
à la question de l'accès, les classes passerelles proposent une
approche de proximité en s'implantant dans des zones rurales
réduisant ainsi les distances à parcourir par les
élèves pour être à l'école. L'implantation de
ces classes permet également de former et d'employer davantage
d'enseignants eu égard à leur procédé de
recrutement qui s'adresse au diplômés sans emploi et titulaire du
Brevet d'Etude du Premier cycle (BEPC). Cela est d'autant plus pertinent que le
système éducatif ivoirien manque d'enseignants.
La question de la disparité selon le sexe est prise en
compte par le projet passerelle par « le volet genre » qui donne la
priorité aux jeunes filles dans les critères de recrutement.
Quant à la disparité selon la région et la zone, ces
classes s'implantent dans les zones C.N.O qui ont subi les effets
néfastes de la guerre sur les infrastructures éducatives. Ce sont
des zones qui ont connu très peu d'investissement dans le domaine
éducatif depuis la guerre de 2002 du fait de l'absence de l'Etat. Le
projet des passerelles de 2007 et 2009 viennent en appui à la dotation
des zones rurales et urbaines souffrant d'une lacune d'offre
éducative.
234 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p.7
235 idem, pp. 10-11
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